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Marie dans tous ses états… 1/2

Les sculptures de Lena Lervik exposées dans la cathédrale de Strängnäs (Suède) du 3 octobre au 19 novembre 2009
Publié le 15 novembre 2009

 

Vue de l’exposition "Maria – La mère" (Maria – Modern), cathédrale de Strängnäs

© C. Levisse

 

 

Du 3 octobre au 19 novembre 2009, les visiteurs et les paroissiens de la cathédrale de Strängnäs, peuvent découvrir une petite exposition de sculptures dans la chapelle Notre-Dame, intitulée « Maria – La mère ». Elles sont l’œuvre de Lena Lervik, une artiste suédoise, née en 1940. Lervik est connue en Suède pour ses créations répétées autour du thème religieux de Marie. On trouve ici dix œuvres, créées pendant les trois dernières décennies, qui se regroupent autour du  thème de la maternité symbolisée par la Vierge. De cet ensemble, homogène au niveau stylistique, se dégagent différentes atmosphères qui donnent naissance à différents sentiments. Les Vierges à l’enfant (fig. 4 et 9), Le souper (fig. 7) ou le Relief de Noël (1985) sont source de paix, de sérénité et d’un bonheur familier. Quant à Marie en Yougoslavie (1995, fig. 10), intitulée ainsi en référence aux apparitions de la Vierge à Medjugorje et à la tristesse que la barbarie de la guerre dans les Balkans devait inspirer à la Vierge, c’est une représentation qui inspire douleur et recueillement, tout comme la Pietà (2000, fig. 11), une sculpture à travers laquelle Lena Lervik dépeint Marie retenant ou étreignant de toutes ses forces le corps mort de son fils.

 

  

fig. 2 Lena Lervik, La Vierge au manteau [Skyddsmantelmadonnan], 1985  © C. Levisse

fig. 3 Sainte Ursule, précédemment connue comme La Vierge au manteau, vers 1500-1525, Historiska Museet, Stockholm

 

La Vierge au manteau
Les solutions iconographiques choisies par Lena Lervik sont parfois originales, comme c’est le cas avec La Vierge au manteau (1985, fig. 2), un thème moins connu qui présente la Vierge comme une mère protectrice. Sous son manteau, elle abrite et protège les hommes, un motif qui semble notamment est apparu régulièrement en lien avec l’ordre des Cisterciens. C’est aussi parfois sainte Ursule qui est ainsi représentée, comme le montre une sculpture du musée des Antiquités Nationales de Stockholm, précédemment interprétée comme une représentation de la Vierge au manteau (fig. 3).

 

Lena Lervik n’a pas choisi de représenter Marie abritant des personnes sous son manteau, de chaque côté de son corps comme c’est d’habitude le cas, mais littéralement en elle. On aperçoit partiellement les visages des petits êtres par une fente le long de son corps, comme des pois dans une gousse (!). Évoquant ce choix iconographique, l’artiste confie avoir été notamment inspiré par une sculpture médiévale conservée à Stockholm et représentant une Vierge assise, portant l’enfant Jésus sur ses genoux ; une statue fabuleuse parce qu’elle s’ouvre en son milieu pour découvrir à l’intérieur du corps de la Vierge un relief représentant Dieu le père trônant, ou le Christ adulte, adoré par des personnages peints sur les côtés.

 

Si Lena Lervik est revenue vers l’Eglise après des années d’athéisme, c’est précisément grâce à sa rencontre avec la figure de Marie, qui lui a permis de s’identifier, de trouver une place dans une religion qui lui paraissait jusque là bien trop masculine. Depuis, elle cherche, grâce à ses œuvres, à donner plus de place et de poids à la Vierge dans l’Eglise évangélique luthérienne. L’idée centrale de Lervik peut rejoindre celle exprimée par Sonja Martinson Uppman dans l’introduction à l’exposition Marie aujourd’hui au Centre Culturel Suédois de Paris en 1995 : « Si notre terre veut conserver ses chances pour l’avenir – pour le bien de nos enfants – il est important de ménager à la féminité, à la maternité, une place plus large. Quoi de plus naturel alors, dans une recherche profonde d’un ordre du monde autre – loin de la violence et des agressions – que de partir de la figure de Marie, la Femme, la Mère Eternelle ». Marie est pour Lervik le paradigme maternel par excellence, elle donne et protège la vie, et dans ce sens, elle vise bien au-delà de la seule religion chrétienne.

