Le chapitre VI du Livre III de l’Imitation de Jésus-Christ évoque, par la métaphore filée de la guerre, le combat spirituel de la vie chrétienne entre les forces du mal, les « sollicitations du démon » et l’amour du Seigneur, du Bien-Aimé. Le poète Charles Baudelaire, dans Mon cœur mis à nu, suggère ce combat universel en tout homme :
« Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre. »
Celui qui aime fortement demeure ferme dans la tentation, et ne cède point aux suggestions artificieuses de l’ennemi.
1. J.-C. Mon fils, votre amour n’est encore ni assez fort ni assez éclairé.
Le F. Pourquoi, Seigneur ?
J.-C. Parce qu’à la moindre contrariété, vous laissez là l’oeuvre commencée, et que vous recherchez trop avidement les consolations.
Celui qui aime fortement demeure ferme dans la tentation, et ne cède point aux suggestions artificieuses de l’ennemi. Dans le mauvais comme dans le bon succès, son coeur est également à Moi.
Ne croyez pas tout perdu cependant s’il vous arrive de sentir, pour Moi ou pour Mes Saints, moins d’amour que vous ne voudriez.
2. Celui dont l’amour est éclairé, considère moins le don de celui qui aime que l’amour de celui qui donne.
L’affection le touche plus que le bienfait et il préfère son bien-aimé à tout ce qu’il reçoit de lui. Celui qui M’aime d’un amour généreux ne se repose pas dans Mes dons, mais en Moi par-dessus tous Mes dons.
Ne croyez pas tout perdu cependant s’il vous arrive de sentir, pour Moi ou pour Mes Saints, moins d’amour que vous ne voudriez.
Cet amour tendre et doux que vous éprouvez quelquefois, est l’effet de la présence de la grâce et une sorte d’avant-goût de la patrie céleste ; il n’y faut pas chercher trop d’appui parce qu’il passe comme il est venu.
Mais combattre les mouvements déréglés de l’âme et mépriser les sollicitations du démon, c’est un grand sujet de mérite et la marque d’une solide vertu.
3. Ne vous troublez donc point des fantômes, quels qu’ils soient, qui obsèdent votre imagination.
Conservez une résolution ferme et une intention droite devant Dieu.
Ce n’est point une illusion, si quelquefois vous êtes soudain ravi en extase, et qu’aussitôt vous retombiez dans les pensées misérables qui occupent d’ordinaire votre coeur.
Car vous souffrez alors plus que vous n’agissez ; et tant qu’elles vous déplaisent et que vous y résistez, c’est un mérite et non pas une chute.
Sachez que l’antique ennemi s’efforce d’étouffer vos bons désirs et de vous éloigner de tout pieux exercice
4. Sachez que l’antique ennemi s’efforce d’étouffer vos bons désirs et de vous éloigner de tout pieux exercice, du culte des Saints, de la méditation de Mes douleurs et de Ma mort, du
souvenir si utile de vos péchés, de l’attention de veiller sur votre coeur, et du ferme propos d’avancer dans la vertu.
Il vous suggère mille pensées mauvaises pour vous causer du trouble et de l’ennui, pour vous détourner de la prière et des lectures saintes.
Une humble confession lui déplaît et, s’il pouvait, il vous éloignerait tout à fait de la communion.
Ne le craignez point et n’ayez de lui aucune appréhension, quoiqu’il vous tende souvent des pièges pour vous surprendre.
Rejetez sur lui seul les pensées criminelles et honteuses qu’il vous inspire. Dites-lui :
Va, esprit immonde ; rougis, malheureux ; il faut que tu sois étrangement pervers pour me tenir un pareil langage.
Retire-toi de moi, détestable séducteur, tu n’auras jamais en moi aucune part ; mais Jésus sera près de moi comme un guerrier formidable, et tu demeureras confondu.
J’aime mieux mourir et souffrir tous les tourments, que de consentir à ce que tu me proposes.
Tais-toi donc, ne me parle plus (Mc 4, 39) ; je ne t’écouterai pas davantage, quoi que tu fasses pour m’inquiéter. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrais-je ? (Ps. 26, 1)
Quand une armée se rangerait en bataille contre moi, mon coeur ne craindrait pas (Ps. 26, 3). Le Seigneur est mon aide et mon Rédempteur (Ps. 18, 15).
Reprenez un courage plus grand dans l’espérance d’être soutenu par une grâce plus forte
5. Combattez comme un généreux soldat, et si quelquefois vous succombez par fragilité, reprenez un courage plus grand dans l’espérance d’être soutenu par une grâce plus forte ; et gardez-vous surtout de la vaine complaisance et de l’orgueil.
C’est ainsi que plusieurs s’égarent et tombent dans un aveuglement presque incurable.
Que la chute de ces superbes qui présumaient follement d’eux-mêmes vous soit une leçon continuelle de vigilance et d’humilité.
L’archange saint Michel, cité dans l’Apocalypse, est représenté en tenue de combat protégé par un bouclier et brandissant une épée pour lutter contre le démon symbolisant les forces du mal et pour le vaincre. Dans les premiers temps chrétiens, les anges sont très présents dans le culte. On les voit intervenir pour soutenir et aider les martyrs. Plus tard, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny les décrit tournant au- dessus du chœur de sa grande église, repoussant les attaques des démons. L’air est véritablement peuplé de ces êtres en lutte.
Le culte de saint Michel qui s’est développé d’abord en Orient gagne l’Occident par l’intermédiaire de l’Italie (au Château Saint-Ange, puis au Mont Gargano), pour remonter sur les côtes atlantiques. Au VIIe siècle, dès son arrivée à Héro, sur l’île de Noirmoutier, Philibert fonde sur une colline une chapelle dédiée à saint Michel avant que ce culte ne trouve un grand succès au Mont Saint-Michel au siècle suivant. Il arrive ainsi jusqu’en Irlande. Il continuera de se développer avec succès : on place encore à la fin du XIXe une grande statue de l’ange au-dessus de Notre Dame de Fourvière, à Lyon.
Martine Petrini-Poli