Comment se reconnaître dans ce foisonnement baroque de couleurs, cette surcharge décorative, cette profusion de personnages, où le regard ne sait où se poser ?
Il faut se placer, dans la nef de l’église, à un endroit précis, qui permet de saisir la composition de cette fresque en trompe-l’œil. Au centre, le Christ Ressuscité qui porte sa croix est le point de fuite vers lequel tout converge. Les traits de lumière, issus du Christ, rejaillissent à leur tour du cœur de Saint Ignace vers les quatre parties du monde, figurant l’universalité du Salut.
En effet, sur la voûte de la nef de l’église Sant’Ignazio, à Rome, Andrea Pozzo adopte la technique de représentation du trompe-l’œil, qui agrandit l’espace à l’infini. De fausses colonnes prolongent les éléments architecturaux de l’église et s’ouvrent sur le ciel. La fresque illustre la Gloire de Saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus (l’ordre des Jésuites) ; il est emporté au ciel sur une nuée soutenue par des anges. Un miroir ardent reflète les rayons émanant du saint en Gloire et les réfléchit aux quatre coins du monde, avec l’emblème de la Compagnie de Jésus.
Placés aux quatre coins de la voûte, les quatre continents témoignent du rôle primordial joué par Ignace de Loyola dans la diffusion de la foi catholique dans le monde.
Allégorie de l’Europe, représentée par une reine couronnée. Assise en amazone sur un cheval, elle brandit un sceptre et pose la main sur le globe terrestre ; elle a soumis les deux géants de l’hérésie.
Allégorie de l’Asie, figurée par une femme enturbannée assise sur un dromadaire, qui implore le Ciel ; elle a emprisonné les deux géants de l’idolâtrie. Les angelots, à sa gauche, portent un brasier, symbole de la foi chrétienne.
Allégorie de l’Afrique, représentée par une femme noire, portant un diadème ; elle chevauche un crocodile et tient à la main une défense d’éléphant. Les deux géants idolâtres, à ses pieds, ont été vaincus par le flambeau d’un ange et par la morsure du crocodile.
Allégorie de l’Amérique, symbolisée par une Amérindienne à la coiffe de plumes colorées, assise sur un jaguar. Armée d’une lance, elle précipite dans le vide les géants idolâtres.
Entre ces allégories, on aperçoit des balcons peuplés de personnages. Tout est en mouvement, en équilibre instable. La voûte de la nef, emblématique de la Contre Réforme et du baroque italien, a été peinte par Andrea Pozzo, peintre italien et frère jésuite. Né à Trente en 1642, il meurt à Vienne en 1709. Il écrit, en 1693, un traité qui témoigne de sa parfaite maîtrise de la perspective « De perspectiva Pictorum et Architectorum » (De la Perspective des Peintres et des Architectes).
L’église Saint Ignace de Loyola, décorée de la fresque, de la Gloire d’Ignace de Loyola, se trouve sur la piazza Sant’Ignazio, à Rome. Elle a été construite entre 1626 et 1650, sur les plans du jésuite Orazio Grassi, en hommage à Saint Ignace, canonisé en 1622. L’église est d’abord destinée aux étudiants du Collège jésuite.
A partir de la date de canonisation d’Ignace de Loyola (1622), de nombreuses œuvres d’art baroques sont créées illustrant la vie du saint, comme celles du Dominiquin, La vision de Saint Ignace de Loyola, vers 1622, qui se trouve à Los Angeles, au Country Museum of Art, ou celle de Pierre-Paul Rubens, Miracles de Saint Ignace (1622), à Gênes, dans l’église del Jesu.
Martine Petrini-Poli