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L’homélie dans la primitive église : saint Jean-Chrysostome (349-407)

Dans ce cycle dédié à l'art de l'homélie de son blog Écrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous propose d'explorer l’histoire de la prédication chrétienne en tant qu’œuvre littéraire, héritière de la Bible, qui évolue au cours des siècles : des Pères de l’Église au Moyen Âge, du XVIIe siècle à nos jours. Cette quatrième publication est une étude de la prédication chrétienne dans l'Eglise des premiers temps, à travers les œuvres remarquables de saint Justin le Philosophe et du fameux saint Jean Chrysostome.
Publié le 01 septembre 2022
Écrit par Martine Petrini-Poli

Justin, philosophe et martyr du IIe siècle, montre dans sa 1ère Apologie, adressée à l’empereur Antonin le Pieux (133-161) le lien entre l’homélie et l’Eucharistie, dans la primitive église :

3 Le jour qu’on appelle le jour du soleil, tous, de la ville et de la campagne se rassemblent en un même lieu.

Ensuite on lit les mémoires des apôtres et les écrits des prophètes autant que le temps le permet. Quand le lecteur a fini, celui qui préside (ho proestôs) fait un discours pour exhorter à l’imitation de ces beaux enseignements.

Icône orthodoxe de saint Justin le Philosophe, fresque, c. 1545 and 1546, Monastère de Stavroniketa, Mont Athos, Grèce ©wikimedia commons

5 Ensuite nous nous levons tous et nous prions ensemble à haute voix. Puis, comme nous l’avons déjà dit, lorsque la prière est terminée, on apporte du pain avec du vin et de l’eau. Celui qui préside fait monter au ciel les prières et les eucharisties (actions de grâce) autant qu’il peut et tout le peuple répond par l’acclamation « Amen ». Puis a lieu la distribution et le partage des choses consacrées à chacun. Et l’on envoie leur part aux absents par le ministère des diacres.

6 Ceux qui sont dans l’abondance qui veulent donner, donnent librement, chacun ce qu’il veut. Et ce qui est recueilli est remis à celui qui préside. Et il assiste les orphelins, les veuves, les malades, les indigents, les prisonniers, les hôtes étrangers, en un mot il secourt tous ceux qui sont dans le besoin.

7 Nous nous assemblons tous le jour du soleil parce que c’est le premier jour où Dieu, tirant la matière des ténèbres, créa le monde et que ce même jour, Jésus-Christ, notre sauveur, ressuscita des morts.

… Cette nourriture, nous l’appelons eucharistie et personne ne peut y prendre part s’il ne croit à la vérité de ce qu’on enseigne chez nous, s’il n’a reçu le bain pour la rémission des péchés et la nouvelle naissance et s’il ne vit selon les préceptes du Christ. Car nous ne la prenons pas comme un pain et une boisson, ordinaires. De même que Jésus-Christ notre sauveur, s’étant incarné par la vertu de la parole de Dieu, eut chair et sang pour notre salut, de même la nourriture consacrée par la prière et la parole venant de lui, dont sont nourris par assimilation notre sang et notre chair, est chair et sang de Jésus incarné. Telle est notre doctrine.

Benoît XVI dans son audience générale du 19 septembre 2007 consacrée à Jean Chrysostome rappelle que « La prédication de Chrysostome se déroulait habituellement au cours de la liturgie, ‘lieu’ où la communauté se construit à travers la parole et l’Eucharistie. L’assemblée réunie là exprime l’unique Église (Homélie 8, 7 sur la Lettre aux Romains), la même parole est adressée en tout lieu à tous (Homélie 24, 2 sur la première Lettre aux Corinthiens), et la Communion Eucharistique devient le signe efficace de l’unité (Homélie 32, 7 sur l’Évangile de Matthieu). »

Saint Jean-Chrysostome (349-407), fresque de l’église Theotokos Peribleptos à Ohrid, Macedonia, 13e siècle ©WIKIMEDIA COMMONS

Saint Jean Chrysostome (345-407) excelle dans l’éloquence sacrée, évoquant l’Église qui vogue à travers la mer tumultueuse du siècle, soutenue par le Dieu tout-puissant qui l’a fondée ; poursuivant sa course malgré les tempêtes, assistée par l’Esprit Saint qui la dirige, jusqu’à ce que, parvenue enfin au terme de son pèlerinage, elle entre triomphante, heureuse, à jamais, au port du salut éternel.

