Ci-dessus, à droite : vue de l’église Saint-Pierre, Malmö
Ci-dessus, à gauche : plan au sol de l’église Saint-Pierre (le plan est repris du guide rédigé par Mait Molander)
L’église Saint-Pierre de Malmö a été construite au début du 14ème siècle, vers 1300, en remplacement de l’ancienne église, probablement de style roman. Au sol, le bâtiment se présente de manière classique sous la forme d’une basilique, avec le narthex dans lequel se trouve l’entrée principale à l’ouest, la nef flanquée d’un collatéral de chaque côté, puis le transept, et enfin le chœur, à l’est, autour duquel se développe en demi-cercle le déambulatoire. Construite en brique rouge, l’église est de style gothique, ce qui apparaît l’extérieur grâce non seulement aux arcs-boutants et contreforts qui soutiennent la nef et le chevet, mais aussi grâce aux nombreuses et vastes ouvertures dont est percé l’édifice. La tour qu’on peut voir aujourd’hui est une reconstruction du 15ème siècle, achevée au 19ème, après la chute des deux premières tours en 1420 et 1442.
Dans les pays de l’Europe du Nord, la pierre est rarement utilisée dans la construction des édifices de style gothique, elle est remplacée par les briques. L’église Saint-Pierre de Malmö en est un exemple, qui s’inspire de l’église Sainte-Marie de Lübeck en Allemagne, dont la reconstruction gothique débuta quelque peu avant, vers 1266. Du fait de l’utilisation de la brique, l’ornementation sculptée de l’extérieur n’est pas possible de la même façon que sur les cathédrales de pierre. A Malmö, quelques sculptures en pierre sont ajoutées sur la façade ouest, au-dessus du porche, tandis que le reste du bâtiment est ornée de quelques jeux de briques. Pour rompre la monotonie des alignements de briques rouges et pour souligner certains éléments architectoniques, les briques sont parfois noires ou découpées de manière ornementale, notamment pour souligner la base des toits.
Ci-dessous : détails de l’extérieur de l’église Saint-Pierre 1) Les sculptures sur la façade ouest ; 2) Le travail ornemental de la pierre © C. Levisse
L’intérieur de l’église Saint-Pierre est majestueux et grandiose, un effet que l’on doit d’une part aux dimensions de cet espace et d’autre part à la couleur blanche immaculée des murs et des voûtes. Ces voûtes gothiques sont des croisées d’ogive, une solution structurelle typique de l’architecture gothique. A l’époque de sa construction, au 14ème siècle, l’église Saint-Pierre n’était en aucun cas aussi vide de décoration. A l’inverse, à l’instar des églises médiévales, sur ses murs s’étendaient des fresques ornementales et narratives. Elles furent recouvertes dans les années 1530, lorsque la Réforme est adoptée, entrainant le « nettoyage » ou « assainissement » des églises afin de n’y laisser que ce qui était jugé essentiel et n’encourageait pas les pratiques superstitieuses. La figure centrale de la Réforme à Malmö et dans la région de la Scanie est Claus Mortensen dont l’autoritarisme fit de Malmö l’une des premières villes définitivement luthérienne de l’espace nordique. Sa tombe se trouve à l’entrée du chœur, alignée avec l’autel.
Ci-dessus : deux vues de l’intérieur de l’église Saint-Pierre 1) vue vers l’autel à l’est ; 2) vue vers l’entrée et l’orgue à l’ouest © C. Levisse
Ci-dessous : la chapelle des commerçants (Krämarkapellet)
La chapelle des commerçants (Krämarkapellet), désormais le baptistère, est le témoin des magnifiques fresques qui ornaient auparavant l’intérieur de l’église. Dans ce petit espace à gauche du narthex, se trouve un ensemble de fresques datées de la fin du 15ème siècle. La chapelle fut murée puis affectée comme local technique, ce a permis aux fresques d’échapper à la destruction par deux fois : d’abord au moment de la Réforme, puis au moment de la désastreuse campagne de restauration de l’église menée dans les années 1850 par Carl Georg Brunius et qui entraina la disparition définitive de toutes les autres fresques de l’édifice.
