Pour créer une œuvre religieuse, l’artiste doit-il être croyant ? Y a-t-il un style chrétien spécifique ? L’ouvrage d’Isabelle Saint-Martin, Directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Etudes (section des sciences religieuses) met en lumière la place faite au domaine artistique dans la pensée catholique en France au long des deux derniers siècles. En s’appuyant sur les œuvres qui ont fait débat, la réflexion impose de prendre en compte les questions du patrimoine et des commandes d’Eglise, et de les mettre en relation avec celles de la réception, du discernement des communautés et de l’éducation du regard.
Tenter de définir l’art « chrétien », l’art « sacré », c’est observer le croisement des contingences de l’histoire du goût. Chacune des époques ne voit pas le « beau » au même endroit.
Le parcours s’étend sur l’univers des «beaux-arts » aux XIXe et XXe siècles, tout en faisant des ponts avec l’héritage laissé par la Renaissance ou l’après Concile de Trente.
Le premier des quatre grands chapitres revient sur la tentative, au lendemain de la Révolution, de définir un idéal de l’art chrétien ; de chercher à en formuler les caractéristiques. Cette volonté d’unir le « Beau » et le « Vrai » qui anime des penseurs tels Montalembert et Rio, souligne les liens entre l’art et la religion et le rôle que va exercer l’art chrétien en tant que médiateur avec le Divin.
La défense d’un art chrétien idéal se développe en parallèle du volet patrimonial qu’aborde le second chapitre. Cet intérêt patrimonial apporte sur l’art chrétien un regard non plus seulement dévot mais savant, érudit. La mutation du regard qui fait passer l’œuvre cultuelle à l’objet d’art, donne lieu aussi, en retour, à des formes de conversion par l’art ; « La découverte de l’histoire et des monuments peut conduire à un intérêt plus vif pour la religion qui les a inspirés ».
En partant de la critique controversée des œuvres de Delacroix installées dans les églises Saint-Sulpice et Saint-Paul-Saint-Louis, Isabelle Saint-Martin analyse dans son troisième chapitre la diversité des styles de l’art religieux dans la seconde moitié du XIXe et au début du XXe siècle. Cette notion « d’art chrétien », arrivée dans les années 1840 avec la quête de l’idéal, est aussi critiquée et confrontée dans sa terminologie avec l’art dit « sacré » et celui dit « religieux ».
près la Seconde Guerre mondiale, l’appel aux grands maîtres, indépendamment de leur foi, accompagne une scission entre le regard sur le patrimoine et le choix des avant-gardes. Les commandes contemporaines de Marie-Alain Couturier destinées aux édifices religieux visent à réconcilier l’Eglise et de l’art de son temps. Dans ce dernier chapitre consacré au rejet du passé et du décor à outrance, l’auteur analyse l’intérêt pour l’art roman comme la volonté d’un art « purifié » réservé à la mise en valeur de la liturgie.
Elle met également en évidence la place conquise par l’abstraction et situe dans une perspective historique de longue durée le débat sur l’image « Bible des pauvres » suscité par la mise en question de l’art figuratif. La dernière partie aborde le retour de visibilité des années 80 et le rôle de la création contemporaine dans les commandes pour les édifices cultuels.
Tout au long de l’ouvrage, la question d’émancipation de l’art et du jugement esthétique, et celle du dialogue ecclésial avec les artistes, déploient en filigrane le mouvement actuel de réappropriation du patrimoine religieux.
Art chrétien / art sacré, Regards du catholicisme sur l’art. France, XIXe-XXe siècle par Isabelle Saint-Martin
[Préface de François Boespflug]
« Inventer » l’art chrétien
Église et musée, érudition et dévotion
De l’art religieux à l’art sacré
Entre patrimoine et avant-garde
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