Dans la 6e vision, chaque image, installée sur ce « Triple mur », est décrite en détails, dans tous ses atours. Chacune symbolise une vertu particulière : « miséricorde intérieure », don total de soi, justice, combat spirituel, mansuétude, « car le Christ, le Seigneur Jésus me rend et me prépare toute belle et toute blanche, lorsque j’échappe à ce mortel conseil de Satan, qui songe sans cesse à ce dessein pervers d’éloigner de Dieu les âmes. »
« L’image, à l’extrémité du mur, (…) rassemblait sur son cœur une foule de petites pierres précieuses qu’elle considérait avec attention et un soin minutieux, comme un négociant regarde attentivement ses marchandises. Et elle disait : « Je suis la mère des vertus, et je recherche en toutes choses la justice de Dieu. Car dans la retraite de la vie intérieure, comme au milieu du bruit du monde, j’attends toujours mon Dieu au fond de ma conscience. Je ne condamne, ni ne repousse, ni ne méprise les rois, les chefs, les magistrats et les autres autorités, qui ont été établis sur la terre par l’auteur de toutes choses. Comment ce qui n’est que poussière pourrait-il mépriser la poussière ? Le Fils de Dieu s’adresse à tous du haut de sa croix, en les exhortant par sa justice et sa miséricorde. Et je veux aussi, selon son bon plaisir, suivre le même ordre et la même doctrine. »
Les têtes dans des niches représentent les grandes figures de l’Ancien Testament (Noé, Abraham, Jacob, Aaron, Gédéon), ainsi que saint Jean-Baptiste et saint Paul, montrant que le Nouveau Testament vient parfaire l’Ancien : « Enfin, (…) tout le corps de l’image à la face sombre brilla comme une lumière vive et pure brille de son propre éclat. Je vis alors sur sa poitrine une croix éclatante placée sur un arbrisseau, d’où sortaient deux fleurs, et le lys et la rose (…). Elle dit : « J’abandonne l’Ancien Testament, et je me revêts de la sainteté et de la vérité du noble Fils de Dieu dans toute sa justice. »
La septième vision, qui a un rôle-charnière, met en évidence la place centrale de la Trinité, présentée, cette fois, sous la forme de trois colonnes parallèles. Elle a une situation-clef, comme pilier de la Jérusalem céleste. La voix explique à Hildegarde que “la colonne qu’elle voit dans l’angle occidental de l’édifice qui lui est montré est à l’image de la vraie Trinité : c’est que le Père, le Verbe et l’Esprit Saint sont un seul Dieu en Trinité, et que cette Trinité est unité, colonne parfaite du bien total, pénétrant sommets et abîmes, et régissant tout l’univers”.
« Je vis ensuite à l’angle occidental de l’édifice en question une colonne admirable, scellée, très ornée, de couleur pourpre rembrunie … Et celui qui était assis sur le trône, et qui me montrait toutes ces choses, me dit encore : « Ces dons mystérieux, dignes d’admiration, si abondants et restés inconnus, il t’est donné, ô mortel, de les voir clairement ; et je te les montre dans leur vraie lumière, en te permettant de les publier, de les manifester, pour enflammer le zèle dans le cœur des fidèles, qui doivent être les pierres très pures de la céleste Jérusalem.
Car la sainte et ineffable Trinité, essentiellement indivisible, qui était cachée à ceux qui vivaient sous le joug de la Loi, mais qui s’est manifestée sous la Loi de grâce à ceux qui en ont été affranchis, doit être crue par les fidèles dans la simplicité et l’humilité du cœur, comme un seul et vrai Dieu en trois personnes. Mais on ne doit pas approfondir témérairement ce mystère, de peur que celui qui ne veut pas se contenter de la connaissance qu’il a reçue du Saint-Esprit, tout en voulant découvrir plus qu’il n’est permis, ne tombe, à cause de son orgueil, dans un état d’autant plus déplorable, qu’il ne parvient pas à ce qu’il veut insolemment aborder. Et c’est ce que cette vision démontre. »
HUITIÈME VISION
« Je vis ensuite sur le mur de pierre de l’édifice en question, au-delà de la colonne de l’adorable Trinité, une autre colonne grande et ombragée, qui se voyait du dedans et du dehors de l’édifice (…). C’est aussi dans cette lumière que m’apparut une autre splendeur semblable à l’aurore, qui brillait en elle-même dans les airs d’une clarté toute céleste et couleur de pourpre, et qui m’a montré, par une révélation symbolique, le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu.
Et dans cette colonne, depuis le haut jusqu’en bas, il y avait une échelle où toutes les vertus de Dieu descendaient et montaient, chargées de pierres, allant à leur ouvrage avec un zèle qui montrait l’intention de le parfaire. Et j’entendis le jeune homme éclatant qui siégeait sur le trône dire : « Voilà les courageux ouvriers du Seigneur. » Mais, entre ces vertus, j’en remarquais sept dont je considérais la forme et le costume (…). »
Chaque image, allégorie d’une vertu, est tour à tour examinée (humilité, chasteté, crainte de Dieu) jusqu’à « la cinquième image (qui) avait à son cou un collier rouge, et disait : « Il n’est qu’un seul Dieu en trois personnes d’une seule essence, et digne d’être adoré d’une gloire égale. J’aurai au Seigneur foi et confiance, et je ne perdrai jamais son nom dans mon cœur. » Puis se présentent miséricorde et innocence. « Et j’entendis celui qui siégeait sur le trône me dire : « Il faut que ceux qui aspirent aux choses du ciel croient fidèlement et n’examinent pas avec ténacité que le Fils de Dieu, envoyé par le Père dans le monde, est né d’une Vierge, parce que le sens de l’homme, appesanti dans son corps fragile et mortel du poids énorme de ses péchés, ne peut pénétrer les secrets de Dieu qu’autant que l’Esprit-Saint le fait connaître à l’homme de son choix. »
Enfin, Hildegard von Bingen résume sa vision touchant la Sainte Vierge, l’échelle de Jacob avec les sept esprits (Marie, saint Joseph, saint Matthieu, saint Pierre, saint Jacques, saint André, saint Jean), et la colonne de la grâce de Jésus-Christ.
NEUVIÈME VISION
« Je vis ensuite, auprès de la colonne de l’humanité du Sauveur, dont nous venons de parler, une tour extrêmement haute, située sur le mur en pierre du côté du midi de l’édifice en question, de manière qu’on pouvait l’apercevoir de l’intérieur et de l’extérieur de cet édifice (…). Et cette tour n’était pas encore terminée, mais le travail était poussé avec beaucoup d’entente et d’activité par un grand nombre d’ouvriers (…). Et celui qui siégeait sur le trône dont il a été parlé, me fit connaître ces choses en ces termes : « Le Fils de Dieu s’étant incarné, le nouveau peuple d’acquisition soutenu dans le Saint-Esprit par la doctrine du salut du monde, se produisant par la fermeté d’hommes courageux, fortifiés sous l’inspiration des vertus célestes contre le plus cruel des ennemis, à qui nul homme ne peut résister que par la grâce divine, se montre tellement invincible avec le secours du Seigneur, qu’aucun artifice de ce séducteur ne peut le séparer de Dieu, ou l’anéantir dans sa pensée.
C’est pourquoi cette tour que tu vois au-delà de la colonne de l’humanité du Sauveur, représente l’Église, qui, bien qu’achevée par l’incarnation de mon Fils, s’élève comme une nouvelle construction, de toute espèce de bonnes œuvres, par le courage et la sublimité des actes surnaturels, pour s’opposer comme une forte tour à l’iniquité de Satan. »