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Itinéraire de l’esprit jusqu’en Dieu de saint Bonaventure : une approche du mystère de la Trinité

Avec ce nouveau cycle du blog Ecrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous invite à l'étude de la vie et de l'oeuvre de saint Bonaventure (1217 ou 1221 - 1274). Théologien et philosophe majeur du XIIIe siècle, contemporain de Thomas d’Aquin, il est devenu supérieur de l’ordre des Frères Mineurs (franciscains) et créé cardinal-évêque d’Albano à la fin de sa vie. Sa réflexion philosophique s'inscrit dans le courant de l'augustinisme. Nous achevons ici la lecture de l'Itinéraire de l'esprit jusqu’en Dieu, écrit en 1259 par saint Bonaventure, avec les chapitres 5, 6 et 7 qui développent l'approche du mystère de la Trinité.
Publié le 18 mars 2021
Écrit par Martine Petrini-Poli

Nous abordons la dernière partie de l’Itinéraire de l’esprit jusqu’en Dieu, qui est composée de trois chapitres et porte le titre Contemplation de Dieu au-dessus de nous (théologie mystique) :

Chapitre V : Contemplation de l’unité divine par son premier nom : l’Être

Chapitre VI : Contemplation de la bienheureuse Trinité dans son nom : le Bien

Chapitre VII : De l’extase mystique où notre intelligence se tient en repos, tandis que notre ferveur passe tout entière en Dieu

L’esprit a parcouru les trois étapes depuis la théologie symbolique qui part du sensible, pour s’élever à la théologie spéculative qui est la science théologique, et aboutir, de degré en degré, à la théologie mystique d’union à Dieu. La 1ère étape est purificatrice, la 2e spéculative, la 3e contemplative.

Les chapitres V et VI parlent de Dieu au-dessus de nous par et dans son double nom : Il est à la fois l’UN par son 1er nom, l’Être, et TRINE dans son nom, le Bien. Le chapitre VII est le terme de l’ascension mystique, il exprime la ferveur de l’extase. Nous pouvons par nos facultés humaines nommer Dieu, l’Être, mais c’est Dieu qui se révèle à l’homme dans sa Trinité bienheureuse.

On a d’abord éprouvé une certaine réticence à l’idée-même d’une figuration de la Trinité. Grégoire de Nazianze écrit dans son traité Sur le baptême (XI, 41) : « Je n’ai pas commencé à penser à l’Unité que la Trinité me baigne de sa splendeur. Je n’ai pas commencé à penser à la Trinité que l’Unité me ressaisit. Lorsqu’Un des Trois se présente à moi, je pense que c’est le Tout, tant mon œil est rempli, tant le surplus m’échappe… » Les représentations iconographiques médiévales du Mystère de la Sainte Trinité nous révèlent les difficultés rencontrées par les théologiens et les artistes à figurer la Trinité : Trinité triandrique (sous la forme de trois hommes du même âge), Triface (Trinité figurée par un corps doté de trois têtes ou d’une tête à trois visages), Trône de Grâce (Père tenant le Christ en croix, reliés par la colombe), Compassion du Père, Couronnement de la Vierge

De g. à dr. : Trinité aux 3 visages,  Eglise Notre-Dame, Cluny ; Robert Campin, Compassion du Père, XVe siècle

(…) Ces trois personnes étant un en substance, il s’ensuit encore nécessairement qu’il y a en elles unité d’essence, de beauté, d’excellence, d’éternité, d’existence et d’immensité.
Lorsque vous considérez ces merveilles séparément et en elles-mêmes, c’est la vérité seulement qui s’offre à vos regards ; mais si vous les contemplez dans leur rapport mutuel, c’est alors que votre admiration peut se répandre en transports. Si donc vous voulez vous élever par cette admiration à la contemplation la plus sublime, ayez soin d’embrasser en vos méditations toutes ces choses réunies. C’est ce que nous enseignent les Chérubins qui se regardaient l’un l’autre le visage tourné vers le propitiatoire. Et cela n’a pas lieu sans mystère : c’est l’accomplissement de cette parole du Seigneur dans saint Jean : « La vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé (Jean, 17). » Car nous ne devons pas admirer seulement en elles-mêmes les qualités de l’essence de Dieu et les personnes divines, mais les considérer encore dans leur rapport ineffable avec l’union de Dieu et de l’homme dans l’unité de personne en Jésus-Christ
(…)

