A l’origine, les confrères de la Sanch avaient deux missions : ils devaient accompagner les condamnés à mort lors de leur exécution et s’occuper de leur dépouille ; et ils organisaient une procession commémorant la Passion du Christ chaque Jeudi Saint.
Un rituel de pénitence
Jusqu’au dix-huitième siècle, des flagellants accompagnaient le cortège. Si ces derniers ont disparu, les membres qui défilent continuent à faire pénitence à travers le rituel. Certains des confrères choisissent alors de marcher pieds nus afin d’accentuer cette dernière.
Aujourd’hui, les plus de 700 membres de l’archiconfrérie promènent dans le centre de la ville, fermé pour l’occasion, une quinzaine de misteris. Ces scènes figurant, par des sculptures en bois polychrome grandeur nature, le récit de la Passion du Christ, doivent permettre aux fidèles de se les remémorer en ce jour saint. Les spectateurs pourront alors admirer dans les rues des représentations des saints ou du Christ. On y verra aussi défiler plusieurs Vierges des douleurs, dont les robes noires rappellent le deuil, ou encore une Mater dolorosa tenant son fils mort dans ses bras.
La procession des « misteris », une tradition de génération en génération
Au son des tambours, des goigs et du miserere (chants catalans), des groupes de quatre à huit confrères portent sur leurs épaules les scènes sculptées installées sur des socles jonchés de fleurs pour l’occasion. Les autres membres de la confrérie les accompagnent, formant ainsi une file de plusieurs centaines de mètres. La charge est lourde. Chaque misteri pèse plus d’une centaine des kilogrammes. D’autant que la procession dans les rues de la ville est longue. Elle durera environ trois heures. Des pauses sur le chemin permettront alors aux porteurs de se reposer et à quelques dix mille personnes d’admirer le spectacle.
Semblables aux confréries espagnoles, les membres de l’archiconfrérie de la Sanch, sont habillés de la célèbre caparutxa. A l’origine, cela ne qualifiait que la coiffe conique recouvrant le visage jusqu’au épaules. Les membres portent ainsi cette coiffe qui ne laisse apparaître que les yeux, pour s’assurer de leur anonymat et faire pénitence.
Aujourd’hui, cela désigne par extension la longue robe rouge, couleur de sang, ou noire, couleur de deuil, retenue par un cordon appelé cordelière. C’est actuellement la couleur de ces cordelières qui permet de distinguer la provenance du pénitent. Elles peuvent être rouges, vertes, blanches ou bleues selon la paroisse d’origine. On est membre de génération en génération et porter un misteri est un honneur. Que l’on soit homme ou femme, tout membre peut le faire.
L’archiconférie de la Sanch n’a jamais disparu au fil des siècles
Si en Espagne, la tradition de la Semaine Sainte est particulièrement bien ancrée, en Catalogne française la tradition a périclité au début du vingtième siècle. Mais l’archiconfrérie n’a jamais disparu. Avec les lois de sécularisation, on avait réduit son espace à celui de l’église Saint Jacques de Perpignan. La procession réapparait dans les rues de la ville, dans les années 1950. Elle s’est peu à peu transformée en l’une des attractions touristiques de la cité. Preuve de l’importance que lui accordent les autorités, elle bénéficie depuis 2014, d’une exposition, montrant ce qu’est la procession de la Sanch (2). On peut d’ailleurs y retrouver certaines sculptures de la procession aux côtés d’autres objets qui racontent l’histoire de la tradition et de l’archiconfrérie.
La ville de Perpignan l’a installée dans l’ancien évêché, proche de l’église Saint Jacques d’où part la procession et elle compte faire évoluer cette présentation en un centre d’interprétation. Elle pense d’ailleurs y installer le siège d’une éventuelle candidature à la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’UNESCO.
Nathalie Cerezales
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1- Le nom complet est Confraria de la Preciosissima Sanch de Nostre Senyor Jesus Christ
2- Ancien évêché de Perpignan, Rue de l’Académie, 66000 Perpignan. Ouvert au public entre la Semaine sainte et le 1er novembre.