Structure du Livre I des Causes et des Remèdes d’Hildegarde de Bingen
Le Livre I des Causes et des Remèdes d’Hildegarde de Bingen porte sur la cosmologie. Hildegarde reprend d’abord le déroulement du récit de la Genèse, avec la création du monde et de l’homme, puis elle y ajoute la création des anges et la chute de Lucifer, pour tenter d’expliquer l’existence du mal. Elle insiste particulièrement sur les forces de la nature et sur les éléments dans leur relation à l’homme.
La création
Hildegarde de Bingen reprend les termes bibliques du 1er récit de la Genèse, 1-19 pour évoquer la création du monde et la matière : « Avant la création du monde, et sans avoir eu de commencement, Dieu a été et il est. Lumière et Splendeur il a été et il est ; et il est Vie. Au temps où Dieu a voulu faire le monde, il l’a fait de rien ; c’est en sa propre volonté qu’existait le matériau du monde. Car, dès que la volonté de Dieu se manifesta pour opérer cette opération, aussitôt, par cette seule volonté et de la manière que Dieu le voulut, le matériau du monde, sous la forme d’un globe obscur et informe, émana de lui. »
Cependant, Hildegarde ajoute, par un subtil jeu de mots, la création des anges ! Selon un usage qui remonte à l’antiquité, Hildegarde recourt à une étymologie implicite qui consiste à voir dans luminaria une conjonction de lumen et de aer. Cela lui permet d’établir une distinction entre lumen, la lumière d’ordre spirituel, c’est-à-dire les anges, et les luminaires d’ordre matériel, les astres qui éclairent le monde : « Et alors le Verbe du Père se fit entendre : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut, ainsi que les anges de lumière. Car, lorsqu’il a dit « Que la lumière soit ! », il s’agissait d’une lumière sans luminaire, et qui avait une forme : ce sont les anges. Mais, quand il a dit : « Qu’il y ait des luminaires! », il s ‘agissait de la lumière de l’ air, celle que nous voyons. »
La seconde variation par rapport au texte de la Genèse est la chute de Satan : « Et comme Lucifer, dans sa volonté dépravée, se dressait vers le néant, puisque ce qu’il voulait faire n’était que néant, il tomba dans le néant et ne put subsister, puisqu’en-dessous de lui il n’avait aucun fondement. En effet, dès qu’il s’étendit vers le néant, le commencement de son extension produisit le mal (…) C’est ainsi que le mal se sépara du bien et que le bien ne toucha plus le mal, et que le mal ne toucha plus le bien. »
Puis, Hildegarde reprend le récit de la Genèse avec la création de l’homme : « Et quand Dieu a fait la lumière, qui était volatile et qui pouvait voler partout, il avait en même temps l’intention de donner à une vie spirituelle, qui est souffle de vie, une masse corporelle, c’est-à-dire une forme tirée du limon de la terre (…) »
Les éléments et les vents
Hildegarde insiste particulièrement sur les forces de la nature avec les intempéries (tempête, tonnerre, éclair, grêle, neige et pluie), les quatre vents cardinaux et les vents collatéraux (d’orient, d’occident, austral) : « Quatre vents cardinaux occupent le firmament sous le soleil et au-dessus du soleil et enveloppent le monde entier, de la partie inférieure du firmament jusqu’à sa partie supérieure, comme avec un manteau. Le vent d’Orient rassemble l’air en lui et envoie une rosée très agréable sur tout ce qui est aride. Le vent d’Occident se mêle aux nuages qui s’écoulent pour retenir leurs eaux et les empêcher de s’échapper. Le vent Austral garde le feu sous sa domination et l’empêche d’embraser toutes choses. Quant au vent du Septentrion, il retient les ténèbres extérieures pour qu’elles ne sortent pas de leurs limites. Ces quatre vents sont les ailes de la puissance de Dieu. »
Les astres et leur influence sur l’homme
Hildegarde montre l’influence des astres sur l’homme, en reconnaissant toutefois que « les planètes n’apportent aucun signe par leur propre nature, mais par la volonté et le plan de Dieu ».
Sur le tympan de Gislebertus du grand portail de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, tous les mois sont représentés, accompagnés des douze signes du zodiaque. Ainsi, le fidèle pouvait voir, autour de la figure éternelle du Christ trônant au centre du tympan, une illustration des rythmes de l’année, au gré des occupations mensuelles du travail des paysans. Il comprenait que seul Dieu est le maître du temps et que sa destinée n’est donc pas déterminée par les astres.
L’homme et les quatre éléments
Quand Dieu créa le monde, il le forma à l’aide de quatre éléments, le feu, l’air, l’eau et la terre, et ceux-ci sont en l’homme, et l’homme en est constitué. Ces quatre éléments sont si bien mêlés et unis entre eux que nul d’entre eux ne peut être séparé des autres. Hildegarde évoque d’abord le feu, qui a cinq qualités, l’ardeur, le froid, l’humeur, l’air, le mouvement, de même que l’homme s’appuie sur cinq sens. Puis, elle énumère les qualités de l’air : L’air a quatre pouvoirs, produire la rosée, susciter toute viridité, produire un souffle par lequel il fait naître les fleurs, répandre la chaleur, par laquelle il fait mûrir toutes choses. Cependant le développement le plus long est réservé aux diverses espèces d’eaux (marais, puits, sources, eaux salées de la mer). Elle nous montre ensuite, comme dans la Bible, les vertus de la terre qui porte des arbres, du blé et du vin, et les bienfaits de la pluie qui vivifie les plantes. Les activités humaines sont ainsi régulées par la division du jour et de la nuit et par les saisons. Dans la Genèse 1, 14 Et Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel, pour séparer le jour de la nuit ; qu’ils servent de signes pour marquer les fêtes, les jours et les années ; 15 et qu’ils soient, au firmament du ciel, des luminaires pour éclairer la terre. »
On aperçoit de gauche à droite :
Février : Un paysan assis sur une chaise se chauffe au coin du feu.
Poisson : Deux poissons tête-bêche, capturés par une même ligne de pêche.
Mars : Un paysan taille la vigne.
Bélier : Un bélier passant contourné (de profil, en appui sur trois pattes).
Avril : Un paysan nourrit une chèvre et un mouton pour les mener aux champs.
Taureau : Un taureau passant contourné (de profil, en appui sur trois pattes).
Mai : Un chevalier banneret se prépare à l’exercice : il mène son cheval, derrière lui on voit son bouclier et sa bannière accrochée à une lance.
Gémeaux : Deux jeunes hommes nus tenant chacun une bannière.
Solstice d’été : Un personnage assis, représentant l’année, contemple le cycle annuel.
Cancer : Une écrevisse.
Martine Petrini-Poli