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LES PIERRES DANS LE LIVRE DES SUBTILITES DES CREATURES DIVINES

Voici la quinzième parution de la série consacrée aux œuvres naturalistes et médicales d’Hildegarde de Bingen (1098-1179), qui font suite aux précédentes publications de Narthex sur sa trilogie mystique. Extraordinaire figure du XIIe siècle, abbesse bénédictine et musicienne, Sainte Hildegarde a eu de remarquables intuitions médicinales, étayées par ses observations de la nature. Dans le livre IV des Subtilités des créatures divines, elle expose les étonnantes vertus des pierres qui les apparentent au monde du merveilleux dans l'esprit médiéval de ce temps.
Publié le 12 novembre 2020
Écrit par Martine Petrini-Poli

Hildegarde de Bingen attribue des vertus protectrices, curatives, purificatrices aux minéraux suivant en cela des pratiques antiques. Les descriptions apparaissant dans le Livre IV Des pierres proviennent essentiellement de Pline l’Ancien, de lapidaires médiévaux, et aussi de l’Apocalypse.

Préface
I. Émeraude : L’émeraude pousse tôt le matin, au lever du soleil, lorsque ce dernier devient puissant et amorce sa trajectoire dans le ciel. À cette heure, l’herbe est particulièrement verte et fraîche sur la terre, car l’air est encore frais et le soleil déjà chaud. Alors, les plantes aspirent si fortement la fraîcheur en elles comme un agneau le lait, en sorte que la chaleur du jour suffit à peine pour réchauffer et nourrir cette fraîcheur, pour qu’elle soit fécondatrice et puisse porter des fruits. C’est pourquoi l’émeraude est un remède efficace contre toutes les infirmités et maladies humaines, car elle est née du soleil et que sa matière jaillit de la fraîcheur de l’air (…) L’émeraude contient la même vertu que la goutte de rosée sur un brin d’herbe ; elle réveille la nature tous les matins. II. Jacinthe III. Onyx IV. Béryl

V. Sardonice (Sardonix) : Le sardonyx est chaud et se développe chaque jour à partir de la sixième heure (12h) ; elle s’est déjà écoulée jusqu’à ce qu’il franchisse à peine une ligne de la neuvième heure (15 h) du jour. Puis il est chauffé par le soleil qui brille dans toute sa pureté.

Lorsque l’air commence à se refroidir, le sardonyx ressemble plus au feu qu’à l’air ou à l’eau. Il a des vertus utiles dans sa nature et fournit de la force à chacun des cinq sens d’une personne. C’est un remède particulier pour les sens, car il naît dans la pureté du soleil, quand aucune puanteur ne ternit sa clarté. VII. Sarde VIII. Topaze IX. Chrysolite

X. Jasper (Jaspis) Le jaspe se développe lorsque le soleil est déjà enclin au coucher du soleil après la neuvième heure de la journée, et il est chauffé par le feu du soleil, mais il est plus de l’air que de l’eau ou du feu. Il a des chaleurs différentes car, lorsque le soleil se couche, sa chaleur est différente car il est entouré de nuages. Quiconque est sourd tient un jaspe devant sa bouche et expire dedans avec son souffle chaud pour le rendre chaud et humide. Appliquez-le immédiatement sur l’oreille et placez un tissu fin sur le dessus de la pierre, fermant ainsi l’oreille jusqu’à ce que sa chaleur soit transférée à l’oreille. XI. Prasio XII. Calcédoine XIII. Chrysoprase XIV. Carbuncle

Croix votive, d’or et de pierres précieuses, attachée à une couronne votive du trésor de Guarrazar, VIIe siècle, Espagne

XV. Améthyste : Si on a des taches sur le visage, il faut mouiller une améthyste avec sa salive et en frotter les taches. On peut aussi chauffer de l’eau sur le feu et tenir cette pierre au-dessus de l’eau jusqu’à ce que sa sueur se mêle à l’eau : on se lavera le visage avec cette eau. On le fera souvent et on aura un visage à la peau douce, et de belle couleur. XVI. Agate

XVII. Diamant. Hildegarde reprend là une croyance remontant à l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien et reprise par Isidore de Séville, selon laquelle le diamant peut écarter le Diable. XVIII. Aimant ou pierre de magnétite

Le récit expliquant la formation du ligurius à partir de l’urine de lynx est très répandu à l’époque de Hildegarde. Le ligurius apparaît seulement quand certaines conditions climatiques sont réunies : le soleil doit briller et le vent souffler faiblement car cet animal trouve sa joie dans la chaleur et la pureté du soleil, ainsi que dans la douceur d’un vent léger. Le soleil et la joie réchauffent alors l’urine de l’animal, qui se coagule en une pierre plus douce que les autres pierres. L’emploi de cette espèce d’ambre née de l’urine est dès lors recommandé comme chez Pline l’Ancien auquel Hildegarde emprunte ce récit.

XIX. Ligurius ou lyncurium (Ligure, rubellite ou tourmaline) : La rubellite est chaude. Elle naît de n’importe quelle urine et particulièrement de celle du lynx. En effet, le lynx n’est pas un animal lascif, libidineux ou immonde, mais il a, en quelque sorte, un tempérament égal. Sa puissance est si grande qu’elle pénètre dans les pierres, et sa vue est si pénétrante qu’il est rare qu’elle soit obscurcie. (…). Du fait de l’éclat du soleil et de la douceur de l’air qui, en touchant l’animal, lui ont causé grande joie, du fait également de sa grande force, son urine se réchauffe et, lorsqu’elle est émise, elle se coagule dans le trou, et il se forme ainsi dans la terre l’agglomérat d’une pierre magnifique, qui est plus douce que les autres pierres. Si on souffre beaucoup de l’estomac, il faut mettre une rubellite pendant un moment dans du vin, de la bière ou de l’eau ; le liquide s’imprègne des vertus de la pierre et les prend en lui (…)

XX. Cristal de roche (Cristallus) : Le cristal de roche est né de certaines eaux froides de couleur noirâtre. La même eau se coagule par le froid en une certaine pâte lorsque l’air touche cette eau quelque part, et ainsi le cœur de l’eau est fortement coagulé. Et quand plus tard, la chaleur de l’air ou du soleil touche cette même pâte, avec sa combustion elle enlève un lit épais et blanchâtre, de sorte qu’elle la rend plus pure, mais elle ne peut pas la dissoudre avec la chaleur. Puis le froid revient une seconde fois et il le caille de plus en plus, et le rend plus pur. La pâte devient alors si forte que la chaleur ne peut pas la dissoudre, même si toute la glace environnante devient molle. Et ainsi le cristal de roche surgit, et c’est du cristal. Quand les yeux deviennent troubles, mettez souvent le cristal de roche qui a chauffé au soleil au-dessus de vos yeux. Comme il est de nature aqueuse, il réduit les mauvaises humeurs des yeux et améliore ainsi la vision (…) XXI. Des perles XXII. Perles ou nacre XXIII. Cornaline XXIV. Albâtre XXV. Chaux XXVI. Autres pierres

Ces pierres précieuses décrivent aussi la Jérusalem nouvelle dans l’Apocalypse 21, 18-23 : Le matériau de la muraille est de jaspe, et la ville est d’or pur, d’une pureté transparente. Les fondations de la muraille de la ville sont ornées de toutes sortes de pierres précieuses. La première fondation est de jaspe, la deuxième de saphir, la troisième de calcédoine, la quatrième d’émeraude, la cinquième de sardoine, la sixième de cornaline, la septième de chrysolithe, la huitième de béryl, la neuvième de topaze, la dixième de chrysoprase, la onzième d’hyacinthe, la douzième d’améthyste. Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et l’Agneau. La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau.

Martine Petrini-Poli

L’Agneau sur la montagne de Sion, Dublin Apocalypse, Manuscripts & Archives Research Library, Trinity College Dublin
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