Chapitre VII

Prière mystique dans le Saint-Esprit, fin du chapitre VII de l’Itinéraire de l’esprit jusqu’en Dieu de Saint Bonaventure : « Le Christ est à la fois le chemin et la porte. Le Christ est l’escalier et le véhicule, comme le trône de la miséricorde sur l’Arche de l’Alliance, et le mystère caché des âges. Un homme doit porter toute son attention sur ce trône de miséricorde et le regarder, accroché à la croix, plein de foi, d’espérance et de charité, dévoué, plein d’émerveillement et de joie, marqué par la gratitude, et ouvert à la louange et à la jubilation. Alors un tel homme fera avec le Christ une Pâque, c’est-à-dire un passage. À travers les branches de la croix, il passera au-dessus de la mer Rouge, quittant l’Égypte et entrant dans le désert. Là, il goûtera la manne cachée et se reposera avec Christ dans le sépulcre, comme s’il était mort aux choses du dehors. Il fera l’expérience, autant que possible pour celui qui est encore vivant, de ce qui a été promis au voleur qui était suspendu à côté du Christ : Aujourd’hui, vous serez avec moi au paradis (…)

Pour que cette Pâque soit parfaite, nous devons suspendre toutes les opérations de l’esprit et nous devons transformer le sommet de nos affections, en les dirigeant vers Dieu seul. C’est une expérience mystique sacrée. Personne ne peut le comprendre à moins qu’il ne s’y abandonne ; il ne peut pas non plus s’y abandonner à moins qu’il ne le désire ; il ne peut pas non plus le désirer à moins que le Saint-Esprit, que Christ a envoyé dans le monde, ne vienne enflammer son âme la plus intime. C’est pourquoi l’apôtre dit que cette sagesse mystique est révélée par le Saint-Esprit.

Si vous demandez comment de telles choses peuvent se produire, cherchez la réponse dans la grâce de Dieu, pas dans la doctrine ; dans le désir de la volonté, non dans la compréhension ; dans les soupirs de la prière, non dans la recherche ; cherchez l’époux, pas l’instituteur ; Dieu et non l’homme ; l’obscurité pas la lumière du jour ; et ne regardez pas la lumière mais plutôt le feu qui fait rage qui porte l’âme à Dieu avec une ferveur intense et un amour éclatant. Le sapin est Dieu et la fournaise est à Jérusalem, allumée par le Christ dans l’ardeur de sa passion aimante. Seulement il a compris cela qui a dit : Mon âme a choisi la pendaison et la mort de mes os (Job, 7). Quiconque chérit ce genre de mort peut voir Dieu, car il est certainement vrai que : Aucun homme ne peut me regarder et vivre (Exode 5).

Mourons donc et entrons dans les ténèbres, faisant taire nos angoisses, nos passions et tous les fantasmes de notre imagination. Passons avec le Christ crucifié de ce monde au Père, pour que, lorsque le Père se soit montré à nous, nous puissions dire avec Philippe : Cela suffit (Jean 14). Nous pouvons entendre avec Paul : Ma grâce te suffit (II Corinthiens, 12) ; et nous pouvons nous réjouir avec David, en disant : Ma chair et mon cœur me manquent, mais Dieu est la force de mon cœur et de mon héritage pour toujours. Béni soit le Seigneur pour toujours, et que tout le peuple dise : Amen. Amen ! (Psaume 88)

Martine Petrini-Poli

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