La FIAC de cette année a-t-elle été une foire réussie ? Peut-être pour un acheteur à gros budget, ou aux yeux d’un sociologue qui décrypte le fonctionnement d’un système, mais guère pour un amateur un curieux, un critique en quête de nouveauté. Si le Salon du Livre fait maintenant place au monde de l’édition dans sa réelle diversité, des éditeurs les plus commerciaux aux plus petites maison, la FIAC demeure, ne serait-ce que par le coût très élevé de la location des stands ou le prix du billet d’entrée -40 euros-, un événement peu représentatif du monde de l’art contemporain.
La même semaine a connu un événement moins médiatisé, l’ouverture d’une exposition inventive, novatrice, expérimentale, celle des jeunes artistes qui ont été cette année diplômés des beaux-arts de Paris avec les félicitations. Une vingtaine de ces nouveaux venus présentent des voies singulières dans lesquelles s’invente l’art d’aujourd’hui, celui qui sera peut-être l’art contemporain de demain. Que voit-on dans les espaces de cette exposition collective ? De le peinture à la vidéo, à l’installation ou à l’architecture, les limites ont réellement disparu, les savoir faire communiquent et s’échangent. Et chacun raconte une histoire, nous embarque dans un univers singulier en nous prenant par la main, en nous disant secrètement : écoute, regarde, ouvre ton âme et ton corps à telle forme, telle aventure, telle histoire. On ne saurait évidemment visiter une telle exposition en appréciant chaque proposition artistique mais il faut reconnaître le foisonnement de l’ensemble, la liberté de ton et la qualité de l’agencement d’ensemble, qui révèlent une scène de l’art d’aujourd’hui courageuse, novatrice, réjouissante. Quelques artistes m’ont particulièrement retenu. Lea Dumayet, dont une sculpture en métal se nomme, énigmatiquement, Entre : « Entre, passe à l’intérieur ! », commente l’artiste. Laisse toi guider, traverse cet espace, tente l’aventure, découvre du nouveau, regarde avec ton corps, tes mains, tes jambes.
L’importante installation d’Ana Maria Lozano Rivera m’a aussi retenu, captivé. L’environnement mêle terre et tissu, plâtre, fils et bois, et plantes qui se déploient et s’entremêlent pour nous offrir une réelle hospitalité. Tisser les racines, propose l’artiste qui relie dans ses inventions plastiques le monde européen à des aventures d’outre-atlantique. Mais des racines qui, loin d’être les gardiens desséchés d’une identité plate, sont les ferments d’un monde à-venir, de liens à inventer, d’êtres à découvrir, de moments de partage à inventer. Ici, les fragments de corps de plâtre croissent en végétaux, l’homme se fait arbre et l’on surprend les plantes à nous chuchoter leurs secrets. Etonnantes complicités entre les différents registres de la vie, surprenantes métamorphoses, réelles rencontres, découvertes fécondes auxquelles nous invite l’Ecole des beaux-arts aujourd’hui.
Pour un dépaysement intérieur, à la mesure de nos désirs, nos rêves, nos peurs aussi.
Décidément, l’art contemporain n’a pas fini de nous faire voyager.
Paul-Louis Rinuy
A savoir…
Les voyageurs : Exposition des diplômés félicités des Beaux-Arts de Paris, jusqu’au 3 janiver 2016, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, 14 rue Bonaparte, 75006 Paris.