Jean Climaque est un moine syrien qui vécut quarante ans au désert du mont Sinaï. Son surnom vient de son traité (du grec ancien : Κλίμαξ, klimax, « échelle, degré »), qu’il composa, vers 640, pour la formation des moines : il y décrit l’itinéraire spirituel d’une ascension vers Dieu à travers trente degrés, correspondant aux trente années de la vie terrestre du Christ. C’est un important traité d’ascétisme monastique des Églises d’Orient (orthodoxes et catholiques de rite byzantin).
Il s’agit d’une commande adressée à Jean, alors higoumène (abbé) du monastère Sainte-Catherine du Sinaï, par son confrère de Raïthou, au bord de la Mer Rouge, qui le charge d’exposer méthodiquement ce qui est nécessaire à la condition monastique sous la forme d’une échelle dressée jusqu’aux portes du ciel qui permettra une ascension sans péril à ceux qui l’auront choisie. La métaphore de l’échelle est inspirée du songe de Jacob (Genèse 28, 11-19).
La Scala paradisi présente des modèles de toutes les vertus et contient des paraboles, des récits historiques, des sentences et des aphorismes, tirés de la vie monastique illustrant l’application pratique des préceptes. On trouve quatre étapes majeures dans l’ouvrage, selon Jean-Claude Larchet :
La rupture avec le monde (degrés I à III) ;
Le renoncement à soi et la purification des péchés (degrés IV à VII) ;
La lutte contre les passions (colère, avarice, tristesse, gourmandise, orgueil, luxure) et l’acquisition des vertus (degrés VIII à XXV) ;
Le sommet de la vie ascétique (XXVI à XXX).
Rupture avec le monde (degrés I à III)
1. Du renoncement
Ceux qui entreprennent ce combat doivent renoncer à tout (…), afin de poser un fondement solide. Ce bon fondement est formé d’une triple assise : l’innocence, le jeûne et la tempérance (§23).
Un athlète qui, sans force et sans courage, entre dans l’arène, s’attire le mépris et l’aversion des spectateurs, et s’expose à une défaite éminente ; aussi tout le monde juge que sa perte est certaine. Il nous est donc très important et très nécessaire de commencer notre carrière religieuse avec courage, zèle et ferveur, quand même il devrait nous arriver dans la suite de nous relâcher un peu. En effet une âme qui s’est vue dans un temps, remplie de courage et d’ardeur, et qui se voit, après, tiède et languissante, trouve dans cette comparaison un véritable aiguillon qui l’excite. C’est ainsi que plusieurs se sont animés et réchauffés dans la piété (§24).
Ceux qui, par affection et par amour pour Dieu, abandonnent le monde pour embrasser les voies étroites d’une vie religieuse, se trouvent tout-à-coup embrasés du feu sacré de la charité ; et comme la fureur et l’activité du feu naturel augmentent à mesure qu’il s’étend dans une forêt où il a pris ; de même, à mesure que la flamme du divin amour s’étend dans leurs cœurs, elle y produit un heureux incendie (§26).
Mais faites attention que trois sortes d’ouvriers travaillent à élever l’édifice spirituel de leur salut : les uns y travaillent en employant des briques, après avoir employé des pierres pour jeter les fondements ; les autres bâtissent sur des colonnes qu’ils ont dressées sur la terre ; d’autres enfin étant entrés dans le lieu où ils doivent travailler, se mettent à courir avec une étonnante impétuosité, et, une fois échauffés, ils ne se sentent et ne se possèdent plus. Que celui, qui aura de l’intelligence, comprenne le sens de ce discours allégorique (§27).
Lorsqu’un grand roi, voulant entreprendre une expédition importante, nous fait appeler auprès de sa personne, et nous déclare qu’il veut se servir de nous, ah ! nous obéissons avec empressement, nous n’usons d’aucun délai, nous n’alléguons aucun prétexte ; mais, abandonnant tout, nous nous hâtons de nous présenter devant lui pour recevoir et exécuter ses ordres. Or est-ce avec le même zèle et la même diligence que nous répondons à la voix du Roi des rois, du Seigneur des seigneurs et du Dieu des dieux, qui nous appelle et veut nous enrôler sous les étendards de sa milice céleste, en nous faisant entrer dans les voies de la vie religieuse ? N’est-il pas à craindre que notre paresse et notre négligence à répondre à son appel ne nous mettent sans excuse et sans défense, lorsqu’il nous citera à comparaître devant son redoutable tribunal ? (§35).
Dans ce premier degré de l’Echelle du paradis, quatre métaphores filées se déploient : celles de l’athlète et du militaire qui s’épanouissent dans l’image du feu et de la construction spirituelle. Renoncer à tout comme un sportif ou un soldat provoque une ardeur débordante et trouve sens dans l’édifice spirituel qu’ils bâtissent.
2. Du détachement
Si quelqu’un croit n’avoir pas d’attache pour quelque objet et s’attriste en son cœur s’il en est privé, il est dans l’illusion.
3. De l’exil volontaire
Fuis comme la peste les lieux qui te sont occasion de péché. En effet, quand le fruit est absent, nous le désirons avec moins d’ardeur. Il est encore d’un grand intérêt de cacher la splendeur de votre naissance et l’éclat de votre nom, afin que votre vie et vos actions n’annoncent autre chose que l’amour de Dieu et de votre salut (§27).
Les degrés IV à XXX seront commentés dans les prochains articles.
Martine Petrini-Poli