Surnommé « Chrysostome », c’est-à-dire « bouche d’or », en raison de son talent oratoire, Jean est né à Antioche, dans l’actuelle Turquie, où il fut prêtre après une brève expérience monastique. L’évêque Flavien lui confie la charge de prédicateur. Sa prédication est imprégnée de méditations bibliques et Jean s’adresse au peuple par des exhortations pressantes à la vie chrétienne. Sa renommée est tellement grande qu’il est intronisé à Constantinople sur le siège épiscopal qui avait été celui de Grégoire de Nazianze. En conflit avec une partie du clergé et de la cour du fait de ses discours sans compromission, Jean doit affronter des crises violentes qui se terminent par son exil en Arménie. C’est là qu’il mourut des suites des très grandes épreuves qu’il avait connues, ainsi que des mauvais traitements subis. Selon la tradition, ses derniers mots furent : Gloire à Dieu en toutes choses. Ses reliques étaient vénérées sous l’autel d’une chapelle dans la basilique Saint-Pierre de Rome, au Vatican. Restituées en 2004 aux orthodoxes, elles sont vénérées à la cathédrale orthodoxe Saint-Georges du Phanar à Istanbul. Jean Chrysostome laisse une œuvre exceptionnelle avec notamment de très nombreuses homélies (sur la 1ère et la 2e lettre aux Corinthiens, les Actes des Apôtres, l’Evangile de Jean, l’Evangile de Matthieu…) qui constituent dix-huit volumes dans la Patrologie grecque, ainsi que des Catéchèses baptismales d’une très grande importance, et la Divine Liturgie, rituel couramment utilisé dans l’Église orthodoxe.

Saint Jean Chrysostome, mosaïque byzantine, IXe siècle, basilique Sainte-Sophie Istanbul ©WIKIMEDIA COMMONS

Homélie de Saint Jean Chrysostome, Homélie sur la Croix et le larron, 403-404

Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne (Luc 23, 42). Le larron n’a pas osé faire cette Prière avant d’avoir déposé par son aveu le fardeau de ses péchés. Tu vois, chrétien, quelle est la puissance de la Confession !
Il a avoué ses péchés et le Paradis s’est ouvert.
Il a avoué ses péchés et il a eu assez d’assurance pour demander le Royaume après ses brigandages.

Songes-tu à tous les bienfaits que la Croix nous procure ? Tu veux connaître le Royaume ? Dis-moi : Que vois-tu donc ici qui y ressemble ?
Tu as sous les yeux les clous et une croix, mais cette Croix même, disait Jésus, est bien le signe du Royaume.
Et moi, en le voyant sur la Croix, je le proclame Roi.
Ne revient-il pas à un roi de mourir pour ses sujets ? Lui-même l’a dit : Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jean 10, 11).
C’est également vrai pour un bon roi : lui aussi donne sa vie pour ses sujets. Je le proclamerai donc Roi à cause du don qu’il a fait de sa vie. Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume.

Comprends-tu maintenant comment la Croix est le signe du Royaume ? Si tu le veux, voici encore une autre preuve.
Le Christ n’a pas laissé sa Croix sur la Terre, mais il l’a soulevée et emportée avec lui dans le Ciel.

Nous le savons parce qu’il l’aura près de Lui quand il reviendra dans la Gloire. Tout cela pour t’apprendre combien est vénérable la Croix qu’il a appelée, sa Gloire.

Lorsque le Fils de l’homme viendra, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat (Mt 24, 29). Il régnera alors une clarté si vive que même les étoiles les plus brillantes seront éclipsées. Les étoiles tomberont du Ciel. Alors paraîtra dans le Ciel le signe du Fils de l’homme (Mt 24, 29-30).

Tu vois quelle est la puissance du signe de la Croix ! Quand un roi entre dans une ville, les soldats prennent les étendards, les hissent sur leurs épaules et marchent devant lui pour annoncer son arrivée.
C’est ainsi que des légions d’Anges et d’Archanges précéderont Le Christ, lorsqu’Il descendra du Ciel.

Ils porteront sur leurs épaules ce signe annonciateur de la venue de notre Roi.

Martine Petrini-Poli

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