Voir toutes les photos

L’Arbre de Vie ou Lignum Vitae (1260) de saint Bonaventure – I/IV

Avec ce nouveau cycle du blog Ecrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous invite à l'étude de la vie et de l'oeuvre de saint Bonaventure (1217 ou 1221 - 1274). Théologien et philosophe majeur du XIIIe siècle, contemporain de Thomas d’Aquin, il est devenu supérieur de l’ordre des Frères Mineurs (franciscains) et créé cardinal-évêque d’Albano à la fin de sa vie. Sa réflexion philosophique s'inscrit dans le courant de l'augustinisme. Nous découvrons ici sa méditation spirituelle sur l'Arbre de vie ou Lignum Vitae.
Publié le 24 décembre 2020
Écrit par Martine Petrini-Poli

Le Lignum Vitae ou l’Arbre de Vie est un ouvrage de méditation spirituelle rédigé vers 1260 par Bonaventure. Il est composé d’un Prologue et de trois parties centrées sur les trois Mystères de la vie du Christ (origine, passion, glorification), portant chacun quatre fruits.  « Le livre déploie l’allégorie de la croix du Christ, en l’intériorisant suivant la triple voie purificatrice, illuminative et unitive découverte dans la lecture méditative, la prière et la contemplation. » écrit B. Forthomme dans le revue jésuite Etudes. L’Arbre de Vie présente un édifice structuré sur l’Arbre de Vie du paradis terrestre de la Genèse (2, 9-10) et dans la vision de l’Apocalypse (22, 1-2) de Saint Jean, symbolisant Jésus-Christ cloué sur un arbre pour la rédemption de l’humanité.

Prologue

le 1er chapitre, le Mystère d’origine, montre l’origine du Christ dans la splendeur du Verbum increatum (Verbe incréé) et offre quatre fruits.
le 2e chapitre, le Mystère de souffrance, montre l’Incarnation du Verbe, le Verbum incarnatum (Verbe incarné), qui par sa Passion, sa mort et sa Résurrection, apporte la Rédemption à l’humanité pécheresse. Il offre quatre fruits.
le 3e chapitre, le Mystère de Glorification, le Verbe inspiré, Verbum inspiratum, insuffle aux apôtres les sept dons de l’Esprit-Saint. Il offre quatre fruits.

Prologue
(…) Et parce que l’imagination aide l’intelligence, le peu que j’ai assemblé de beaucoup d’éléments, je l’ai ordonné et disposé en forme d’arbre imaginaire. Sur la première et la plus basse de ses branches, je décris l’origine et la vie du Sauveur, en continuant, au milieu sa passion, et sa glorification au sommet. Et sur la première série de rameaux, des deux côtés, quatre vers sont disposés par ordre alphabétique, de même sur la seconde, et la troisième. Sur chacun des rameaux, une seule pousse, qui pend comme un fruit, de sorte que l’arbre a comme douze rameaux portant douze fruits, selon le mystère de l’arbre de vie.

Dessine donc dans l’esprit de ton âme un arbre. Une source au jaillissement éternel en arrose la racine, source qui croît en un fleuve large et rapide, dont les quatre bras arrosent le paradis de l’Eglise entière. De plus, du tronc de cet arbre surgissent douze branches ornées de feuilles, de fleurs et de fruits. Sa feuille est un médicament très efficace contre toute sorte de maladie, qui prévient autant que guérit. Car la parole de la Croix est une force de Dieu pour le salut de tout croyant. La fleur est parée de la beauté de ses couleurs, elle répand les parfums les plus suaves, elle ranime et attire les cœurs anxieux de ceux qui les convoitent. Le fruit en douzaine qui a en soi toutes les délices et le goût de toutes les saveurs ; il est offert à déguster aux familiers de Dieu de manière à rassasier toujours ceux qui le mangent, sans jamais leur devenir fastidieux. – Ce fruit est en effet celui qui a tiré son origine d’un sein virginal et sur le bois de la croix est parvenu à une savoureuse maturité sous la chaleur de midi de l’éternel soleil, c’est-à-dire de la charité du Christ. Dans le jardin du paradis céleste, qui est la table de Dieu, ce fruit est proposé à déguster à ceux qui le désirent. C’est ce qu’insinue cette première strophe :

Ô Croix, arbrisseau salvifique

Irrigué par la source vive,

Ta fleur est pleine d’arôme,

Et ton fruit désirable. (…)

Une belle peinture médiévale, illustrant le Lignum Vitae (Arbre de vie) de saint Bonaventure se trouve dans la Galleria dell’ Accademia, à Florence. Ce panneau de bois a été peint à la détrempe vers 1310-1315 par Pacino di Bonaguida pour le couvent des Clarisses de Monticelli. Le Christ est crucifié sur un arbre à 12 branches portant chacune 4 médaillons, 48 en tout, autant que les paragraphes qui composent le Lignum Vitae de Bonaventure, et de sujets de méditation. L’arbre se lit de bas en haut et de gauche à droite.

Lignum Vitae (Arbre de vie), 248 x 151 cm, panneau de bois peint à la détrempe vers 1310-15 par Pacino di Bonaguida pour le couvent des Clarisses de Monticelli, Galleria dell ‘Accademia, Florence

Les quatre branches du bas décrivent l’origine et la vie du Sauveur, les quatre branches du milieu sa passion et les quatre branches du haut sa glorification.

La partie inférieure représente la Création, la Chute et la Rédemption

Au pied de la croix, à gauche, Moïse et François d’Assise, à droite, Claire d’Assise et Jean l’Evangéliste. Ils portent des phylactères avec des citations de la Genèse 2, 9, des Galates 6,14 et du Cantique des Cantiques 1, 12.

Les prophètes Daniel et Ezéchiel occupent le sommet de la croix, entourant un pélican, symbole eucharistique, car les bestiaires antiques rapportaient qu’il nourrissait ses petits de sa propre chair. Leurs phylactères portent une citation d’Ezéchiel 47,12.

La partie supérieure figure la Jérusalem céleste

La Jérusalem céleste occupe la 48e scène, tout en haut à droite, qui n’est pas représentée sous forme de médaillon mais remplit la cimaise du panneau.

Pacino di Bonaguida, Médaillon de la Nativité du panneau Lignum vitae de Monticelli, 1310-1315 (1er médaillon, en partant du centre, du registre inférieur, côté gauche)

Comme il (Jésus) avait été conçu sans part aucune accordée à la volupté, il fut mis au jour sans aucune trace de corruption. Bien que puissant et riche, il choisit, pour nous, de devenir petit et pauvre, de naître hors de sa maison, dans une étable, d’être enveloppé de pauvres langes, nourri de lait virginal et couché dans une crèche, entre un bœuf et un âne. Alors « se leva pour nous le jour de la rédemption nouvelle, de la réparation des anciens jours et de la félicité éternelle, alors dans le monde entier les cieux devinrent doux comme miel. « 
Chapitre I de l’Arbre de vie, Fruit I. Splendeur de l’origine 4/ Jésus né de Marie
de saint Bonaventure

Martine Petrini-Poli

Contenus associés
Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *