Dans l’art ancien, que ce soit les enluminures ou certaines fresques, on peut distinguer quelques types de représentations très différents, dont les résonnances théologiques sont assez contrastées et qui entrent en concurrence.
Le première modèle, le plus courant, est un modèle narratif, qui juxtapose la création sous forme d’un cycle. Il insiste ainsi sur la variété des actions divines. L’une des plus anciennes représentations date du 6e siècle : il s’agit du Pentateuque de Tours, provenant probablement de Syrie. La création de la mer, issu de la Bible latine de Nicolas Jenson, 1476, est également un remarquable exemple de cycle narratif.
On peut également citer la magnifique Bible de Souvigny du 12e siècle, qui témoigne de la permanence du motif, ou Paolo Ucello avec sa fresque du Cloître vert à Florence.
Le deuxième modèle s’inspire du Pantocrator byzantin qui indique plutôt la souveraineté de Dieu sur le monde, et aussi l’idée que le Logos Christ est créateur. Nous en avons deux exemples très beaux : l’Evangéliaire de Reichenau, de l’an mil, où l’on voit que le Christ tient le soleil et les arbres, ou la Bible de Saint Castor de Coblence, vers 1100, avec la lumière, la terre, les arbres.
Le troisième modèle, peut-être le plus ancien, pourrait trouver son origine dans le cycle de la cosmogonie de Saint-Paul hors les murs du 5e siècle, aujourd’hui détruit mais connu par des relevés du 17e siècle, qui est conservé par exemple dans le manuscrit de Saint Père de Rodes de l’an mil. Ce modèle extrêmement intellectuel reprend des spéculations scientifiques antiques et insiste sur les séparations entre lumière et ténèbres, eau et terre, homme et femme, etc. Il est donc le plus biblique.
Un quatrième modèle, plus tardif, est celui du Dieu géomètre, qui créé la terre selon la science : c’est celui de ces fameuses bibles moralisées superbement enluminées pour la famille royale de France à l’époque de Saint Louis. L’enluminure la plus connue est celle du codex de Vienne. On peut la rapprocher d’une œuvre ultérieure, datant du 18e, le Dieu Architecte de William Blake.
Cette composition que l’on peut voir au Baptistère de Padoue est un exemple parfait de « création scientifique ». Elle montre bien que ce genre de représentation illustre ce qui est considéré comme le plus scientifique à une époque : la mathématique au 13e s, la géographie au 15e s., etc.
Epurée et abstraite, la représentation splendide de la Chronique de Nuremberg est presque une médiation scientifique sur les éléments.
Régis Burnet
historien et professeur à l’université catholique de Louvain
membre du comité de rédaction de Narthex
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Pour aller plus loin :
Régis Burnet, Peindre la Bible, Bayard (à paraître le 14/10/2020)