 

fig. 4 – Lena Lervik, Maria Viridissima – La Vierge verdoyante, 2006  © C. Levisse

 

Au-delà de la Sainte Vierge…
Lorsqu’elle présente ses œuvres, Lena Lervik insiste sur le caractère universel de la maternité de la Vierge Marie. Cette dernière n’est finalement qu’une des nombreuses représentations symboliques de ce thème central qui a accompagné l’humanité depuis la préhistoire – on pense à la Vénus de Willendorf (24.000- 22.000 BC) – jusqu’à aujourd’hui, en passant par les divinités maternelles de toutes les cultures, qui offrent protection, fertilité et réconfort à ceux qui les vénèrent. Pour Lervik, le paradigme dont Marie est l’une des représentantes peut même être étendu à l’eau, l’un des quatre éléments et source de vie, essentielle à la fois à l’échelle de notre corps et à celle de la planète. Avec la sculpture Stella Maris, réalisée en réponse à une commande pour l’unité prénatale de l’hôpital Karolinska de Stockholm en 1996, l’artiste fait le lien de façon explicite entre Marie et l’élément aquatique, en faisant référence à l’un des épithètes latins de Marie, « Stella Maris » ce qui signifie l’« étoile de la mer ».

fig. 5 – Lena Lervik, Stella Maris, 1996, Karolinska, neonatal, Stockholm

 

En partie à cause de la composante « agnostique » – selon les termes de l’artiste – portée par ses sculptures mariales, mais surtout à cause du statut particulier de la Vierge au sein du protestantisme, Lena Lervik a rencontré des difficultés pour faire accepter ses œuvres auprès du clergé suédois. Depuis une dizaine d’années, l’artiste estime cependant que l’accueil est beaucoup plus ouvert et enthousiaste et quelques-unes de ses œuvres ont pris place dans des églises suédoises de confession évangélique luthérienne, par exemple dans la cathédrale de Stockholm, où l’on trouve deux de ses sculptures, Joseph et Marie. A l’occasion de la présente exposition, la cathédrale de Strängnäs a d’ailleurs acquis Ap 12, 1 (2005, fig. 6). On peut néanmoins remarquer, avec l’artiste, que les responsables de la cathédrale n’ont pas choisi une représentation directe de Marie, puisque cette sculpture ne représente pas explicitement la Vierge, mais la femme de l’Apocalypse : « Un grand signe apparut dans le ciel : une femme revêtue du soleil, qui avait la lune sous les pieds et une couronne de douze étoiles sur la tête. Elle allait mettre au monde un enfant… » (Ap 12, 1-2) ; ce choix témoigne de la place ambiguë qui est toujours celle de Marie dans l’Église évangélique luthérienne suédoise.

fig. 6 – Lena Lervik, Ap 12,1 [1 Up. 12], 2005, cathédrale de Strängnäs © C. Levisse

 

 

Photographies des autres œuvres présentées lors de l’exposition "Maria – La mère" :

 

fig. 7- Lena Lervik, Le Souper [Nattvarden], 1986 © C. Levisse

 

fig. 8 – Lena Lervik, Crucifixion, 1979  © C. Levisse

 

fig. 9 – Lena Lervik, La tendresse de la Vierge [Ömhetens madonna], 1999 © C. Levisse

 

fig. 10- Lena Lervik, Marie en Yougoslavie [Maria i Jugoslavien], 1995  © C. Levisse

 

fig. 11- Lena Lervik, Pietá, 2000  © C. Levisse

 

 

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Pour en savoir plus sur Lena Lervik :
-Site internet de l’artiste avec des photographies de ses œuvres : www.lenalervik.se
Marie aujourd’hui. Regards de cinq artistes suédoises contemporaines, exposition au Centre Culturel Suédois, Paris, 1995

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