Les Moralia sur Job
Les Moralia, conférences monastiques de Grégoire le Grand données à Constantinople, sont l’ouvrage le plus étendu de l’œuvre de cet illustre Père de l’Église. Il existe trois catégories de chrétiens, trois ordines : les personnes mariées (conjugati), les moines (continentes), les clercs (praedicatores ou rectores), qui sont tous appelés à la sainteté selon leur état de vie (vie active, contemplative ou mixte). L’Église est une diversité concordante. Moralia 28.
Il ne peut plus rechercher les petits ruisseaux, celui qui puise à la source même de la Vérité. Moralia 30, 14, 49
Parce que les gens mariés sont nécessairement engagés dans les affaires temporelles, il y a normalement chez eux prédominance de la forme de vie dite active, celle où l’on agit, où l’on s’affaire, mais aussi celle où l’on travaille à l’acquisition des vertus morales.
Parce que les moines ont fui le monde pour rechercher les conditions les meilleures à la contemplation ils sont voués à la recherche de la quies et leur vie est une vie contemplative, la contemplation est donc leur privilège inamissible.
Les clercs, rectores ou praedicatores, voués au service des autres, mènent une vie mixte :
Ne pouvant en cette vie rester longtemps dans la divine contemplation, ils ressemblent aux sauterelles (Ps 108 Excussus sum sicut locustae) après le saut qu’ils ont fait, ils se « reçoivent » dans leur chute et retournent aux exigences nécessaires de la vie active. Cependant ils ne sont pas satisfaits d’y demeurer et quand de nouveau, ils s’élancent avec ardeur vers la contemplation, ils recherchent pour ainsi dire l’air pour voler : ils passent leur vie comme les sauterelles, à prendre leur essor et à retomber ; alors que sans cesse, ils s’efforcent de ne jamais perdre de vue les réalités les plus élevées, ils sont rejetés sur eux-mêmes par le poids de leur nature corruptible. Moralia 31, 49
C’est bien la vie qu’a menée saint Grégoire dans sa charge épiscopale. La vie mixte lui paraît la plus propre à la perfection, car ce fut celle du Christ.
Le Pastoral, Liber regulae pastoralis (591)
Grégoire répond à l’évêque Jean de Ravenne qui lui reprochait d’avoir voulu se dérober à la charge d’évêque de Rome. En trois parties d’inégale longueur, Grégoire étudie successivement les conditions requises pour bien exercer la charge pastorale (11 chapitres), les règles de vie du vrai pasteur (11 ch.), les règles de la prédication et de l’enseignement catéchétique (40 ch.). Il termine par un chapitre de réflexion personnelle.
Qu’enfermé de toutes parts à la manière de l’eau, l’esprit humain se recueille pour s’élever, tel le jet d’eau vers le ciel, tendant toujours à remonter là d’où il est descendu… en se dispersant, le jet d’eau se brise, il se répand alors sans profit ! La citadelle de l’esprit qui n’a pas des murs de silence s’offre aux coups de l’ennemi. Pastoral III, 14
Les Homélies sur l’Évangile (590-593)
Ces 40 homélies destinées au commun des fidèles sont simples. Elles furent prononcées lors de la messe (inter sacra missarum solemnia), car le devoir de l’évêque, selon Grégoire, est de commenter l’Evangile.
Les Homélies sur Ézéchiel
Les 22 homélies sur Ézéchiel furent rédigées pour des moines. C’est un traité de contemplation : Par la contemplation, nous sommes portés au-dessus de nous, nous sommes comme soulevés dans les airs. Homélie sur Ezéchiel I, 3, 1
Ce tableau symboliste représente le parcours d’un jeune homme de sa naissance à l’âge adulte, confronté aux joies, mais aussi aux dangers et aux épreuves de la vie.
Les cœurs humains ne pourraient prendre leur envol pour contempler le Verbe si le Verbe tout-puissant ne s’était, pour les hommes, fait homme. Homélie sur Ezéchiel I, 3, 14
Traitez les affaires temporelles en tendant de toute votre âme aux réalités éternelles. Homélie sur Ezéchiel II, 5, 19
Les hautes montagnes sont pour les cerfs, la pierre est le refuge des hérissons (Ps 103).
Ceux qui sont capables des bonds de la contemplation possèdent les hautes montagnes de l’intelligence. Quant à nous, tout petits hérissons, que la pierre nous soit un refuge ! Tout petits et tout couverts des épines piquantes de nos péchés, nous ne pouvons saisir les choses élevées, mais cachés dans le refuge de notre pierre, la foi au Christ, nous sommes sauvés ! Homélie sur Ézéchiel 9, 31
Les Dialogues (593-594)
Les 4 livres des Dialogues traitent de la vie et des miracles des saints italiens, sous la forme d’une conversation entre le pape Grégoire et son diacre Pierre. C’est une œuvre d’édification populaire. Le 2e livre est consacré à la personnalité de saint Benoît, en qui réside l’esprit de tous les justes.
Expositions sur le livre des Rois, en particulier sur la grâce de l’onction épiscopale
Expositions sur le Cantique des Cantiques
Le Registre des Lettres
Ce registre compte 868 lettres, personnelles ou officielles en tant que secrétaire du pape Pélage II (à la reine Brunehaut ou à l’empereur Phocas). On y voit l’œuvre de gouvernement de Grégoire et sa théologie morale. Grégoire a aussi composé un Sacramentaire liturgique.
L’œuvre de Grégoire le Grand témoigne d’une grande qualité littéraire, humaine et spirituelle. L’Ecriture apparaît comme un chant dans la nuit :
Le chant dans la nuit, c’est la joie dans l’épreuve puisque même affligés par les tribulations, nous goûtons déjà par l’espérance les joies de l’éternité. C’est ce chant dans la nuit que célébrait Paul : « Ayez la joie dans l’espérance, la constance dans la tribulation » (Ro 12, 12). C’est ce chant dans la nuit qu’entonnait David : « Tu m’es un refuge dans le tourment qui m’assiège. Ô ma Joie, délivre-moi de ceux qui m’assiègent » (Ps 31, 7). Voici qu’il nomme la nuit un tourment et que pourtant au milieu des tribulations, il appelle son Libérateur sa Joie ! Au dehors, certes, c’était la nuit dans l’assaut de l’épreuve mais au dedans retentissaient les chants de consolation et de joie. Moralia XXVI, 16, 26
Martine Petrini-Poli