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Saint Irénée de Smyrne, évêque de Lyon (v.130-202), Père de l’Eglise

Avec le blog Ecrits mystiques, poursuivons ce nouveau cycle de patristique dédié aux pères du désert, aux pères cappadociens, aux Pères de l’Eglise latine. Nous découvrons ici Saint Irénée de Smyrne, évêque de Lyon et père de l'Eglise, sa vie et ses écrits, fondés sur la lutte contre les hérésies et l'affermissement de la foi.
Publié le 26 novembre 2021
Écrit par Martine Petrini-Poli

Le pape François a annoncé, le 7 octobre 2021, à un groupe de théologiens que le saint lyonnais serait bientôt considéré comme le 37e docteur de l’Église catholique avec le titre de Doctor unitatis (docteur de l’unité, en latin). Il porte dans son nom même « l’empreinte du mot paix » – εἰρήνη / eirênê en grec signifie « paix ».

Vitrail de saint Irénée de Bégule, église Saint Pothin, Lyon, ©Creative commons

La vie d’Irénée, évêque de Lyon, nous est peu connue, mais ses écrits en font le premier grand théologien chrétien. Il a connu, dans sa prime jeunesse, à Smyrne, dans l’actuelle Turquie, l’évêque Polycarpe, qui « parlait de ses relations avec l’apôtre Jean ». La Lettre des chrétiens de Lyon et de Vienne à leurs frères d’Asie et de Phrygie (177) – conservée grâce à l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée – relate le martyre de l’évêque Pothin, de Blandine et de ses compagnons, lors de la persécution de 177. Irénée succède à Pothin comme second évêque de Lyon (177-202).

Irénée rédige une œuvre apologétique, en cinq livres, Adversus Haereses (Contre les Hérésies), Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur. La « gnose » qui signifie « connaissance » est fausse, car elle proclame, comme les platoniciens, que le corps est la prison de l’âme, que le monde physique est fondamentalement mauvais, et que seuls les élus peuvent atteindre la vérité et la connaissance divines. Ce dualisme entre le corps et l’âme hérité de la pensée grecque est incompatible avec la foi chrétienne, qui célèbre la Création entière comme œuvre de Dieu, bonne et faite pour le salut, y compris la matière. « La chair modelée n’est que le corps de l’homme. L’âme, à elle seule, n’est qu’une partie de l’homme. L’Esprit non plus n’est pas l’homme. C’est l’union et le mélange de toutes ces choses qui constitue l’homme parfait » qui ressuscitera au dernier jour. Le chrétien croit à la résurrection de la chair, à l’Incarnation et à la Rédemption, récusées par la gnose.

La foi a sa source dans la Tradition apostolique : « Le Seigneur de toutes choses a donné à ses Apôtres le pouvoir d’annoncer l’Evangile, et c’est par eux que nous avons connu la vérité, c’est à dire l’enseignement du Fils de Dieu. Car ce n’est pas par d’autres que nous avons connu l’économie de notre salut, mais bien par ceux par qui l’Evangile nous est parvenu. Cet Evangile, ils l’ont d’abord prêché ; ensuite, par la volonté de Dieu, ils nous l’ont transmis dans des Ecritures, pour qu’il soit le fondement et la colonne de notre foi… » (A.H. III, Préface, 1-2, 4).

Dans ce combat spirituel pour la foi, Irénée de Lyon est le premier à évoquer les quatre évangélistes, et les circonstances de leur rédaction : « Matthieu d’abord, qui prêchait aux juifs dans leur propre langue, édita une version écrite de son Évangile, dans les années où Pierre et Paul annonçaient l’Évangile à Rome et fondaient l’Église. Après leur mort, Marc, disciple et interprète de Pierre, nous transmit aussi par écrit la prédication de Pierre. Quant à Luc, le compagnon de Paul, il consigna aussi dans un livre l’Évangile que celui-ci prêchait. Jean enfin, le disciple du Seigneur, celui également qui a reposé sur sa poitrine, a lui aussi donné l’évangile, à l’époque où il séjournait à Éphèse en Asie » (Irénée, Contre les hérésies, Livre III, 1, 1).

Eglise de Curgy (71), peinture murale du Christ en Majesté, entouré des symboles des 4 évangélistes : le lion (St Marc), le taureau (St Luc), l’aigle (St Jean) et l’ange (St Matthieu), classé MH en 1862, ©bourgognemedievale.com

Irénée est le premier à identifier les quatre vivants aux quatre évangélistes, à partir de la vision de saint Jean dans l’Apocalypse : « Voici qu’un trône était dressé dans le ciel, et, siégeant sur le trône, Quelqu’un… Au milieu du trône, autour de lui, se tiennent quatre Vivants constellés d’yeux par devant et par derrière. Le premier Vivant est comme un lion ; le deuxième Vivant est comme un jeune taureau ; le troisième Vivant a comme un visage d’homme ; le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol. »  Apocalypse IV, 2-7. Poursuivant sa grande synthèse christologique, il voit d’abord dans les quatre figures animales autant d’images de la vie du Christ : « Le premier vivant est semblable à un lion », ce qui renvoie à la puissance, à la souveraineté  et la royauté ; « le deuxième est semblable à un jeune taureau », ce qui renvoie à sa charge de sacrificateur et de prêtre ; « le troisième a un visage pareil à celui d’un homme », ce qui décrit clairement sa venue humaine ; et « le quatrième est semblable à un aigle qui vole », ce qui indique le don de l’Esprit qui vole sur l’Eglise. » Adv. Haereses (Contre les hérésies), III, 11,8 in Premiers écrits chrétiens, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, NRF, 2016, p.1023.

Irénée est aussi l’auteur de la Démonstration de l’enseignement apostolique, où il ne s’agit plus pour l’évêque de Lyon de combattre les hérésies, mais d’exposer simplement et de façon relativement brève la doctrine chrétienne, afin « d’affermir la foi » d’un ami, Marcien. Au terme de son ouvrage, il l’invite sans doute à fuir les doctrines hérétiques, mais lui rappelle surtout que « la prédication de la vérité », inaugurée par les prophètes, poursuivie par le Christ, puis par les apôtres, est désormais confiée à l’Église qui la remet à chaque chrétien, écrit le directeur de collection, J.N. Guinot.

« Tel est le chemin de la vie », dit, à la fin du petit livret de la Démonstration, Irénée (…). La doctrine chrétienne, appuyée sur l’Ancien et le Nouveau Testament, conduit, à travers les vérités qu’elle transmet, droit au but du chemin, à la Vie. Ce livret eût été perdu sans la traduction arménienne dans laquelle il a été précieusement conservé. Il convenait d’en refondre entièrement l’édition, car d’heureuses publications de fragments arméniens ces dernières années ont apporté des éléments d’information qui exigeaient un nouvel examen du texte (…) 4e de couverture.

Nous conclurons par deux citations : sur la Trinité, des « deux mains de Dieu que sont le Fils et l’Esprit », et sur la divinisation de l’homme, « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu ».

Martine Petrini-Poli

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