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Chapitre 5 de l’Horloge de Sagesse du dominicain Henri Suso

Dans le Prologue à l’Horloge de la Sagesse, la finalité de cet ouvrage est indiquée : « La divine Sagesse, soucieuse du salut de tous, désirant toujours délivrer ses élus de maux, entend principalement dans le présent ouvrage, non pas informer ceux qui ignorent, mais rallumer les éteints, enflammer les froids, émouvoir les tièdes, provoquer les indifférents à la dévotion et exciter à la vigilance des vertus ceux qui dorment du sommeil de la négligence (…) ».
Publié le 29 novembre 2018
Écrit par Martine Petrini-Poli

Le chapitre 5 de l’Horloge de Sagesse d’Henri Suso, dans son titre, précise cette intention rédemptrice : Plainte sur la ferveur de la dévotion éteinte de nos jours en diverses personnes des deux sexes, que le Christ, par sa Passion, rappelle au vrai amour. Nous verrons deux miniatures qui illustrent ce chapitre 5 ; elles sont intitulées La Sagesse en pèlerin et La Ville en ruines. Elles sont décrites par le Disciple, Henri Suso, qui demande à la Sagesse de lui en fournir le sens allégorique :

« Un jour le disciple de la Sagesse, l’âme en deuil, repassait en esprit l’état déjà périlleux de ce monde et méditait à quel point, de nos jours, l’amour divin avait défailli (…). Sa vision lui montrait un pèlerin pauvre et exilé, debout en plein air, un bâton à la main, plein de misère et de pauvreté. Près de lui paraissait comme les ruines d’une antique cité dont les murs et les édifices, autrefois superbes, avaient été munis de tours et de fossés, de portes et de serrures (…). »

L’Orloge de sapience par Henri Suso, imprimé en 1493 – Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, VELINS-360
Le Disciple allongé et pensif, voit un pèlerin pauvre, qui se présente à lui comme le Christ. 

La Sagesse : Chose étonnante et très digne de compassion, le pèlerin de la cité détruite, c’est moi, jadis son prince illustre et son époux glorieux. Cette cité que tu vois en ruines, c’est la mère, la vie religieuse chrétienne, jadis fervente et dévote, où, depuis le commencement de l’Eglise naissante, tant de fidèles, unanimes et en paix, s’adonnant surtout à la dévotion, ont mené une vie sainte, agréable à dieu, pleine de religion. Méprisant tout au monde, ils brûlaient du seul amour du Créateur (…). Ces hommes qui venaient de monastères, solitudes et ordres religieux divers étaient gens de vertu (…). Mais ô douleur voici qu’une grande ruine commençait à menacer la cité en question. Certains membres et chefs se comportent avec négligence, toute la structure de l’édifice spirituel a été ébranlée (…). Combien de temps penses-tu que cet édifice spirituel puisse tenir, une fois ôtée la pierre angulaire et renversée la colonne qui soutient toute la construction spirituelle, c’est-à-dire une fois rejetée la prompte et humble obéissance, si chacun fait ce qui lui plaît ou lui agrée (…). »

S’ouvre alors une méditation, inspirée des pères de l’Eglise et de saint Paul. Elle porte sur les trois vœux monastiques d’obéissance, de pauvreté et de chasteté qui se termine par un hymne à la charité, « ciment de toute construction spirituelle ». Or « tous, en effet, cherchent leur propre bien et non celui des autres » Ph. 2,4 « La dépréciation qui fait mal a maintenant plus de place que la dilection sincère. » Puis le dialogue reprend entre le Disciple et la Sagesse.

Page du manuscrit L’ORLOGE DE SAPIENCE PAR HENRI SUSO, IMPRIMÉ EN 1493 – BNF, DÉPARTEMENT RÉSERVE DES LIVRES RARES, VELINS-360

Certes la Cité Sainte a généré apôtres, martyrs, saints et saintes de Dieu, comme on le voit à gauche de la miniature, mais la Ville n’est plus que ruines dans lesquelles le pauvre pèlerin essaie de pénétrer. Il ne rencontre que changeurs et trafiquants. A droite, les vertus sont chassées de la ville par les vices, vieilles femmes aux allures de sorcières. La miniature est une allégorie du combat spirituel des Vices et des Vertus. « Cependant Dieu n’abandonne jamais ceux qui espèrent en lui. »

Suso, qui a souffert des critiques de certains de ses frères, comprend que l’abbé d’un monastère doit posséder des qualités de discernement. Celui-ci ne prêtera pas l’oreille aux médisances de certains qui ont voix au chapitre et qui dénoncent à leur supérieur la paille dans l’œil de leur frère sans voir la poutre qui est dans la leur.

Le chapitre 5 se termine par une prière du Disciple : « Je te prie humblement, ô Père de miséricorde et Dieu de toute consolation (2 Co1,3) d’avoir pitié de ton peuple et de ton héritage et de donner, en nos jours, la paix des cœurs et la tranquillité des temps ; je te prie d’avoir pitié, pour ton nom béni, de ceux qui haïssent la paix (Ps 120 (119), 7). Infuse en eux, je t’en supplie, un bon esprit (…) afin que nous te servions tous unanimement au sein de l’Eglise, et puissions parvenir à la Cité glorieuse de la patrie céleste. »

Martine Petrini-Poli

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