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Fabrice Hyber – Habitons poétiquement le monde

Voici une invitation à l'évasion dans les forêts de Fabrice Hyber, au moment où de nombreux établissements culturels ont encore porte close pour une durée indéterminée - mais où les galeries continuent à offrir la possibilité de la rencontre avec les oeuvres d'art.
Publié le 03 janvier 2021
Écrit par Paul-Louis Rinuy

Fabrice Hyber, Artifice, 2020, huile, fusain et résine époxy sur toile, photo BPL Rinuy courtesy l’artiste et la galerie Obadia.

Les musées encore et toujours fermés, il nous  reste les églises pour y  trouver, parfois,  des oeuvres extraordinaires et les  galeries qui sont comme des « oasis » de poésie. Au cœur du Marais, la galerie Nathalie Obadia  nous invite justement à « habiter la forêt » en compagnie de Fabrice Hyber, à traverser mentalement les centaines de kilomètres qui nous séparent de ces hectares de plaines vendéennes que l’artiste a, depuis 20 ou 25 ans, métamorphosées en bois, en forêts. Plus que par le Lion d’or à la Biennale de Venise en 1997, Fabrice Hyber est connu et singulier parce qu’il est l’artiste qui plante, qui sème même des arbres. Et des arbres, peints avec leurs racines et leurs branches qui étoilent le ciel comme elles peuplent la terre, il y en partout sur les murs de la galerie. Ce sont des couleurs, des formes, des vies minuscules et majuscules à la fois que l’artiste, plasticien plus que peintre, fixe en pleine germination

Rien, dans cet ensemble, ne tient aux sciences naturelles qui viendraient prélever des fragments de paysage et les épingler, tels des papillons ou des coléoptères, derrière les vitrines de notre savoir. L’approche est celle du promeneur poète, comme Rousseau autrefois, qui collectionne des extases et révèle, derrière l’apparent calme de la nature, des enchevêtrements d’énergie sans fin. Ainsi Fabrice Hyber fabrique-il dans ses toiles, ses dessins,  des « moments plastiques » où les alluvions du passé s’hybrident et condensent pour nourrir les  projets à venir. Image 2

Fabrice Hyber, Les yeux verts, 2020, huile, fusain et résine époxy sur toile, photo Bertrand Huet, courtesy l’artiste et la galerie Obadia.

L’alacrité et l’allégresse des tons composent un orchestre coloré : le célèbre « vert Hyber », qui annonce jusque dans la grisaille de l’hiver la feuille de charme à venir au printemps prochain, le dispute sur la toile au bleu, au jaune, à des roses aux mille nuances.

Fabrice Hyber, Analogie, 2020,  huile, fusain et résine époxy sur toile, photo Bertrand Huet, courtesy l’artiste et la galerie Obadia.

Ici, les branches s’épanouissent en maisons, qui évoquent les cabanes de Thoreau et les songes écologiques et poétiques chers à Marielle Macé (Nos cabanes, Verdier, 2019). Là des mots évoquent notre univers à la dérive, asphyxié par le carbone et la pollution. Mais Fabrice Hyber n’est pas l’homme du constat, le peintre de la dénonciation, l’artiste du cri tragique. A chaque ligne, dans chaque articulation des formes qu’il invente, un jeu nouveau se fait jour, comme un processus de germination ouvert sur un futur, incertain peut-être mais qui est déjà là sous forme de promesse. « Habiter poétiquement le monde », c’est pratiquer la poésie ordinaire comme un regard émerveillé sur le monde à l’entour autant que comme fabrication matérielle, et projet. La poésie, c’est faire au sens étymologique du verbe « poiein »,  fabriquer avec les moyens du bord et  se lancer dans des projets qui nous dépassent : patience entend-on en regardant ces tableaux, les graines vont germer, pas toutes sans doute, mais certaines, oui ! Toute forêt est, en cette acception, une fabuleuse machine poétique, qui produit des feuilles, des fruits, de l’humus, et nourrit  une vie  sans cesse réinventée. Ecologie positive et poésie naviguent de concert !

Fabrice Hyber, Rosée, 2020, huile et  fusain sur toile, photo Bertrand Huet, courtesy l’artiste et la galerie Obadia.

Je n’ai vu nul oiseau dans les arbres si féconds de Fabrice Hyber. Les arbres, on le sait,  sont pourtant les meilleurs perchoirs, nichoirs, mangeoires qui existent ; leur terrestre appartenance n’empêche leur connivence essentielle avec la pensée volatile. C’est qu’il dépend de chaque promeneur de se faire oiseau par le regard, la pensée, et d’habiter ainsi ces arbres de papier pour qu’ils deviennent véritable forêt, de rêves, de délices, de désirs.

Paul-Louis Rinuy

« Fabrice Hyber, Habiter la forêt », Galerie Obadia, 18 rue du Bourg Tibourg, 75004 Paris, jusqu’au 23 janvier 2021

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