Dans l’espace lumineux de la galerie, nous voici entourés de huit, dix tableaux de Damien Cabanes qui habitent le lieu et nous font signe : des corps, des fleurs, des objets, des visages. Des toiles, simplement pendues au mur, sans châssis, sans rien qui en fige la matérialité. La force suggestive des couleurs, des corps dressés, des présences. Nous voici face à d’étranges et singulières présences. Sobrement. Résolument.
photo J.-F. Rogeboz, ADAGP © galerie Eric Dupont, Paris
Et l’on ne peut que s’approcher des murs. De tout près, l’œil noyé dans l’entêtante odeur de l’huile ne discerne plus que des plans, des agencements de couleurs, des traces de pinceau qui griffent la toile accroché au mur. Il faut reculer, s’éloigner un peu pour que de cet assemblage abstrait surgissent à nouveau des boites assemblées dans l’atelier, des glaïeuls dressant leur verticale stature, ou des visages porteurs d’émotion, d’histoire. Cette fois encore, sous la verrière de la galerie qu’illumine soudain ce ciel d’orage parisien, le miracle de la peinture a eu lieu devant nous, avec nous, pour nous. Un peintre, ce n’est sans doute que cela, mais tout cela : celui qui peut dans la matérialité même de sa touche, exprimer, transmettre, partager l’émotion sensible qui bat au cœur du monde. Rien à dire d’autre que merci à l’artiste, merci à Damien Cabanes, et à expérimenter avec lui dans la vibration de l’œuvre, de la toile peinte, l’énergie intérieure du monde.
Aussitôt le bouquet dans le vase n’est plus éphémère rencontre de végétaux promis à rapide disparition. C’est la stridence des fleurs-couleurs qui s’élance fièrement sur l’assurance des tiges et déchire le printemps. Lumière et éclat confondus, la matière picturale troue définitivement le gris de l’espace ordinaire et y instaure une vie autre, sans cesse renouvelée, surgissante. Qu’est ce donc que la peinture telle que la pratique Damien Cabanes sinon l’entreprise, la plus matérielle qui soit, de faire résonner, de déployer l’énergie intérieure de la réalité du monde. Rien de plus simple et de plus accessible, de plus réel et énigmatique à la fois. Objet, fleur, paysage dans une lumière d’été, et surtout visages, corps, singularité d’une personne dans son apparaître, dans sa silhouette, sa posture, ses traits, Damien Cabanes nous livre le monde, tel qu’il le découvre et le fabrique en un même geste.
Damien Cabanes ne fait que peindre, rien que peindre, et suspendre ses émotions au mur de l’atelier.
Paul-Louis Rinuy
Visiter l’exposition
Exposition Damien Cabanes, Caché par le trop grand glaïeul, Galerie Eric Dupont, 138 rue du Temple, 75003 Paris, jusqu’au 20 juillet.
Horaires d’ouverture :
Du Mardi au Samedi de 11H-19H et sur rendez-vous.