A l’automne 2015, le blogueur « Art contemporain » de Narthex, Paul-Louis Rinuy, racontait cette « archéologie parallèle » explorée depuis les premiers voyages d’Anne et Patrick Poirier, des pérégrinations aux allures d’errances, et présentées à l’automne 2015 dans l’exposition « Mésopotamia » à la Galerie Mitterrand :
Comment sera notre monde dans vingt ans, dans cinquante ans, dans deux siècles ? Pouvons-nous, tels des archéologues du futur, entrevoir ce qui restera de notre civilisation en 2235 ? Anne et Patrick Poirier se posent ce type de questions depuis plus de quatre décennies qu’ils explorent un univers dans lequel, contrairement à la célèbre affirmation de Sigmund Freud, « l’inconscient (n’) ignore (pas) le temps ». Leur nouvelle exposition à la galerie Mitterrand met en évidence la terrible actualité de ces questions où se projettent nos rêves, nos cauchemars. Et ce qu’on pouvait prendre pour des questions singulières prend aujourd’hui une urgence universelle : notre monde est en suspens, notre monde souvent ne tourne pas bien rond.
La première grande création des Poirier était une maquette imaginaire en terre cuite de la ville antique d’Ostia Antica qui matérialisait en grand format (6 m x 12 m) le souvenir de leurs pérégrinations dans cette ville romaine, devenue champ de fouilles. Dès cette époque, leurs efforts pour rechercher les traces d’une histoire passée les conduisait surtout à l’expérience cruciale d’un manque, d’une perte. Aujourd’hui Anne et Patrick Poirier créent et exposent une série d’impressionnantes peintures blanches monochromes intitulées Mésopotamie, sur lesquels ne subsistent que les ruines de cités antiques perdues dans un désert qu’animent seuls des pipelines. Babylone et Palmyre ne présentent plus que les traces et les cicatrices du passage du temps, la preuve monumentale de la fragilité de toute construction humaine.
On a parfois cru qu’Anne et Patrick Poirier étaient des archéologues poètes de leurs propres délires, qu’ils inauguraient dans les marges de l’art contemporain une quête anachronique à la recherche d’une identité originelle. Mais en visitant aussi bien Angkor et le Japon que l’Inde, les Etats-Unis ou la Mésopotamie, ces artistes nomades inscrivent leur recherche dans le monde des grandes mythologies universelles comme dans l’actualité des violences spécifiques qui marquent le XXe et le XXIe siècle. Le tapis Alep représente le centre historique de la ville photographié par satellite avant que les récents conflits l’aient violemment endommagé. Il a été tissé en 2015 par une famille de réfugiés tibétains à Katmandou, selon la technique traditionnelle, en laine, en soie, en fibre de bambou, matériaux particulièrement précieux et fragiles.
La fragilité domine toutes ces entreprises. Face à la violence actuelle, l’homme contemporain, conscient de sa propre finitude, cherche à élargir le présent. Anne et Patrick Poirier montrent qu’il faut surtout prendre garde à « se souvenir de l’avenir », si l’on veut que le présent garde son sens, et son humanité.
Paul-Louis Rinuy
Exposition du 6 septembre au 29 octobre 2017
Anne et Patrick Poirier Vagabondages argentiques Vous trouverez toutes les informations pratiques en cliquant sur ce lien |
Précédemment…
Mesopotamia, exposition Anne et Patrick Poirier, Galerie Mitterrand, 79 rue du Temple, 75003 Paris, du 5 septembre au 31 octobre 2015.