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La fragilité et la grâce

Que recèle cette œuvre déroutante, sinon des éléments sensibles qui rejoignent nos questionnements sur la 'grâce issue de la fragilité' ? Françoise Paviot nous partage ici ses impressions face à cette pièce de Pierre-Yves Freund et nous invite à une plus large réflexion.
Publié le 20 décembre 2021

Pierre-Yves Freund est un artiste qui travaille dans le champ de l’éphémère et de la fragilité. «  Je n’utiliserai jamais le mot grâce dans mon travail », dit-il silencieusement,  « c’est un autre qui peut dire le mot ». Il en est de même dans sa réflexion et son travail, quand il met en place un dispositif pour ensuite s’effacer et le confier  à autrui. Passage fugitif, transformation subtile et parfois intangible qui donne  lieu à des œuvres destinées à disparaître, des œuvres où le plâtre, le tain du thé ou les pétales de roses conjuguent le visible et l’invisible. Il s’agit ici, comme il le dit lui-même, d’une rencontre et comme l’écrit Philippe Aubert : « Personne ne cherche à convaincre personne : une rencontre dénuée de calculs, une rencontre dans le sens le plus noble du terme. C’est à dire faite pour marquer l’instant présent. »

Oeuvre de Pierre-Yves Freund © Pierre-Yves Freund

L’œuvre choisie pour l’Avent, est un pain d’hostie ou pain azyme, non consacré  il va sans dire, déposé sur du plâtre liquide qui monte en chaleur au moment de la prise. Le plâtre en séchant se rétracte, crée des boursouflures dans la matière du pain d’hostie qui réagit et va se modifier différemment au fil du temps. Comment ne pas évoquer ici un des  sens premiers du terme hostie qui, en latin, était celui de « victime ». Le tout est installé  dans une petite  boîte, un contenant fermé, à l’image d’autres pièces qu’il a nommées des Esquilles. Ces pains d’hostie non consacrés, il les a achetés chez les Carmélites de Saint-Maur, un couvent situé au dessus de Lons-le-Saunier, dont la Mère supérieure connaissait bien son travail. (1)

En prenant le temps de contempler une de ces petites boîtes, je n’ai pu m’empêcher d’associer à leur délicate présence  le texte de l’Exode dans l’ancien Testament où Dieu envoie aux Hébreux pour les nourrir, du « pain » sous la forme d’une fine couche de givre. Cette précieuse matière qui brillait certainement au soleil a dû émerveiller plus d’un et on pourrait presque dire que Dieu a réalisé là, une des plus belles installations de l’histoire de l’art. Mais ce qui semblait si fragile et si prompt à disparaître a eu également la capacité de nourrir tout un peuple en rébellion, au bord de la famine, un peuple qui a retrouvé la force de poursuivre le chemin. Quelques centaines d’années plus tard, c’est une hostie consacrée, qui,  dans sa fragile matière, se donne en nourriture par la grâce de l’Eucharistie.


Françoise Paviot

(1) 1) Certaines de ses œuvres ont été exposées dans le monastère des Clarisses Sainte Colette, de Poligny (Jura). Les Clarisses de Poligny et les Carmélites de Saint Maur sont proches …

Voir aussi l’article de Paul-Louis Rinuy sur Narthex.fr :

– Art en chapelles : Réelles présences

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