Le chapitre 2 de l’Arbre de Vie, intitulé Mystère de la souffrance (III/IV), fait le récit de la Passion du Christ. Cette méditation porte quatre fruits (du 5e au 8e) :
Le cinquième fruit montre la confiance que le Christ avait dans l’épreuve de sa Passion.
Le sixième témoigne de la patience dont il fit preuve en supportant insultes et blessures.
Le septième révèle la constance qu’il entretenait dans la torture et la souffrance de sa croix.
Le huitième, la victoire qu’il remporta dans le conflit et le passage de la mort.
Fruit V. Confiance dans les périls
Jésus, vendu par trahison,
Jésus, prosterné dans la prière,
Jésus, entouré par la foule,
Jésus, chargé de liens :
Enfin qui pourrait, sans gémir, entendre
de quelle manière, en cette heure-là,
de farouches licteurs
abattirent leurs mains homicides sur le Roi de gloire,
serrèrent les mains innocentes du doux Jésus dans des liens,
et trainèrent honteusement au sacrifice, tel un voleur,
le très doux agneau lui-même, qui ne disait mot.
Quel trait de douleur pénétra l’âme des disciples
lorsqu’ils virent
leur Maître et Seigneur très cher,
livré par leur condisciple,
les mains liées derrière le dos,
être conduit à la mort comme un malfaiteur.
Alors que ce très impie Judas,
poussé par la pénitence,
fut ensuite,
à cause de cela,
rempli d’une si grande amertume
qu’il préféra mourir plutôt que vivre.
Malheur pourtant à cet homme,
qui ne revint pas à la fontaine de miséricorde par l’espoir du pardon,
mais désespéra, épouvanté par la démesure de son propre crime.
La représentation du Christ aux liens, aux outrages ou aux plaies sont autant d’images de dévotion destinées à la méditation des religieux et des fidèles sur le mystère de la Mort et de la Résurrection du Christ.
Fruit VI. Patience dans les injures
Jésus, méconnu par ses proches :
Après que le pasteur ait été saisi, les brebis furent dispersées,
car le Maître ayant été capturé, les disciples prirent la fuite.
Pierre comme quelqu’un de plus fidèle,
le suivit pourtant de loin,
jusque dans la cour du prince des prêtres,
où, à la voix de la servante,
il nia avec serment connaître le Christ,
le répéta par trois fois,
jusqu’à ce qu’au chant du coq,
le maître généreux regarde le disciple préféré
d’un regard de pitié et de grâce :
averti par cela, Pierre sortit dehors et pleura amèrement.
Qui que tu sois, toi qui,
à la voix d’une servante, c’est-à-dire ta chair,
qui se précipitait sur toi,
as nié effrontément,
par ton vouloir ou par ton agir,
le Christ qui a souffert pour toi ;
Rappelle-toi la passion du maître très aimé,
sors dehors avec Pierre,
pour pleurer très amèrement sur toi-même ;
si alors,
te regarde celui qui a regardé pleurer Pierre,
enivre-toi de l’absinthe d’une double amertume
savoir
de componction à ton égard
et de compassion pour le Christ,
de sorte,
qu’ayant été, avec Pierre,
absous de la faute de ton crime,
tu sois, avec Pierre,
rempli de l’esprit de sainteté.
Jésus, au visage voilé,
Jésus, livré à Pilate,
Jésus, condamné à mort.
Fruit VII. Constance dans les supplices
Jésus, méprisé de tous,
Jésus, cloué en croix :
Les opprobres du Roi très doux,
ayant déjà rassasié les impies,
notre Roi est à nouveau revêtu de ses vêtements,
dont il devra encore être dépouillé
et « portant lui-même sa croix,
il est conduit au lieu du calvaire » ;
Là totalement dépouillé,
n’ayant plus qu’un vil suaire autour des reins,
il est avec cruauté
projeté sur le bois de la croix,
étendu, allongé, étiré,
tendu de tous côtés à la manière d’une peau,
transpercé par les pointes des clous,
fixé à la croix par ses mains sacrées et ses pieds
et très durement déchiré.
Ses vêtements
sont donnés en butin,
divisés en parts,
et « la tunique sans couture d’un seul tissu »,
par tirage au sort, passe à un seul.
Ô mon âme,
vois maintenant comment
le « Dieu béni par-dessus tout »
est
des pieds jusqu’à la tête,
plongé tout entier dans les eaux de la Passion ;
pour t’extraire toute entière de ces souffrances,
« les eaux entrèrent jusqu’à son âme ».
En effet,
après avoir été couronné d’épines,
il reçoit l’ordre
de courber le dos sous le poids de la croix
et de porter sa propre ignominie.
Il est conduit au lieu du supplice,
dépouillé de son vêtement (…)
Jésus, enseveli :
(…) Après que le Seigneur eût été enseveli,
et que des soldats eussent été députés à la garde du sépulcre,
les pieuses et saintes femmes qui l’avaient suivi de son vivant
et qui voulaient avec un affectueux empressement,
accorder à celui qui était déjà mort, ce qui lui était dû,
achetèrent des aromates pour oindre le corps très saint de Jésus.
Parmi elles,
Marie Madeleine
était
portée par un cœur tellement embrasé,
gagnée par une affection si douce,
attirée par des liens de charité si forts,
qu’oubliant sa faiblesse de femme
elle ne fut détournée de visiter le sépulcre
ni par l’obscurité des ténèbres,
ni par la barbarie des persécuteurs ;
Au contraire,
elle se tenait debout dehors,
et de ses larmes baignait le sépulcre ;
alors que s’éloignaient les disciples,
elle, elle ne s’éloignait pas,
car enflammée par le feu de la divine dilection,
elle était
brulée par un désir qui devenait si fort,
blessée par un amour si impatient
que rien ne lui était savoureux
sinon pleurer, et pouvoir crier en toute vérité la prophétie :
« Mes larmes m’ont servi de pains le jour et la nuit,
Pendant qu’on me disait tous les jours : Où est ton Dieu ? »
Doux Jésus, mon Dieu,
bien que je ne le mérite pas et en sois tout à fait indigne,
accorde-moi, à moi
qui n’ai pas mérité d’être présent de corps à ces événements,
mais qui les médite d’une âme fidèle,
d’expérimenter envers toi, mon Dieu
qui est mort et a été crucifié pour moi,
cette affectueuse compassion
que ton innocente Mère et Madeleine la pénitente
ressentirent à l’heure même de ta passion.
Martine Petrini-Poli