C’est également dans cette chapelle-baptistère que l’on trouve l’une des curiosités de l’église Saint-Pierre, une sculpture qui marque la fin de l’arc brisé, représentant la Trinité d’une manière inhabituelle : une seule tête avec trois visages.
Les éléments de décoration qui trouvent aujourd’hui leur place dans l’église datent de la Renaissance et de l’époque baroque, ils ont donc été installés après l’adoption de la Réforme. L’élément le plus notable est sans aucun doute l’immense retable d’autel. Il date de 1611 et est l’un des plus grands d’Europe du Nord. Entourés de sculptures en bois peintes, quatre tableaux sont placés les uns au-dessus des autres. De bas en haut :
-la cène (peinte), flanquée de deux sculptures représentant Moïse à gauche et saint Jean-Baptiste à droite, et de deux reliefs latéraux : la chute à gauche et la révélation aux bergers à droite.
-la crucifixion,
-l’ascension, une peinture entourée des quatre évangélistes représentés en bois sculptés et peints.
-le dernier tableau montre le nom « Yahve » peint sur un ciel ; il est entouré des sculptures de Paul et Pierre – les deux saints auxquels l’église était auparavant dédiée.
-Enfin, surmontant le retable, une sculpture en bois peint du Christ.
L’ensemble est réalisé par Henrik Könnicke et ses collaborateurs, Otto Statius et Jacob Kremberg ; les tableaux sont quant à eux l’œuvre du peintre Peiter Hartman.
Ci-dessus : l’immense retable d’autel de l’église Saint-Pierre, 1611
© C. Levisse
Ci-dessous – deux épitaphes placées dans la nef : 1) épitaphe de Cornelius Willumsen, 1619 ; 2) épitaphe de Bertil Jespersen, 1617
Dans la nef, on remarquera la chaire, datant de 1599 et réalisée par Daniel Thomisen. Elle est décorée de reliefs sculptés, de textes et de motifs ornementaux. Il faut aussi mentionner les nombreuses épitaphes accrochées aux piliers de la nef. Deux d’entre elles sont présentées ici : l’épitaphe de Cornelius Willumsen, qui était le maire de Malmö (1619) et celle de Bertil Jespersen, pasteur de la paroisse (1617). Ces épitaphes sont dédicacées à des personnes influentes – maires, donateurs, clercs – enterrées dans l’église Saint-Pierre.
L’intérieur de l’église est lumineux grâce aux grandes baies qui ne sont pas des vitraux. On ne trouve en effet dans l’église Saint-Pierre que trois vitraux, réalisés en 1937 par Hugo Gehlin. Ils sont situés dans la chapelle Sainte-Anne, à laquelle on accède par le collatéral sud. Les deux vitraux orientés vers le sud représentent saint Pierre et saint Paul, tandis que le vitrail orienté vers l’est montre sainte Anne. En-dessous de ce dernier vitrail est installé un autel et se trouve une niche, dans laquelle est placée une icône réalisée par Elisabeth Rappe représentant sainte Anne tenant dans ses bras l’enfant Jésus (installée en 2001). L’introduction dans cette église luthérienne de l’icône, mais aussi du porte-luminions en forme de globe dans le transept, montre selon moi la volonté d’adaptation de l’Église suédoise à la société contemporaine et aux besoins de ses membres qui souhaitent une religion plus sensuelle ; c’est-à-dire une religion qui ne soit ni trop abstraite ni trop intellectuelle.
Vue de la chapelle Sainte-Anne dans l’église Saint-Pierre
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Sources
Ann Catherine Bonnier, Göran Hägg, Ingrid Sjöström, “Malmö – S:t Petri”, in Svenska kyrkor. En historisk reseguide, Stockholm, Medströms bokförlag, 2008
Mail Molander, Guide till S:t Petri kyrka i Malmö, Malmö, Elanders Skogs Grafiska, 2001