Le Livre II ouvre une perspective plus intérieure de l’Imitation : l’union mystique au Christ et à ses souffrances salvatrices, dans l’esprit du Cantique des Cantiques. Dans ce chapitre premier, composé de huit paragraphes, nous retrouvons les antithèses chères à Thomas a Kempis entre le monde extérieur et l’homme intérieur, entre la fragilité humaine et la constance divine. Le thème de la demeure en Dieu, du repos, revient en leitmotiv. Cette union intime, une fois scellée, offre à l’homme la grâce d’entrer dans le mystère de la Rédemption.
Jésus-Christ viendra à vous et Il vous remplira de Ses consolations, si vous Lui préparez au-dedans de vous une demeure digne de Lui.
1. Le royaume de Dieu est au-dedans de vous (Lc 17, 21), dit le Seigneur. Revenez à Dieu de tout votre coeur, laissez là ce misérable monde, et votre âme trouvera le repos. Apprenez à mépriser les choses extérieures et à vous donner aux intérieures, et vous verrez le royaume de Dieu venir en vous. Car le royaume de Dieu est paix et joie dans l’Esprit-Saint (Rom.14, 17), ce qui n’est pas donné aux impies. Jésus-Christ viendra à vous et Il vous remplira de Ses consolations, si vous Lui préparez au-dedans de vous une demeure digne de Lui. Toute Sa gloire et toute Sa beauté est intérieure (Ps. 44, 14) ; c’est dans le secret du coeur qu’Il se plaît. Il visite souvent l’homme intérieur et Ses entretiens sont doux, Ses consolations ravissantes ; Sa paix est inépuisable, et Sa familiarité incompréhensible.
2. Âme fidèle, hâtez-vous donc de préparer votre coeur pour l’Époux, afin qu’Il daigne venir et habiter en vous. Car Il a dit : Si quelqu’un M’aime, il gardera Ma parole, et Nous viendrons à lui, et Nous ferons en lui Notre demeure (Jn 14, 23). Laissez donc entrer Jésus en vous, et n’y laissez entrer que Lui. Lorsque vous posséderez Jésus, vous serez riche, et Lui seul vous suffit. Il veillera sur vous, Il prendra de vous un soin fidèle en toutes choses, de sorte que vous n’aurez plus besoin de rien attendre des hommes. Car les hommes changent vite et vous manquent tout d’un coup ; mais Jésus-Christ demeure éternellement (Jn 12, 34) : inébranlable dans Sa constance, Il est près de vous jusqu’à la fin.
en quelque lieu que vous soyez, vous êtes étranger et voyageur ; et vous n’aurez jamais de repos que vous ne soyez uni intimement à Jésus-Christ.
3. On ne doit guère compter sur un homme fragile et mortel, encore bien qu’il vous soit utile et que vous soyez chers l’un à l’autre, et il n’y a pas lieu de s’attrister beaucoup si quelquefois il vous traverse et s’élève contre vous. Ceux qui sont aujourd’hui pour vous pourront être demain contre vous et réciproquement : les hommes changent comme le vent. Mettez en Dieu toute votre confiance : qu’Il soit votre crainte et votre amour ; Il répondra pour vous et Il fera ce qui est le meilleur. Vous n’avez point ici de demeure stable (Hébr. 13, 14) ; en quelque lieu que vous soyez, vous êtes étranger et voyageur ; et vous n’aurez jamais de repos que vous ne soyez uni intimement à Jésus-Christ.
Si vous ne savez pas encore vous élever aux contemplations célestes, reposez-vous dans la passion du Sauveur, et aimez à demeurer dans Ses plaies sacrées.
4. Que cherchez-vous autour de vous ? Ce n’est pas ici le lieu de votre repos. Votre demeure doit être dans le ciel et vous ne devez regarder toutes les choses de la terre que comme en passant. Tout passe, et vous passez avec tout le reste. Prenez garde de vous attacher à quoi que ce soit, de peur d’en devenir l’esclave et de vous perdre. Que sans cesse votre pensée monte vers le Très-Haut, et votre prière vers Jésus-Christ. Si vous ne savez pas encore vous élever aux contemplations célestes, reposez-vous dans la passion du Sauveur, et aimez à demeurer dans Ses plaies sacrées. Car, si vous vous réfugiez avec amour dans ces plaies et ces précieux stigmates, vous sentirez une grande force au temps de la tribulation ; vous vous inquiéterez peu du mépris des hommes et vous supporterez aisément les paroles médisantes.
5. Jésus-Christ aussi a été méprisé des hommes en ce monde, et dans les plus extrêmes angoisses, abandonné des Siens, de Ses amis, de Ses proches, au milieu des opprobres.
Jésus-Christ a voulu souffrir et être méprisé ; et vous osez vous plaindre de quelque chose !
Jésus-Christ a eu des ennemis et des détracteurs, et vous voudriez n’avoir que des amis et des bienfaiteurs ! Comment votre patience méritera-t-elle d’être couronnée s’il ne vous arrive rien de pénible ? Si vous ne voulez rien souffrir, comment serez-vous ami de Jésus-Christ ? Souffrez avec Jésus-Christ et pour Jésus-Christ, si vous voulez régner avec Jésus-Christ.
6. Si une seule fois vous étiez entré bien avant dans le Cœur de Jésus, et que vous eussiez ressenti quelque mouvement de Son amour, que vous auriez peu de souci de ce qui peut vous contrarier ou vous plaire ! Vous vous réjouiriez d’un outrage reçu, parce que l’amour de Jésus apprend à l’homme à se mépriser lui-même. Celui qui aime Jésus et la vérité, un homme vraiment intérieur et dégagé de toute affection déréglée, peut librement s’approcher de Dieu et, s’élevant en esprit au-dessus de soi-même, se reposer en Lui par une jouissance anticipée.
Celui qui a établi l’ordre au-dedans de soi ne se tourmente guère de ce qu’il y a de bien ou de mal dans les autres. L’on n’a de distractions et d’obstacles qu’autant que l’on s’en
crée soi-même.
7. Celui qui estime les choses suivant ce qu’elles sont, et non d’après les discours et l’opinion des hommes, est vraiment sage ; et c’est Dieu qui l’instruit plus que les hommes. Celui qui vit au-dedans de lui-même et qui s’inquiète peu des choses du dehors, tous les lieux lui sont bons, et tous les temps, pour remplir ses pieux exercices. Un homme intérieur se recueille bien vite parce qu’il ne se répand jamais tout entier au-dehors. Les travaux extérieurs, les occupations nécessaires en certains temps, ne le troublent point ; mais il se prête aux choses selon qu’elles arrivent. Celui qui a établi l’ordre au-dedans de soi ne se tourmente guère de ce qu’il y a de bien ou de mal dans les autres. L’on n’a de distractions et d’obstacles qu’autant que l’on s’en
crée soi-même.
8. Si vous étiez ce que vous devez être, entièrement libre et détaché, tout contribuerait à votre bien et à votre progrès. Mais beaucoup de choses vous déplaisent et souvent vous troublent, parce que vous n’êtes pas encore tout à fait mort à vous-même et séparé des choses de la terre.
Rien n’embarrasse et ne souille tant le coeur de l’homme que l’amour impur des créatures. Si vous rejetez les consolations du dehors, vous pourrez contempler les choses du ciel et goûter souvent les joies intérieures.
Martine Petrini-Poli