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Le tissu, un art vivant – un antependium contemporain pour le Sacré-Coeur de Vesoul

De nombreuses créations de l’art textile de notre temps ont été présentées récemment lors de l’exposition « Artistes, art contemporain, art sacré » à l'automne 2021 au centre diocésain de Besançon. Elles témoignent de la grande liberté des artistes confrontés aux enjeux du lieu et à sa dimension ecclésiale et liturgique. Sous l’impulsion de la Commission d’art sacré du diocèse bisontin, Anne Corbières a reçu la commande de l’antependium de l’église du Sacré-Cœur de Vesoul (Haute-Saône). Une création où le tissu s’inscrit dans l’espace du chœur et participe pleinement à la liturgie.
Publié le 29 mars 2022
Écrit par Jérôme Bouchet
Jacques Prioleau, Maquette de l’ensemble liturgique © D.R.

Avec dynamisme, la Commission d’art sacré du diocèse bisontin poursuit le travail insufflé par le chanoine Ledeur et Jean-François Mathey, instigateurs de la chapelle Notre-Dame du Haut de Ronchamp conçue par l’architecte Le Corbusier. Anne Corbières a ainsi reçu la commande de l’antependium de l’église du Sacré-Cœur de Vesoul. L’église est édifiée entre 1913 et 1922 sur les plans de l’architecte Eugène Guillemot. Elle est construite dans un nouveau quartier en pleine expansion après la 1ère Guerre Mondiale.

En 1999, la paroisse souhaite renouveler le chœur pour s’inscrire dans la théologie de l’Eucharistie définie par Vatican II : la communion des fidèles, l’assemblée comme corps du Christ. L’architecte Jacques Prioleau remplace l’ancien autel par un nouveau, en bois et de tonalité blanche, « c’est la table des humbles à laquelle tous ont accès… ». Pour rehausser l’aspect de l’autel, il souhaite un antependium placé sur la face antérieure. Il fait appel à Anne Corbières, créatrice de textile et appartenant au courant de la Nouvelle Tapisserie qui a marqué les années 1970.

L’antependium fait corps avec l’icône d’Odile de Rousiers-Prioleau © Photographie Jacques Prioleau

Un autel n’est jamais seul. Il fait partie d’un ensemble. Jacques Prioleau décrit à l’artiste l’environnement architectural :  à l’arrière de l’autel un écran courbe masque la porte de la sacristie et focalise le regard sur l’autel. Ce paravent est le support d’une grande icône rouge et or réalisée par Odile de Rousiers-Prioleau. L’ensemble icône-autel ne doit faire qu’une unité. L’architecte précise le thème du décor, le Sacré-Cœur.

Anne Corbière réalise un inventaire des représentations du Sacré Cœur : un cœur rouge percé d’un coup de lance et saignant entouré d’une couronne d’épines comme un nimbe, et une croix plantée verticalement dans le cœur. L’artiste retient le cœur, la croix, le nimbe.

La riche texture de l’antependium d’Anne Corbière vibre à la lumière © D.R.

Elle cherche à donner une texture riche « pour faire vibrer et vivre la blancheur ». L’artiste réalise elle-même la pièce car son « travail sur le métier se situe entre le peintre et le tisserand, une spontanéité appuyée sur une technique ». Elle tisse une toile avec des fils de fond de soie et de cachemire entremêlés avec des fils d’argent datant du XIXe siècle. Pour le motif : le cœur est fait de soie, de coton, de bleu cobalt et anthracite mélangés sur lequel se superpose une croix rouge en coton bouclette, soie, fils d’or. Sur le fond écru s’entremêlent également des fils d’argent dessinant un nimbe. Les couleurs vibrent par contrastes, rouge/bleu, écru/argent, orange et rouge de l’icône.

Des fils à un brin ou deux brins : bouclette de soie rouge, coton acier, soie gris bleuet fil d’or pour le cœur © D.R.

Anne Corbières a fait son apprentissage dans l’atelier de Thomas Gleb où elle découvre que la tapisserie n’est plus une reproduction de la peinture mais un moyen d’expression à part entière. Langage de la matière, la texture prend le pas sur le motif, de bidimensionnelle elle devient tridimensionnelle et s’affranchit du mur.

L’artiste fait du tissage « un art vivant… qui participe aux activités humaines », l’antependium du Sacré Cœur de Vesoul par ses vibrations lumineuses, son tombé vertical rejoint l’icône rouge et or d’Odile de Rousiers-Prioleau « Rougie du sang offert mais glorieusement dorée par l’or du soleil Pascal ». Des couleurs qui par contraste repoussent l’arrière-plan et créent un effet de profondeur projetant l’autel et l’icône vers l’assemblée, centrant le regard sur l’autel et renouant avec la monumentalité d’un retable ancien.

Pascale Bonnet
commission d’art sacré de Besançon

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