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Sermon 1 de Jean Tauler pour la fête de Noël : triple naissance

Après Maître Eckhart, nous poursuivons notre découverte des mystiques rhénans avec la figure de Jean Tauler (1300-1361). Dans son premier sermon, il évoque le caractère triple de la naissance du Christ à la fête de Noël.
Publié le 22 février 2018
Écrit par Martine Petrini-Poli

Dans le Sermon 1 pour la fête de Noël, le dominicain Jean Tauler évoque la célébration des trois messes de Noël, de minuit, de l’aurore et du jour, qui correspondent, selon lui, à une triple naissance : la première est l’engendrement éternel du Verbe en Dieu, la seconde est la naissance du Fils incarné, la 3e est la naissance de Dieu dans l’âme : « Dieu naît à Bethléem pour naître dans ton coeur ». Cette troisième naissance du Fils de Dieu est « celle par laquelle Dieu, tous les jours et à toute heure, naît en vérité, spirituellement, par la grâce et l’amour, dans une bonne âme ». Mais cette naissance intérieure exige le silence « car si tu veux que Dieu parle, il faut te taire ; pour qu’il entre, toutes choses doivent sortir. »

Chapiteau roman surnommé « Le Silencieux », Basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial

Un enfant nous est né, un fils nous a été donné (Isaïe 9, 5).

§ 1. On fête aujourd’hui, dans la sainte chrétienté, une triple naissance où chaque chrétien devrait trouver une jouissance et un bonheur si grands qu’il en soit mis hors de lui-même ; il y a de quoi le faire entrer en des transports d’amour, de gratitude et d’allégresse ; un homme qui ne sentirait rien de tout cela devrait trembler.

La première et la plus sublime naissance est celle du Fils unique engendré par le Père céleste dans l’essence divine, dans la distinction des personnes. La seconde naissance fêtée aujourd’hui est celle qui s’accomplit par une mère qui dans sa fécondité garda l’absolue pureté de sa virginale chasteté. La troisième est celle par laquelle Dieu, tous les jours et à toute heure, naît en vérité, spirituellement, par la grâce et l’amour, dans une bonne âme. Telles sont les trois naissances qu’on célèbre aujourd’hui par trois messes (…)

§ 7. (…) Marie doit assez souvent faire le silence et le calme en elle-même, s’enfermer en son intérieur, se cacher dans l’esprit pour se soustraire et échapper aux sens, et se faire à elle-même un lieu de silence et de repos intérieur.

Crucifixion, Atelier strasbourgeois, 1220, Verre, plomb, 51 x 53 cm, Musée de l’Œuvre Notre-Dame, Strasbourg. – Les deux vitraux de la Crucifixion et du Baiser de Judas ont rejoint le musée en 2012, un ensemble de sept médaillons provenant de l’ancienne église des Dominicains de Strasbourg.

§ 8. C’est de ce repos intérieur qu’on chantera dimanche prochain au commencement de la messe : « Dum medium silentium fieret » Alors que l’on était en plein silence, que toutes choses étaient dans le plus grand silence, et que la nuit était au milieu de son cours, c’est alors Seigneur, que de ton trône royal descendit la parole toute-puissante « , le Verbe éternel sortant du coeur de son Père. C’est au milieu du silence, au moment même où toutes les choses sont plongées dans le plus grand silence, où le vrai silence règne, c’est alors qu’on entend en vérité ce Verbe, car si tu veux que Dieu parle, il faut te taire ; pour qu’il entre, toutes choses doivent sortir.

 

Fuite en Egypte et chute des idoles, Miniature du Lewis Psalter, 1225-1240, Philadelphie, d’après la prophétie d’Isaïe et les récits apocryphes

Quand notre Seigneur Jésus entra en Égypte, toutes les idoles du pays s’effondrèrent : Tes idoles à toi, c’est tout ce qui empêche cette naissance éternelle de s’accomplir en toi, d’une façon véritable et immédiate, aussi bon et aussi saint que cela paraisse (…). Car ce qui t’est le plus proche, voilà ton ennemi : cette multiplicité d’images, qui cachent en toi le Verbe, et s’étendent sur lui, empêche cette naissance en toi, sans que pourtant cette paix te soit entièrement enlevée. Cette paix ne peut, il est vrai, toujours régner en toi. Mais c’est par elle, pourtant, que tu deviendras mère spirituelle de cette naissance. Une telle mère doit souvent établir en elle ce plein silence, afin de s’habituer à le faire ; l’habitude lui en donnera une certaine maîtrise, car ce qui n’est rien pour un homme exercé, paraît tout à fait impossible au novice inexercé. C’est en effet l’habitude qui donne la maîtrise.

Puisse donc chacun de nous donner place en lui à cette noble naissance, afin de devenir une vraie mère spirituelle. Que Dieu nous y aide ! Amen.

Martine Petrini-Poli

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