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Livre II, chapitre 4 de l’Imitation de Jésus-Christ, De la pureté d’esprit et de la droiture d’intention

L'Imitation de Jésus-Christ, en latin « Imitatio Christi », est un best-seller médiéval du mystique allemand Thomas A Kempis. Au fil des semaines, vous êtes invités à en découvrir quelques extraits choisis. Le chapitre 4 du Livre II, que nous étudions aujourd'hui, est une réflexion sur la droiture et la pureté d'intention : le véritable esprit d'enfance.
Publié le 20 juin 2019
Écrit par Martine Petrini-Poli

FRA ANGELICO, DÉTAIL DE L’ANGE DE L’ANNONCIATION , CIRCA 1426 © WIKIMEDIA COMMONS

1. L’homme s’élève au-dessus de la terre sur deux ailes, la simplicité et la pureté. La simplicité doit être dans l’intention, et la pureté dans l’affection. La simplicité cherche Dieu, la pureté le trouve et le goûte. Nulle bonne oeuvre ne vous sera difficile si vous êtes libre au-dedans de toute affection déréglée. Si vous ne voulez que ce que Dieu veut et ce qui est utile au prochain, vous jouirez de la liberté intérieure. Si votre coeur était droit, alors toute créature vous serait un miroir de vie et un livre rempli de saintes instructions. Il n’est point de créature si petite et si vile qui ne présente quelque image de la bonté de Dieu.

S’il est quelque joie dans le monde, le coeur pur la possède.

2. Si vous aviez en vous assez d’innocence et de pureté, vous verriez tout sans obstacle. Un coeur pur pénètre le ciel et l’enfer. Chacun juge des choses du dehors selon ce qu’il est au-dedans de lui-même. S’il est quelque joie dans le monde, le coeur pur la possède. Et s’il y a des angoisses et des tribulations, avant tout elles sont connues de la mauvaise conscience. Comme le fer mis au feu perd sa rouille et devient tout étincelant, ainsi celui qui se donne sans réserve à Dieu se dépouille de sa langueur et se change en un homme nouveau.

3. Quand l’homme commence à tomber dans la tiédeur, alors il craint le moindre travail et reçoit avidement les consolations du dehors. Mais quand il commence à se vaincre parfaitement et à marcher avec courage dans la voie de Dieu, alors il compte pour rien ce qui lui était le plus pénible.

PICASSO, L’ENFANT À LA COLOMBE 1901 © NICHO DESIGN CREATIVE COMMONS

Voici les réflexions de l’Abbé Félicité de Lamennais (1782-1854) sur ce chapitre 4 ; il a en effet, en 1824, dix ans avant sa rupture avec l’Eglise, traduit et commenté chaque chapitre de l’Imitation :
« Quand Jésus-Christ voulut proposer un modèle à ses disciples, le choisit-il parmi les hommes distingués par la science ou par la supériorité de leur esprit ? Non ; il appela un petit enfant, le plaça au milieu d’eux et dit : En vérité, je vous le dis, si vous ne vous convertissez et ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.
Or, que voyons-nous dans l’enfance ? La simplicité, la pureté. Elle croit, elle aime, elle agit, sans retour sur elle-même, par un premier mouvement du coeur ; et voilà ce qui plaît à Dieu. Il ne demande ni de longues prières, ni d’éloquents discours, ni des méditations profondes, mais une volonté droite et un amour plein de candeur. N’avoir en tout de désirs que les siens, s’oublier entièrement soi-même, se soumettre aux volontés de l’adorable Providence, sans chercher à les scruter.
Quoi de plus pur que cet abandon, que cette simple obéissance ? Aussi la récompense en sera-t-elle grande : Heureux, est-il dit, ceux qui ont le coeur pur parce qu’ils verront Dieu.
 »

le mouvement de l’âme qui fait l’expérience de l’enfance de Dieu, afin de l’imiter et de grandir ensuite dans la vie spirituelle

Ce que retient l’Abbé Lamennais de cette méditation de Thomas a Kempis, c’est l’esprit d’enfance, cet état d’abandon entre les mains du Père. C’est l’esprit des Béatitudes que vit Thérèse de l’Enfant-Jésus au cours de sa brève existence. La carmélite, dans son récit autobiographique Mémoires d’une âme, témoigne de l’expérience d’enfance vécue en Dieu qui fut la sienne. Elle décrit, en effet, le mouvement de l’âme qui fait l’expérience de l’enfance de Dieu, afin de l’imiter et de grandir ensuite dans la vie spirituelle :
« Je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte (…) Une petite voie toute nouvelle ». Cette petite voie, on l’a appelée l’enfance spirituelle.

Pour le père Buttet, Thérèse rappelle ce qui est au cœur du christianisme, ce qui est la finalité même de l’œuvre de Rédemption : redonner à l’humanité la dignité d’enfant de Dieu qu’elle avait perdue à cause du péché. Ce retour vers le Père se fait par le don du Saint-Esprit. « Voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu » (1 Jn 3, 1). « Et nous le sommes vraiment ! », s’exclame saint Jean, bouleversé !

Devenir « Jésus » par grâce, vivre « l’enfance spirituelle » consiste à vivre la vie même du Christ. L’essentiel de cette vie ne réside pas dans les œuvres matérielles ou apostoliques accomplies par Jésus, mais dans la communion d’amour vécue avec son Père à chaque instant de sa vie. Cet amour, le Christ va le concrétiser par l’obéissance à la volonté du Père : « J’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour » (Jn 15, 10). L’obéissance au Père apparaît donc comme le sceau qui consacre et manifeste l’esprit de filiation.

Dans l’ordre naturel, plus l’enfant grandit, plus il doit se détacher. Dans l’ordre de la grâce, plus l’enfant de Dieu grandit, plus il comprend qu’il ne pourra jamais se suffire. À Noël 1886, Thérèse reçoit « la grâce de sortir de l’enfance » psychologique en se détachant d’elle-même, afin d’entrer dans l’enfance spirituelle en s’attachant résolument à Dieu.

Martine Petrini-Poli

Réf. Père Nicolas Buttet, Qu’est-ce que l’esprit d’enfance ? – Famille chrétienne 15/01/2013

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