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Anne et Patrick Poirier : attention, monde fragile !

« Il n’y a aucune évidence dans nos travaux, le hasard est une donnée essentielle, il apporte une prise de conscience, des sentiments et des émotions inattendus, il ouvre des perspectives, des opportunités nouvelles », expliquent Anne et Patrick Poirier. L’exposition dédiée jusqu’au 29 octobre 2017 à leur œuvre photographique à la Maison européenne de la photographie (Paris), confirme cette place laissée à l’expérimentation et aux techniques artisanales dans une œuvre qui témoigne avec onirisme de la fragilité de la mémoire et de l’éphémère.
Publié le 13 septembre 2017
Écrit par Paul-Louis Rinuy

A l’automne 2015, le blogueur « Art contemporain » de Narthex, Paul-Louis Rinuy, racontait cette « archéologie parallèle » explorée depuis les premiers voyages d’Anne et Patrick Poirier, des pérégrinations aux allures d’errances, et présentées à l’automne 2015 dans l’exposition « Mésopotamia » à la Galerie Mitterrand :

Comment sera notre monde dans vingt ans, dans cinquante  ans, dans deux siècles ?  Pouvons-nous, tels des archéologues du futur,  entrevoir ce qui restera de notre civilisation en 2235 ? Anne et Patrick Poirier se posent ce type de questions  depuis plus de quatre décennies  qu’ils explorent  un univers  dans lequel, contrairement  à la célèbre affirmation de Sigmund Freud,  « l’inconscient (n’) ignore (pas)  le temps ». Leur nouvelle exposition à la galerie Mitterrand met en évidence   la terrible  actualité de ces questions où se projettent   nos rêves, nos cauchemars. Et ce qu’on pouvait prendre pour  des questions singulières prend aujourd’hui une urgence universelle : notre monde est en suspens, notre monde  souvent ne tourne pas bien rond.

Anne et Patrick Poirier, Série Roma, Memoria Mundi, 1988, Photographie retouchée à la peinture aniline, H 50,5 x 60 cm, Unique, Courtesy Galerie Mitterrand © J.C. Lett

La première grande création des Poirier était une maquette imaginaire en terre cuite de la ville antique d’Ostia Antica qui matérialisait en grand format (6 m  x 12 m) le souvenir de leurs pérégrinations dans cette ville romaine, devenue champ de fouilles. Dès cette époque, leurs efforts pour rechercher les traces d’une histoire passée les conduisait surtout à l’expérience cruciale d’un manque, d’une perte. Aujourd’hui Anne et Patrick Poirier  créent et exposent une série d’impressionnantes peintures blanches monochromes intitulées Mésopotamie, sur lesquels ne subsistent que les ruines de cités antiques perdues dans un désert qu’animent seuls des pipelines. Babylone et Palmyre ne présentent plus que les traces et les cicatrices du passage du temps, la preuve monumentale de la  fragilité de toute construction humaine.

Anne et Patrick Poirier, Archéologie du futur, Mésopotamia, 2015, Peinture acrylique et, polyuréthane sur toile, H 240 x 200 cm, Unique Courtesy Galerie Mitterrand © J.C. Lett

On a parfois cru qu’Anne et Patrick Poirier étaient des archéologues poètes de leurs propres délires, qu’ils inauguraient dans les marges de l’art contemporain une quête anachronique à la recherche d’une identité originelle. Mais en visitant aussi bien Angkor et le Japon que l’Inde,  les Etats-Unis ou la Mésopotamie, ces artistes nomades inscrivent leur recherche dans le monde des grandes mythologies universelles comme dans l’actualité des violences spécifiques qui marquent le XXe  et le XXIe siècle. Le tapis Alep représente le centre historique de la  ville photographié par satellite avant que les récents conflits l’aient violemment endommagé. Il a été tissé en 2015 par une famille de réfugiés tibétains à Katmandou, selon la technique traditionnelle, en laine, en soie, en fibre de bambou, matériaux particulièrement précieux et fragiles.

Anne et Patrick Poirier, Vue d’exposition Mesopotamia à la Galerie Mitterrand 2015 Courtesy Galerie Mitterrand © Rebecca Fanuele

La fragilité domine toutes  ces  entreprises. Face à  la  violence actuelle, l’homme contemporain, conscient de  sa propre finitude, cherche à élargir le présent. Anne et Patrick Poirier montrent qu’il faut surtout prendre garde à « se souvenir de l’avenir », si l’on veut que le présent garde son sens, et son humanité. 

         Paul-Louis Rinuy

Exposition du 6 septembre au 29 octobre 2017

Anne et Patrick Poirier Vagabondages argentiques
50 ans de bricolage photographique

Maison Européenne de la Photographie 

Vous trouverez toutes les informations pratiques en cliquant sur ce lien

Précédemment…

Mesopotamia, exposition Anne et Patrick Poirier, Galerie Mitterrand, 79 rue du Temple, 75003 Paris, du 5 septembre au 31 octobre 2015.

Anne et Patrick Poirier, Vues d’exposition Mesopotamia à la Galerie Mitterrand 2015 Courtesy Galerie Mitterrand © Rebecca Fanuele
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