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La Danseuse de Chagall, aérienne comme un ange

En contemplant la Danseuse de Chagall, sur le plafond de l'Opéra de Paris, Sylvie Barnay nous propose un méditation poétique et artistique sur cette oeuvre, et en offre une vision inattendue, particulièrement chargée de sens en ce temps de l'Avent.
Publié le 19 décembre 2020

Marc Chagall, La Danseuse, détail du plafond de l’Opéra de Paris, 1964 © Wikimedia commons

Elle passe la jeune fille comme poussée par le vent de la première lettre de l’alphabet qui le précède en dessinant un « ah » de surprise ! La voici qui avance sur la scène du plafond de l’Opéra peint par Chagall en 1964 faisant venir à l’esprit les mots du Livre d’Isaïe : « Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (Is 7,14). Le poète dit si bien le mouvement qui s’engendre donnant au peintre pour escorte « des violons et des roses, des amoureux plus légers que des anges ». (1) Raïssa Maritain a une écriture qui correspond à la peinture. Dans cette création selon Chagall, il n’est « ni haine, ni discorde ». Au soir de sa vie, le peintre comme le poète dit « la grâce et la joie, la fraternité et l’amour ».

Le regard s’attarde sur le mouvement qu’esquisse la jeune femme sur le chemin du ciel où celle-ci marche sur l’air. Il se rend à présent voyageur surpris de se retrouver en si bonne compagnie. Au lointain, apparaissent les flèches d’une ville surgie des terres de la Russie natale et des brumes de l’enfance du peintre. Soudain, on aperçoit les ailes d’un ange que la puissance de l’acte de peindre dévoilent sur le corps de la danseuse. Elles semblent comme venir s’imprimer en son corps. Elles déploient une force qui donne à la couleur de la peinture le destin d’une direction. La femme et le mystérieux personnage dansent en effet une union qui n’appartient qu’à eux. De leur rencontre naît un désir. Il a la forme d’une image apparue au cœur d’un nuage de fleurs multicolores que touche la danseuse.

Un visage apparaît. Sa manifestation est messianique. La Bible de Chagall n’appartient à aucune religion. Elle s’inscrit dans le mystère des temps qui traversent tous les temps. Elle s’agenouille dans le cœur qui bat en chacun de nous. Il est minuit dans l’histoire. Nous sommes tous Cendrillon avec des rêves de Sans-Souliers. Passe alors, comme dans un rêve, le château enchanté de la couleur où transporte la musique de l’Opéra. Sonnez trompettes, résonnez hautbois ! Il est né le jour où le prince viendra retrouver la princesse avec la pantoufle de vair, si fragile, si gracile. Un jour viendra où naîtra l’Enfant-Roi.

Sylvie Barnay

(1) Raïssa Maritain, Marc Chagall (première version, 1943), édité sous le titre Chagall ou l’orage enchanté (seconde version, 1948)
Chagall est venu à grands pas
De la Russie morose
Il a dans sa besace
Des violons et des roses
Des amoureux plus légers que des anges (…)

 

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