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Origine de la Lectio divina chez Origène, père de l’Eglise (185-253)

Sur le blog Ecrits mystiques s'ouvre un nouveau cycle de patristique dédié aux pères du désert, aux pères cappadociens, aux pères de l’Eglise latine. Voici en ouverture le premier envoi sur la Lectio divina d’Origène (185-253) commentée par Benoît XVI, qui aborde ce véritable itinéraire spirituel par étapes à la lumière de l'Ecriture.
Publié le 14 octobre 2021
Écrit par Martine Petrini-Poli

Les premiers principes de la Lectio divina ont été formulés vers l’an 220 de notre ère par Origène (185–253), théologien de la période patristique (Ier au VIIIe siècle). Il affirma que, pour lire la Bible, il est nécessaire de le faire avec attention, constance, prière. Il insiste aussi sur l’importance de lire l’Écriture en prêtant attention à plusieurs niveaux possibles de significations. Par la suite, la Lectio divina a été introduite formellement en Occident par saint Ambroise de Milan.

Auparavant, le judaïsme pratiquait déjà la relation de l’homme avec la Parole de Dieu par la lecture, la méditation, la prière et la contemplation.

C’est dans la Lettre à Grégoire, qu’Origène mentionne pour la première fois l’expression theia anagnosis, traduite en latin par lectio divina. Origène écrit à Grégoire le Thaumaturge, alors qu’il s’était établi à Césarée, ville où Grégoire vivait avec son frère. Ils se mirent à son école, convaincus d’avoir « trouvé un guide pour les conduire à la connaissance du Verbe ».

Dans la Lettre à Grégoire, Origène recommande cette lecture au futur évêque de Césarée :    

« Consacre-toi à la lectio des divines Ecritures ; applique-toi à cela avec persévérance. Engage-toi dans la lectio avec l’intention de croire et de plaire à Dieu. Si durant la lectio tu te trouves devant une porte close, frappe, et le gardien t’ouvrira, lui dont Jésus a dit : ‘Le gardien la lui ouvrira’. En t’appliquant ainsi à la lectio divina (theia anagnosis), cherche avec loyauté et une confiance inébranlable en Dieu le sens des Ecritures divines, qui est largement contenu dans celles-ci. Tu ne dois cependant pas te contenter de frapper et de chercher : pour comprendre les choses de Dieu, tu as absolument besoin de l’oratio. Précisément pour nous exhorter à celle-ci, le Sauveur nous a non seulement dit : “Cherchez et vous trouverez” et “Frappez et on vous ouvrira”, mais il a ajouté : “Demandez et vous recevrez” » (Ep. Gr. 4) Remerciement à Origène suivi de La Lettre d’Origène à Grégoire, de Grégoire le Thaumaturge, Origène, Collection Sources chrétiennes – N° 148, 244 pages – sept. 1977

On trouve déjà dans ce texte d’Origène les caractéristiques essentielles de la lectio divina : lecture attentive du texte biblique (lectio), recherche persévérante de sa signification profonde (meditatio). Lecture et méditation doivent être accompagnées par la prière de foi et la recherche de la volonté de Dieu (oratio).

« La Parole de Dieu s’installe dans les entrailles de l’homme » selon Origène. Il faut pour cela « oubliant tout le reste, être disponible à Dieu. », « consommer mystérieusement la Parole rompue. » « Ce n’est pas une fois seulement que mon Seigneur Jésus est venu sur terre : il est venu également à Isaïe, il est venu à Moïse, au peuple aussi et à chacun des prophètes, il est venu ; toi non plus ne crains point : même si tu l’as déjà reçu, il reviendra à toi. »

Origène commente le Cantique des Cantiques : « La forme divine de Jésus n’est perceptible qu’à ceux à qui il veut la révéler et qui sont prêts à accueillir cette révélation. Lorsque l’épouse, c’est à dire l’Eglise, se convertissant à Dieu, fut dépouillée du voile qui l’enveloppait (2 Co 3,16), elle aperçut son Bien Aimé sautant sur les montagnes – les livres de la loi – bondissant sur les collines – les écrits des prophètes – et cette manifestation est si évidente, si dépourvue de toute illusion qu’il n’est pas dit de l’Epoux qu’il apparaît, mais qu’il bondit, comme si, feuilletant les écrits des prophètes, elle avait vu le Christ s’en échapper et courir au-devant d’elle, comme si, pour avoir quitté le voile qui la couvrait, elle voyait le Christ jaillir de chaque endroit du texte, s’élancer vers elle et lui manifester tout à coup une présence qu’elle ne peut plus mettre en doute. »

Giotto di Bondone, La Rencontre d’Anne et Joachim à la Porte Dorée, c. 1303-1305, fresque, 200 x 185 cm, Musées civiques de Padoue © WIKIMEDIA COMMONS

« Tout est mystère de ce qui est dans l’Ecriture. Le Christ veut te fiancer à lui, toi aussi. Voulant donc te fiancer à lui, il t’envoie ce serviteur : la parole prophétique ; sans l’avoir d’abord accueillie, tu ne pourras pas épouser le Christ. Sache cependant que sans exercice et sans connaissance, personne n’accueille la parole prophétique ; en revanche, l’accueille celui qui sait tirer l’eau du puits… » Il fait alors référence aux mariages des patriarches, Jacob et Isaac, contractés auprès du puits. « Cette union de l’âme avec le Verbe, il est certain qu’elle ne peut se réaliser que si on se laisse instruire par les livres divins, auxquels figurativement, l’Ecriture donne le nom de puits. Quiconque vient à ce puits et en tire de l’eau, c’est à dire méditant l’Ecriture, perçoit un sens et une signification plus profonde, celui-là trouvera des noces dignes de Dieu, car son âme sera unie à Dieu. »

Le 16 Septembre 2005, le pape Benoît XVI a relancé la lectio divina en commémoration du 40e anniversaire de la publication de la Constitution sur la Révélation divine du Concile Vatican II Dei Verbum : « La pratique de la lectio divina, si elle est promue de façon efficace, apportera à l’église un nouveau printemps spirituel ». « La lectio divina constitue un véritable itinéraire spirituel par étapes. De la lectio, qui consiste à lire et relire un passage de l’Écriture Sainte en en recueillant les principaux éléments, on passe à la meditatio, qui est comme un temps d’arrêt intérieur, où l’âme se tourne vers Dieu en cherchant à comprendre ce que sa parole dit aujourd’hui pour la vie concrète. Vient ensuite l’oratio, qui nous permet de nous entretenir avec Dieu dans un dialogue direct, et qui nous conduit enfin à la contemplatio ; celle-ci nous aide à maintenir notre cœur attentif à la présence du Christ, dont la parole est une « lampe brillant dans l’obscurité, jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans nos cœurs » (2 P 1, 19). Benoît XVI, le 22 juin 2006.

Martine Petrini-Poli

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