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1ère partie du Petit Livre de la Sagesse de Henri Suso (chapitres 11 à 20)

Le Petit Livre de la Sagesse éternelle est une méditation sur la Passion du Christ prenant la forme d’un dialogue entre la Sagesse éternelle et son Disciple, écrit par le dominicain Henri Suso.
Publié le 06 septembre 2018
Écrit par Martine Petrini-Poli

Hélène Mugot, Mur de larmes et de sang, 2013, Musée du Hiéron, Paray-le-Monial. Les larmes de cristal, et le sang en verre rouge, se déploient en un triptyque monumental de 550 gouttes, sur 4 mètres 20 de hauteur et 6 mètres 50 de largeur.

Nous avons vu que le Livre de la Sagesse éternelle est structuré en trois parties d’inégale longueur. La première partie, la plus importante, comprend vingt Chapitres, dont chacun est un enseignement de la Sagesse auprès du Serviteur. Après avoir jeté un oeil aux chapitres 1 à 10, les dix derniers, les chapitres 11 à 20, vont occuper notre étude. C’est une longue méditation sur la Passion du Christ, voie d’accès à la contemplation de la Divinité incréée du Christ : « C’est pourquoi si tu veux me contempler dans ma Divinité incréée, apprends d’abord à me connaître et à m’aimer en mon humanité souffrante : elle est le chemin le plus court pour accéder à la béatitude éternelle. » (I, § 23, p. 52).

La Sagesse révèle au Serviteur ce qu’est l’Enfer et suscite un grand repentir dans l’âme du Serviteur (Chapitre 11).

Puis, elle lui montre le Ciel et sa joie : « Ici est donc ta patrie. Ici le parfait repos et la joie du cœur. Ici la louange qui jamais ne s’arrête. » (Chapitre 12).

La Sagesse poursuit en enseignant au Serviteur la valeur infinie de la souffrance : « châtiment d’amour, correction paternelle réservée aux élus » (Chapitre 13).

La Sagesse et le Serviteur font tour à tour l’éloge de la méditation de la Passion, source de tout bien (Chapitre 14).

La Sagesse reprend le récit de sa Passion et apprend au Serviteur à la reproduire dans sa vie (Chapitre 15) : « La liberté de ton cœur est un vêtement magnifique qui voile ma nudité. » ; « Ma mort ignominieuse, prends-la dans ton cœur, prends-la dans ta prière, prends-la avec tout ce que tu feras. C’est ainsi que tu imiteras ma Mère très pure et mon disciple bien-aimé, dans leurs souffrances et dans leur fidélité. »

L’âme du Serviteur se tourne alors vers la Reine du Ciel : « Ô tendre Mère, ô douce Reine de la miséricorde infinie, qu’il est sublime ce nom ! Ô Reine, objet de l’élection divine, tu es aussi la porte qui ouvre sur la grâce, la porte jamais close de la miséricorde. Le ciel et la terre passeront avant que tu laisses repartir sans l’avoir secouru le cœur sincère qui vient à toi pour implorer ton secours. C’est pourquoi, dès mon éveil, ma première pensée est pour toi, et pour toi encore la dernière avant que je ne m’endorme. » (Chapitre 16).

Le Serviteur demande à la Vierge de lui décrire ses souffrances au pied de la Croix et Notre Dame lui répond (Chapitre 17).

Le Serviteur interroge alors la Sagesse sur ses souffrances intérieures au cours de la Passion ; le Serviteur apprend qu’il doit souffrir lui aussi, sans chercher de consolation auprès des créatures : « Tu dois garder ma Croix constamment sous tes yeux, cette Croix où je fus privé de toute consolation ; tu dois pleurer sur ma douloureuse Passion ; tu dois lui ouvrir ton cœur et y conformer toutes tes souffrances. Si tu souffres, si je te laisse sans consolation, dans l’aridité spirituelle, dans une complète amertume, ainsi que me laissa mon Père du Ciel, tu ne rechercheras aucune consolation venue d’ailleurs. Si tu cries, crie vers ton Père, crie-lui la détresse, mais que ce soit dans l’oubli de toi-même et l’abandon à sa volonté. Plus grande sera la souffrance infligée à ton corps, plus grand sera ton délaissement intérieur, plus tu me ressembleras et plus le Père se complaira en toi. Ce sont les âmes les plus ferventes qui sont ainsi mises à l’épreuve. » (Chapitre 18).

Puis le Serviteur interroge Notre-Dame sur ses souffrances pendant la descente de Croix (Chapitre 19).

Il en éprouve une grande compassion ; il veut alors avec joie garder sans cesse la Passion au fond de son cœur : « Ô Mère de pureté, maintenant je me tiens près de toi ; ma méditation t’accompagne du tombeau à ta maison, en passant sous la porte de Jérusalem. Mon cœur, rempli de compassion, de pitié, de ferveur, de pitié, de ferveur, te reçoit de toute la force de ses désirs. Il te remercie. » (Chapitre 20).

Maître des demi-figures féminines, Vierge des sept douleurs, fin du XVIe siècle – Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelona

Le martyrologe romain fait mémoire de Notre-Dame des Douleurs, la Vierge Marie, qui, debout au pied de la Croix de Jésus, a été associée très intimement et dans la foi à la passion salutaire de son fils : « Oui, un cœur bien disposé, qui me verra à bout de force, subissant par amour les souffrances qui me conduisirent à la mort, celui-là ne m’en aimera que davantage. Si le soleil se révèle par son éclat… mon amour insondable, lui, se révèle par l’extrême cruauté de ma Passion. » (I, § 25, p. 53). Cet embrassement de la croix a inspiré ce poème attribué à Jacopone de Todi, auteur du « Stabat Mater » : On a tué le fils et la mère, les transperçant de dure mort. On trouvera la mère et le fils, embrassés sur une même croix.

On trouve les premières traces de la dévotion aux douleurs de la Vierge, à la fin du XIe siècle, dans les écrits de saint Pierre Damien (†1072), de saint Bernard († 1153) et de moines bénédictins et cisterciens qui méditent sur la Passion du Christ. Il faut attendre le XIVe siècle pour que l’on parle des sept douleurs de la Vierge : la prophétie de Syméon sur l’Enfant Jésus (Lc, 2, 34-35), la fuite de la Sainte Famille en Égypte (Mat, 2, 13-21), la disparition de Jésus pendant trois jours au temple (Lc, 2, 41-51), le Chemin de croix, via crucis (Lc, 23, 27-31),  la mort du Christ sur la Croix (Jn, 19, 25-27), la Descente de croix (Mat, 27, 57-59), la mise au tombeau (Jn, 19, 40-42). La fête des douleurs de la Vierge a lieu le 15 septembre, le lendemain de celle de l’Exaltation de la Croix.

Martine Petrini-Poli

Source

Isabelle Raviolo, « Henri Suso, le petit livre de la sagesse éternelle » in Actu philosophia, mai 2013.

 

 

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