Johannes Eckhart est né vers 1260 à Hochheim près de Gotha, en Thuringe. Il entre, à l’âge de 15 ans, comme novice au monastère dominicain d’Erfurt. Après avoir suivi le cursus médiéval des arts libéraux, il accomplit de brillantes études de philosophie et de théologie à Cologne. Entre 1294 et 1298, il exerce la charge de prieur du monastère d’Erfurt et de vicaire général de Thuringe.
C’est à cette époque qu’il rédige son ouvrage « Entretiens spirituels » (Reden der Unterweisung), réflexions développées à la demande de ses frères. Ses fonctions sont suspendues par son enseignement à l’université de Paris en 1302 et 1303. En 1303, il est nommé premier prieur provincial de Saxe et se déplace beaucoup pour rendre visite aux cinquante couvents dont il a la charge. En 1307, il devient vicaire général de la province de Bohême, qui s’étend des Pays-Bas à Prague.
Un second séjour parisien se déroule en 1313 ou 1314 et il entreprend l’Oeuvre tripartite. Il est alors nommé vicaire général de Teutonie, tout en résidant jusqu’en 1323 à Strasbourg qu’il quitte pour Cologne. Pendant cette période strasbourgeoise, il rédige le Livre de la Consolation divine, des Sermons (Sermon de l’homme noble) et le Commentaire de l’Evangile de Jean.
L’œuvre de Maître Eckhart comprend à la fois une centaine de Traités et Sermons prêchés en allemand aux béguines et aux moniales, et une oeuvre en latin qui correspond à son enseignement théologique dans les villes universitaires (Sermons, Questions parisiennes, Œuvre tripartite…).
En 1325 des doutes sont émis quant à son orthodoxie et sa façon de prêcher. En 1326, il est accusé devant l’Inquisition et interrogé, en 1327, par le chapitre de la cathédrale de Cologne. Il en appelle au pape Jean XXII et souligne le caractère infondé de son procès. Lors de la condamnation de certaines propositions extraites de ses œuvres, Eckhart est déjà mort, sans doute sur la route d’Avignon, à la rencontre du pape. On n’a pas connaissance du lieu de sa sépulture.
L’Ordre dominicain des Prêcheurs a fait une récente mise au point de ce procès :
« Vendredi 16 avril 2010 — Il aura fallu attendre la publication d’un article de l’éminent spécialiste et éditeur allemand d’Eckhart, le Professeur Georg Steer, pour qu’émergent aujourd’hui des documents d’archives de la British Eckhart Society montrant qu’en 1992, le préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, cardinal Joseph Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, avait accepté la demande de réhabilitation du célèbre théologien et philosophe allemand Meister Eckhart (1260-1329 environ), présentée par le chapitre général dominicain.
Paradoxalement, la réhabilitation de Maître Eckhart après 750 ans aboutit au jugement qu’il n’a jamais eu besoin d’être réhabilité. Telle est en bref la réponse que le Maître de l’Ordre de l’époque, Timothy Radcliffe, reçut du Vatican en 1992, et qu’il résumait ainsi dans une lettre datée du 15 août 1992, à Peter Talbot Wilcox, alors président de la British Eckhart Society :
« Nous avons essayé de faire lever la censure sur Eckhart », écrit Timothy Radcliffe, « et on nous a répondu qu’en réalité cela n’était pas nécessaire puisqu’il n’avait jamais été condamné nominalement, mais seulement certaines propositions qu’il était supposé avoir soutenues, et par conséquent nous sommes parfaitement libres de dire que c’est un bon théologien orthodoxe. »
Cette déclaration qui semble anodine est en fait la brève réponse à l’aboutissement d’un rapport très détaillé qu’une commission de théologiens avait élaboré au nom du chapitre général des dominicains de 1980 et qui avait été transmis avec une requête, dans un courrier du Maître de l’Ordre de l’époque au cardinal Ratzinger, le 30 mars 1992. » (L’Ordre des prêcheurs).
On devrait donc à Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI, la réhabilitation, discrète mais officielle, de Maître Eckhart. »
Bibliographie
1. Vannier Marie-Anne, Les mystiques rhénans, Eckhart, Tauler, Suso, Anthologie, Cerf, 2010.
2. Vansteenberghe Edmond, Le Mouvement mystique à Strasbourg au XIVe siècle, 1927.
3. Les travaux de l’Équipe de Recherches sur les Mystiques rhénans (ERMR de l’Université de Lorraine), fondée et dirigée par Marie-Anne Vannier, qui regroupe, à sa fondation, des enseignants, des chercheurs et des étudiants travaillant au sein de l’Université de Lorraine ainsi que de Bruxelles et Lyon, en lien avec la Maison des Sciences de l’Homme (MSH Lorraine). Son objectif est d’approfondir et de diffuser la connaissance des mystiques rhénans : Maître Eckhart, Jean Tauler, Henri Suso, et en lien avec le Cusanus Institut f. Forschung de Trêves, Nicolas de Cues.