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Saint Augustin, commentateur passionné des Psaumes

Notre blog Ecrits mystiques poursuit son cycle de patristique dédié aux pères du désert, aux pères cappadociens, aux pères de l’Eglise latine. Après avoir découvert la vie et l'œuvre de Saint Augustin, figure majeure de l’Eglise antique, nous abordons un de ses domaines de prédilection : l'univers des Psaumes qu'il a commenté avec sensibilité et passion.
Publié le 03 mars 2022
Écrit par Martine Petrini-Poli

Dans son origine grecque, le terme psalmos évoque l’action de faire vibrer, de toucher un instrument à cordes. La racine verbale de psalmos est psallein qui veut dire pincer, tirer une corde d’arc ou d’instrument musical. Un psaume est un chant, un cri de l’âme en quête de son Dieu :

Des hauteurs il tend la main pour me saisir,
         Il me retire du gouffre des eaux.
Psaume 17,17.

Saint Augustin raconte dans ses Confessions (IX, 4,8) sa découverte passionnée des Psaumes, jeune catéchumène : Quels cris je poussais vers toi dans ces psaumes, et comme je prenais feu pour toi à leur contact ! Et je brûlais de les déclamer, si j’avais pu, à toute la terre, face aux bouffées d’orgueil du genre humain.

Miniature du roi David ©The British Library Board

Il est le seul parmi les Pères de l’Eglise à avoir fait le commentaire des 150 psaumes de la Bible, dans les Enarationes in Psalmos (Commentaires sur les Psaumes), s’arrêtant parfois très longuement sur certains. La plupart de ces psaumes ont illustré ses homélies de liturgie eucharistique à Carthage et lui ont permis d’élaborer une pensée ontologique, christologique, ecclésiologique et eschatologique.

Augustin souligne, comme le fera Pascal dans les Pensées, la misère de l’homme sans Dieu et la grandeur de l’homme avec Dieu : C’est la voix de l’Esprit de Dieu, puisque ces paroles-là, si lui ne nous les inspirait pas, nous ne les dirions pas… En fin de compte elles sont nôtres, parce qu’elles expriment notre misère, et en même temps, elles ne le sont pas, puisqu’elles sont un don de l’Esprit Saint. (En. In Ps, 26, 1).

Augustin discerne dans les Psaumes une christologie ; prophétiques, ils annoncent le Christ : Tout notre but maintenant, quand nous lisons les Psaumes, les prophètes, la loi, livres tous écrits avant la naissance de Jésus-Christ Notre-Seigneur, est donc d’y retrouver le Christ, d’y comprendre le Christ. Que votre charité donc examine ce Psaume, afin d’y chercher le Christ : assurément il apparaîtra à ceux qui le cherchent, lui qui s’est montré à ceux qui ne le cherchaient point […]. (En. In PS, 98, 1).

Augustin annonce un Messie qui a souffert, qui est mort et ressuscité et qui a été glorifié : Et cependant, le Seigneur a bu au torrent de ce siècle. En effet, il a souffert ici-bas, il a bu au torrent même. Mais c’est en chemin, mais c’est en passant qu’il a bu, parce qu’il ne s’est pas arrêté dans le chemin des pécheurs (Ps 1,1b). Mais que dit de lui l’Écriture ? Au torrent il boira en chemin, c’est pourquoi il relèvera la tête (Ps 109,7), c’est-à-dire : il a été glorifié, parce qu’il est mort ; il est ressuscité, parce qu’il a souffert. S’il n’avait pas voulu boire au torrent en chemin, il ne serait pas mort ; s’il n’était pas mort, il ne serait pas ressuscité ; et s’il n’était pas ressuscité, il n’aurait pas été glorifié. Donc, du torrent il boira en chemin, c’est pourquoi il relèvera la tête. (En. Ps. 57,16)

Augustin recourt à la doctrine paulinienne du corps du Christ, dont Il est la tête, et dont les chrétiens sont les membres, afin de construire l’Eglise jusqu’à la fin des temps : Heureux celui que tu as choisi et assumé (…). Le Christ a assumé un seul, parce qu’il a assumé l’unité. Il n’a pas assumé les schismes, il n’a pas assumé les hérésies ; celles-ci font de soi une multitude, non un qui puisse être assumé. Au contraire ceux qui demeurent dans la construction du Christ, et qui sont ses membres, ne font en quelque sorte qu’un seul homme, à propos duquel l’apôtre dit : Jusqu’à ce que nous parvenions tous à la connaissance du Fils de Dieu, à l’homme parfait, à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ (Ep 4,13). C’est pourquoi un seul homme est assumé, dont le Christ est la tête, parce que le Christ est la tête de l’homme (1 Co 11,3). Celui-ci est cet homme heureux qui n’est pas allé au conseil des impies (Ps 1,1), et auquel s’appliquent les autres paroles dites ici ; celui-ci est celui qui est assumé. Il n’est pas en-dehors de nous : nous sommes en ses membres mêmes, nous sommes régis sous une seule tête, nous vivons tous d’un seul esprit, nous désirons tous une seule patrie. (En. Ps. 64, 5-7)

Cet homme gémit et crie vers Dieu, et chacun de nous pour sa part crie dans le corps de cet homme. Durant tout le jour le corps n’a cessé de crier, un membre remplaçant l’autre, quand il se taisait. Il y a donc un homme unique qui dure jusqu’à la fin des temps, et ce sont toujours ses membres qui crient. (En. In Ps 85, 5).

Madeline Diener (1930-2000), La Jérusalem céleste, baptistère de l’Abbaye Saint-Maurice (sous la règle de saint-Augustin), Suisse © madeline-diener-art-sacre.net

Les martyrs et les saints ont une place privilégiée dans cette construction de l’Église et composent la Cité de Dieu, la Jérusalem céleste : Ses fondements sont sur les montagnes saintes ; le Seigneur chérit les portes de Sion (Ps 86,1-2). « Vous êtes les concitoyens des saints, vous faites partie de la maison de Dieu. Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même » (Ep 2, 19-20). « Le Christ, pierre angulaire, et les montagnes, c’est-à-dire les apôtres et les grands prophètes qui portent tout l’ensemble de la cité, forment une sorte d’édifice vivant. Cet édifice vivant a une voix qui retentit maintenant dans vos cœurs. C’est Dieu, ouvrier habile, qui se sert de mon langage afin de vous presser de prendre place dans cette construction : comme autant de pierres taillées aux quatre côtés égaux. Remarquez la forme d’une pierre parfaitement carrée : elle est comme l’image du chrétien. Le chrétien, quelque tentation qu’il éprouve, ne tombe pas ; il peut être poussé violemment, retourné en quelque sorte, il ne tombe pas. Car, de quelque côté que vous retourniez une pierre carrée, elle reste toujours debout. Soyez donc semblables à des pierres carrées, et préparés à tous les chocs ; et, quelque soit la force qui vous poussera, qu’elle ne puisse pas vous faire perdre l’équilibre. Vous vous élèverez pour prendre place dans cet édifice par une vie chrétienne sincère, par la foi, par l’espérance et par la charité. » (En. In Ps 86).

Martine Petrini-Poli

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