Voir toutes les photos

Une « Cristallisation » de Pascal Convert, fragile évocation entre présence et absence

Face à cette œuvre de Pascal Convert, Paul-Louis Rinuy continue à sonder le mystère de la 'grâce issue de la fragilité' et nous amène à une subtile méditation artistique et spirituelle où la « Cristallisation » devient purement et simplement « Christallisation »...
Publié le 02 avril 2022

Pascal Convert, Cristallisation #3, 2014, Verre à original perdu, charbon de bois + Socle métal, Maître verrier Olivier Juteau 95 x 33 x 23 cm © Pascal Convert ADAGP 2022

Touchant parce que fragile ! Humain et divin, vrai Dieu et vrai homme, dans sa fragilité même !

Ce que nous ne pouvons pas rationnellement comprendre ou admettre, au nom de notre bon sens et de notre esprit de clarté, d’analyse et de géométrie, ce Christ-là, cette Cristallisation (Christallisation peut-être) de Pascal Convert nous le donne à contempler, à ressentir. Je vois ce visage noir, brûlé, revenant de si loin, de ces temps qui nous précédent à jamais. De ce bois premier, de cette âme de la sculpture actuelle dirais-je, il ne reste plus que la couleur, l’évanescence, une forme présente et absente à la fois. Ce je-ne-sais-quoi, n’est pas rien, comme le suggérait Jankélévitch dans sa troublante analyse, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien II, La méconnaissance et le malentendu (1980). Dans le Repas d’Emmaüs de Rembrandt, le philosophe découvrait le presque rien d’« une humble lueur, fragile comme la flamme d’une chandelle (qui) loin d’éblouir les yeux des visiteurs, détermine une révolution dans leur regard intérieur ». Un presque rien, fragile et décisif.

PASCAL CONVERT, CRISTALLISATION #3, 2014, VERRE À ORIGINAL PERDU, CHARBON DE BOIS + SOCLE MÉTAL, MAÎTRE VERRIER OLIVIER JUTEAU 95 X 33 X 23 CM © PASCAL CONVERT ADAGP 2022

Ici, ce sont l’éclat et les brisures de ce corps de verre, vulnérable et précieux, protecteur et précaire à la fois, qui nous émeuvent. Que reste-t-il du point de départ de l’œuvre, de ce Crucifix en bois ancien, passé par le feu, cette chaleur de 120, 550 puis 800 degrés, soumis à cette épreuve avec le verrier Claude Juteau, qui orchestre comme transfiguration de la matière ? Le Christ premier, détaché de sa croix et libéré de tout clou ou pointe de métal qui le transperçait, a disparu. Consumé, il est devenu un fantôme de verre et de transparence.  Je ne sais si cette métamorphose peut être dite transsubstantiation ; elle n’est pas simple histoire de forme, ou d’esthétique. Un objet de mémoire s’est transformé en promesse d’avenir. Une représentation, avec tout ce que le mot comporte de jeu et de convention, est devenue réelle présence, devant nos yeux. Un corps à cœur, de fragile à fragile, un cœur à corps.

Paul-Louis Rinuy

Cette œuvre de Pascal Convert a été offerte par la Fondation Antoine de Galbert à l’église Saint-Eustache (Paris).

Contenus associés
Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *