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L’art au service de la Paix – une nouvelle sculpture à la cathédrale de Lille

En avril 2018, la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille de Lille a inauguré la sculpture « La Paix soit avec toi ! » de Nicolas Alquin, à l’occasion du centenaire de l’Armistice de 1918. Monseigneur Ulrich, évêque de Lille, a prononcé à cette occasion un discours puissant, une invitation à tous, croyants de toute obédience et non-croyants, à chérir et œuvrer pour la paix.
Publié le 11 septembre 2018

Entre 2014 et 2018, le Comité 14-18 présidé par Monseigneur Ulrich, archevêque de Lille, s’est réuni pour mettre en place les actions et événements du diocèse pour la commémoration du centenaire de l’Armistice de 1918. Ce comité, composé d’historiens, de prêtres, de l’archiviste diocésain, de représentants de la Commission Diocésaine d’Art Sacré et du mouvement Pax Christi international, a souhaité marquer cette commémoration par une commande d’une oeuvre sur la Paix à l’artiste Nicolas Alquin. 

Nicolas Alquin, la paix soit avec toi, bronze, 2004, CATHÉDRALE NOTRE-DAME DE LA TREILLE, LILLE © photo : Gautier Deblonde
Discours de Mgr Ulrich, vendredi 20 avril 2018, cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille

Je dédie ce moment au père Arnauld Chillon, recteur de cette cathédrale, qui vient d’achever cette nuit son parcours terrestre et s’est remis dans une totale confiance au Seigneur qu’il a aimé et servi de toutes ses forces. Avec lui et avec Nicolas Alquin, nous avions choisi ensemble ce lieu où nous sommes pour l’installation de l’œuvre : la paix soit avec toi ! que nous voyons maintenant.

Nous voulions, depuis plusieurs mois que nous avons commencé à travailler – nous, les diocésains de Lille, Arras et Cambrai – sur ce centenaire de la paix, laisser une œuvre forte et durable, marquante de la culture de la paix que l’Eglise appelle de ses vœux. L’Eglise du Nord n’est bien sûr pas seule sur ce terrain, mais elle éprouve une joie profonde d’associer à ce geste Mgr Michael Gerber, évêque auxiliaire de Fribourg en Allemagne, qui s’est exprimé au nom de la Conférence des évêques d’Allemagne, et cela marque la volonté commune de travailler ensemble à l’œuvre de la paix. Pax Christi International, en congrès dans notre région, a voulu se joindre à notre initiative, et je salue la présence de ses adhérents et aumôniers ce soir. L’Eglise catholique n’est pas seule : nos frères anglicans – Mgr Trevor Willmott, évêque de Douvres, est là, très souvent, avec nous, et pendant ces 4 jours. Mais aussi nos frères de l’Église protestante Unie de France, avec qui nous travaillons en continu. Et ensemble chrétiens nous retrouvons nos frères aînés, juifs, dans un même désir de paix.

Les Eglises chrétiennes se savent aussi proches de nombres d’institutions publiques – et je suis heureux de saluer les autorités civiles – et de beaucoup d’associations, d’organisations non gouvernementales, de groupements divers qui se fixent cet objectif d’une paix juste, d’une paix féconde pour les peuples, d’une paix qui tienne compte de la diversité des cultures, de l’inégalité des situations, de la survenue des problèmes nouveaux de notre époque : les technologies nouvelles et l’accès aux richesses naturelles ou produites par l’industrie ; la question de la disponibilité de l’eau, et des problématiques du climat ; la course aux armements ; les formes galopantes d’urbanisation, et les nombreux motifs des migrations, et bien d’autres sujets. Enfin nous aimons à retrouver des frères et des sœurs d’autres religions, plus particulièrement ici de l’islam et du bouddhisme, pour partager des moments de réflexion, des échanges spirituels, et parfois des nourritures corporelles qui nous dépaysent…

Après avoir foulé, hier, autour de Vimy, Neuville Saint Vaast et Lorette, les terrains d’opérations militaires de la côte d’Artois, ces terrains qui sont devenus les cimetières militaires – 600 dans le Nord-Pas de Calais -, et parcouru la liste des 580 000 morts qui sont sur l’Anneau de la mémoire, nous avons pu vivre ce temps d’offrande, de célébration interreligieuse. Et nous avons, à la façon dont la Communauté Sant’ Egidio a l’habitude de le faire, convoqué toutes les richesses spirituelles dont nos traditions religieuses sont capables – en n’oubliant pas ceux qui ne professent pas de foi religieuse, mais veulent concourir avec énergie à cette construction d’une humanité fraternelle et plus pacifique. […]

NICOLAS ALQUIN, LA PAIX SOIT AVEC TOI, BRONZE, 2004 – cathédrale Notre-Dame de la Treille, Lille © PHOTO : GAUTIER DEBLONDE

Ce soir devant cette sculpture, nous posons un geste qui sera présent encore dans les générations futures. D’abord cette œuvre se lit comme un dialogue douloureux, éperdu : qui es-tu toi qui me regarde et que je regarde, es-tu rempli de violence à mon égard ? Vas-tu m’agresser, me haïr, me détruire ? Ne sais-tu pas que tu es alors en train de te faire à toi-même du mal, que tu te dégrades, que tu te déconsidères ? Ce cri est celui qui, peut-être, n’arrête pas la violence, mais celui qui la prévient dans la personne même qui le pousse. Car c’est lui, tout aussi bien, qui aurait pu être fauteur du mal.

Passants si nombreux qui entrez dans cette cathédrale, souvenez-vous que vous êtes accueillis ici par ce mot de bienvenue que vous adressent les croyants qui habitent ce lieu chaque jour de la semaine. Ils vous disent : la paix soit avec toi !

Il y a évidemment une deuxième lecture, et elle dit : la paix soit avec toi ! C’est la parole de l’évangile … Elle est naturellement bienvenue dans cette cathédrale, et c’est elle qui maintenant nous accueille ici, depuis cette entrée du collatéral droit. Elle dit : qui que tu sois, tu es une personne qui mérite le respect, tu peux recevoir comme première bonne nouvelle cette assurance que tu es beau aux yeux des autres, et aux yeux de Celui en qui le croyant a mis sa confiance. Tu es cette personne qui mérite la paix. Je pense bien sûr au frère cistercien Christian de Chergé qui écrivait son testament sous ce titre : « Quand un à-venir s’envisage ». Il sera, avec 18 compagnons, béatifié en septembre prochain, en Algérie. C’est que le visage de l’autre, même s’il est le bourreau, arrête la haine : le visage, compris à la façon d’Emmanuel Levinas, est le point de départ éthique de toute considération de l’autre.

Je pense aussi à nos martyrs locaux de l’engagement croyant au service de la population brimée par l’injustice de la guerre, ici à Lille : Léon Trullin, fusillé à l’âge de 18 ans le 8 novembre 1915 et Louise de Bettignies, morte après 3 ans de captivité le 27 septembre 1918, à quelques semaines de l’armistice. Deux sculptures les rappellent dans notre ville, et j’aime à les rejoindre de temps en temps pour honorer leur mémoire et puiser à la force qu’ils ont trouvée dans leur foi pour affronter les dangers de leur engagement.

Passants si nombreux qui entrez dans cette cathédrale, souvenez-vous que vous êtes accueillis ici par ce mot de bienvenue que vous adressent les croyants qui habitent ce lieu chaque jour de la semaine. Ils vous disent : la paix soit avec toi ! Souvenez-vous que ces croyants chrétiens vous invitent à faire si vous le voulez, mieux connaissance avec le Christ Ressuscité qui est sur l’étendard solennel du chœur, ce Christ qui est pour nous Prince de la Paix. Souvenez-vous que cette église est dédiée à sa Mère, la Vierge Marie, Notre Dame de la Treille pour les Lillois, la Reine de la Paix.

– Mgr Laurent Ulrich

 

« J’ai sculpté une femme portant un buste de femme dont le visage blessé ressemble au sien, qui nous dit : j’envisage l’autre comme un autre moi-même. En portant ce buste elle nous dit : je porte à l’autre toute mon attention. En élevant ce buste meurtri elle nous dit : je relève l’autre qui était à terre. »

– Nicolas Alquin

 

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