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Petit traité de la chose publique à l’usage des amis des églises privées – épisode 4

Dans ce dernier épisode de la série "Petit traité de la chose publique...", Claude de Martel revient sur le cas particulier des monuments historiques. A lire avec attention !
Publié le 16 avril 2013

En France, on distingue deux types d’écoles : publiques et privées. Mais les adjectifs « public » ou « privé » sont rarement accolés au substantif « église ». Et pourtant, il existe des églises « privées » : ce sont, pour la plupart, des églises construites après la Séparation des Églises et de l’État en 1905, et appartenant aux diocèses.

Beaucoup de ces églises ont des « amis », regroupés en associations qui se chargent souvent d’effectuer des démarches auprès des « administrations » (au sens large), pour solliciter des subventions, demander des autorisations ou simplement se faire connaître.

Les animateurs de ce blog se trouvent dans ce cas. Ils ont une expérience de presque 15 ans des relations avec les services administratifs intéressés par la protection du Patrimoine. Ils la résument ici avec quatre articles donnant des informations et des conseils.

Règle n°4 : pour les églises classées ou inscrites, ne pas tout attendre de l’État (mais ne pas l’ignorer non plus)

Si les églises privées constituent une minorité parmi les églises de France, les églises privées classées ou inscrites, en totalité ou en partie, au titre des monuments historiques constituent une minorité dans la minorité. Notre église Saint-Louis de Vincennes présente la particularité d’appartenir à ce tout petit groupe depuis le 10 septembre 1996, date de son classement en totalité par le ministre de la Culture.

Par rapport à la situation décrite dans les articles précédents, les propriétaires et amis d’une église classée ou inscrite possèdent un avantage exceptionnel à première vue : leur église est un « immeuble dont la conservation présente un intérêt public » (art. L 621-1 du Code du Patrimoine) ou dont la conservation est jugée « désirable » par l’autorité administrative (art L621-25). A la différence de tous les autres propriétaires et associations d’amis, ceux-ci ont donc déjà, pourrait-on dire, un pied dans la sphère publique.

Qu’il s’agisse d’un classement ou d’une inscription au titre des monuments historiques, c’est l’administration qui a fait le premier pas. Et comme, au moins pour les édifices classés, l’administration a dû s’assurer du consentement du propriétaire, on peut imaginer que des relations personnelles se sont établies entre les services du ministère de la Culture (qui prend la décision) et les personnes privées ayant un rapport avec la propriété de l’église : le diocèse (propriétaire sur le plan du droit civil), la paroisse (propriétaire sur le plan du droit canonique) et l’association des amis – s’il en existe une !

 

 

La présence d’une association des amis paraît en effet, en première analyse, moins nécessaire. Car la loi de 1905 comporte, en fin de l’article 19, une phrase qui pourrait être qualifiée de … «miraculeuse»! : « Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés ». Ainsi le ministère de la Culture et les autres collectivités publiques peuvent verser à un diocèse des « aides » ou des « participations financières » sans violer l’interdiction de principe de subventionner les lieux de culte. L’existence d’une animation culturelle ne paraît donc pas obligatoire.

Mais cette disposition de la loi de 1905 n’a évidemment pas pour effet de transférer à l’État la responsabilité de la conservation du monument historique qui appartient toujours au propriétaire (art. L621-29-1 du Code du Patrimoine). Et l’État ne se substituera jamais au propriétaire pour boucler le plan de financement des travaux qui se révèleraient nécessaires.

« Lorsque l’Etat participe financièrement à des travaux d’entretien, de réparation ou de restauration d’un immeuble classé ou inscrit, l’importance de son concours est fixée en tenant compte des caractéristiques particulières de cet immeuble, de son état actuel, de la nature des travaux projetés et, enfin, des efforts consentis par le propriétaire ou toute autre personne intéressée à la conservation du monument. » (art. R621-82)

Le diocèse aura donc toujours la nécessité de rechercher des financements extérieurs.

Nous sommes ici dans les profondeurs du « mille-feuilles administratif » évoqué dans le premier article. Car la Culture ne fait pas partie des compétences obligatoires des collectivités locales (sauf pour l’enseignement), et l’État s’est toujours refusé à leur confier des attributions en matière de protection des monuments historiques (sauf à leur en céder la propriété) – par une méfiance peut-être de moins en moins justifiée. Les collectivités locales pourraient donc refuser d’intervenir pour les églises classées ou inscrites. Heureusement, elles ne pratiquent pas (pour le moment ?) ce qui serait une discrimination à rebours ; mais leur choix reste un choix politique. La nécessité d’une exploration du dédale administratif territorial refait donc surface. Et avec elle, la nécessité d’une animation culturelle ! Et d’une association des amis !

 

Photo : CDM

 

Nous n’évoquerons pas ici le rôle des services du ministère de la Culture en matière de prescription de travaux, d’assistance éventuelle à maîtrise d’ouvrage, de contrôle scientifique et technique sur les travaux. Ni le partage des rôles entre la direction régionale, la conservation régionale des monuments historiques, le service territorial de l’architecture et du patrimoine, l’architecte des bâtiments de France.

Mais il est essentiel de comprendre que les services du ministère de la Culture ne peuvent se substituer au propriétaire et à l’association des amis ni leur servir de guides pour effectuer, dans l’administration territoriale, les démarches qui restent nécessaires …

En résumé, lorsqu’une église privée est classée ou inscrite au titre des monuments historiques, la situation de l’association des amis est à la fois plus simple et plus compliquée : plus simple, car les interlocuteurs sont déjà identifiés dans les services de l’État (ministère de la Culture et de la Communication), même si le partage des rôles entre eux n’est pas toujours parfaitement clair ; plus compliquée, car la responsabilité des propriétaires de l’église (diocèse et paroisse) est plus lourde, notamment sur le plan financier, et implique donc pour eux des choix politiques plus difficiles.
 

Claude de Martel
Avril 2013

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