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L’orgue : une forêt de tuyaux

François Mazouer continue à nous livrer les secrets de la composition d'un orgue. Il revient cette semaine sur la notion de « jeu » évoquée succinctement dans son article précédant, « L'orgue ce n'est pas si simple ».
Publié le 21 novembre 2013

Un jeu permet de reconstituer au clavier (ou au pédalier) la sonorité d’un instrument, caractérisé par son timbre et par sa hauteur. Chaque jeu est constitué d’un ensemble de tuyaux dont les caractéristiques physiques (forme, dimension, type de matériau, pression du vent…) permettent d’émettre le son souhaité.

Contrairement aux instruments à vent de l’orchestre qui peuvent produire toute une échelle de son avec le même instrument (grâce aux clefs ou aux pistons), un tuyau d’orgue est conçu pour ne faire sonner qu’une seule note. Donc, pour chaque jeu (par exemple une flûte au clavier), il sera nécessaire d’avoir 61 tuyaux (c’est à dire un par note pour un clavier de cinq octaves). A la note la plus grave correspond le tuyau le plus haut, et à la note la plus aigüe le tuyau le plus petit ; l’ensemble de la tuyauterie d’un jeu a donc la forme d’une flûte de Pan.

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L’on comprend ainsi pourquoi un orgue d’une trentaine de jeux, tel que celui en construction à Saint-Louis de Vincennes, renfermera dans ses buffets plus de 2000 tuyaux !

Il existe deux types de tuyaux qui se distinguent par le mode d’émission du son :

Les tuyaux à bouche : L’émission du son se produit de la même façon que pour une flûte à bec : l’air rentre par le pied du tuyau, se heurte à un obstacle interne au tuyau – le biseau – et se voit contraint de ressortir par une faible ouverture (la bouche du tuyau) ; la vibration de l’air au niveau de la bouche se propage dans la partie supérieure du tuyau, émettant un son.

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Ancien orgue de Saint Louis de Vincennes ©DR

Les tuyaux à anche : L’émission du son se produit de la même façon que pour une clarinette : l’air, qui rentre par le pied du tuyau, met en vibration une languette de métal – l’anche – située dans le pied du tuyau ; la vibration de cette anche, libre à l’une de ses extrémités, se propage dans la partie supérieure du tuyau – le résonateur -, émettant de même un son.

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Sur ces principes, les types de tuyaux génèrent des familles de jeux que l’on peut résumer ainsi (retrouvant alors des similitudes avec les familles d’instruments de l’orchestre) :

Les tuyaux à bouche peuvent être classés en trois catégories selon leur taille (rapport entre le diamètre et la hauteur du tuyau) :
taille étroite : les gambes, salicionaux, violes… : jeux au timbre pincé qui se rapproche le plus du son frotté des instruments à cordes
taille large : flûtes, bourdons… : jeux à la sonorité ample et chantante
taille intermédiaire : famille des principaux (montres, prestants…) : jeux idéaux par leur clarté pour faire ressortir les différentes voix d’une polyphonie.

Certains jeux font sonner plusieurs tuyaux à bouche de hauteurs différentes sur une même note, faisant entendre ainsi simultanément plusieurs harmoniques d’un même son ; il s’agit des mixtures (ou pleins-jeux) ou des cornets.
Pour être complet, il faudrait évoquer les jeux ondulants (voix céleste…) : tuyaux faiblement désaccordés dont le son ondule lors qu’il est mélangé à celui d’un autre jeu de même hauteur.

Les tuyaux à anches peuvent être classés en trois catégories selon la taille et la forme de leur résonateur :

la famille des trompettes: (du plus grave au plus aigu :bombarde, trompette, clairon), il s’agit des jeux d’anche les plus brillants (analogues aux cuivres de l’orchestre), leur résonateur est conique ;

Ancien orgue de Saint Louis de Vincennes ©DR

la famille des hautbois et bassons: leur résonateur est cylindrique ; les tuyaux à corps raccourci (cromorne, clarinette, régale…).


Certains jeux d’anche peuvent être disposés horizontalement (« en chamade ») à l’extérieur du buffet – disposition fréquente en Espagne -).


Orgue d’Arcos de la Frontera, Andalousie ©DR

Lors de la construction d’un orgue, les tuyaux ont déjà certaines caractéristiques de fait, dues au matériau employé (proportion respective d’étain et de plomb si c’est du métal, ou bois) , à la hauteur et à la taille du tuyau, à l’emplacement de la bouche, etc. Chaque tuyau est ensuite « harmonisé » individuellement par le facteur d’orgue qui joue sur tous les paramètres de réglage pour arriver au résultat sonore attendu dans l’acoustique de l’église.

 

François Mazouer

21 novembre 2013

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