Voir toutes les photos

Les stations du Chemin de Croix : une iconographie qui privilégie le pathétique et le pittoresque

La représentation du chemin de Croix et des épreuves traversées par le Christ sur le parcours de sa Passion rédemptrice a donné lieu à l'expression de sensibilités très diverses selon les époques et les contrées. A partir du XIIIe siècle, la dramatisation de cette perception s'accentue.
Publié le 16 avril 2019

Les premières représentations paléochrétiennes de la crucifixion du Christ visaient à montrer sa victoire sur la mort et sa gloire comme symbole de la Résurrection. Pour les premiers chrétiens il était inconcevable de représenter le fils de Dieu crucifié entre deux malfaiteurs, comme un esclave. Ainsi, sur une petite plaque d’ivoire datant de 420 (1), le Christ n’a pas l’apparence d’un supplicié. Son corps athlétique se dresse debout, bras horizontaux. Il regarde au loin et sa bouche esquisse un sourire. Il est vivant et a vaincu la mort.

Une grande diversité d’approches du cheminement de la Passion

Au XIIIe siècle, une sensibilité venue d’Italie et des Franciscains introduit, à travers la représentation de la Passion du Christ, le drame dans l’art. Toute son humanité est exprimée dans un répertoire de gestes, d’attitudes qui traduit la douleur. Il inspirera les représentations de cette Passion au fil des siècles avec une efficacité universelle du message diffusé par les images. Cependant, la complexité des Évangiles et l’apparition de nombreux personnages a favorisé une diversité quant au cheminement proposé au fil de la dévotion. Il peut débuter soit par l’adieu de Jésus à sa mère soit au Jardin des Oliviers ou encore lors de la comparution de Jésus devant Pilate.

 

Station VI Véronique essuie la face de Jésus, peinture sur toile, vers 1876-1878, chapelle de la congrégation du Saint Esprit, Paris 5e. Photo B. Lodier.

L’iconographie du chemin de croix commence à se constituer au XVe siècle. Adam Kraft érige entre 1477 et 1508, à Nuremberg, sur la demande d’un bourgeois de la ville de retour de Jérusalem, sept stations, avec une seule chute et se terminant par une Vierge de pitié. La dévotion se développe avec un nombre de stations qui varie considérablement d’un lieu à l’autre. Au XVIIIe siècle, le chemin de croix de quatorze stations s’impose avec l’appui de Clément XII qui, en 1731, en fixe le nombre.

Les stations, haltes et rencontres du Christ, fixées en tableaux vivants

Parmi les quatorze stations, six ne sont pas attestées par les Évangiles. Trois d’entre elles relèvent des dévotions aux chutes de la Passion pratiquées du XVe siècle en Allemagne. L’ascension du mont Golgotha aurait été scandée de plusieurs haltes et rencontres que le théâtre des Mystères fixa en tableaux vivants. Ils furent repris dans les stations des chemins de la croix qui jalonnèrent les bas-côtés des églises.
Si l’Évangile de Jean mentionne la présence de la mère auprès de la Croix de Jésus, aucun évangéliste ne parle directement d’une rencontre entre eux deux. C’est à cette même période que les images de la douleur du Christ s’associe à celle de sa mère, la Vierge et que la scène des lamentations, inconnue des Evangiles et des représentations primitives, apparait sous l’influence des Mystiques à l’exemple du pseudo Bonaventure ou de sainte Brigitte.

Station VI Véronique essuie la face de Jésus, peinture sur toile signée Trézel et datée 1846 dans l’ église Sainte Marguerite, Paris 11. Photo B. Lodier.

La rencontre de Jésus et de Véronique à la sixième station, doit beaucoup, quant à elle, aux Actes de Pilate (2), texte apocryphe probablement du IVe siècle. Elle y intervient sous le nom de Bérénice qui dans sa version latine devient Veronica. La Légende dorée de Jacques de Voragine contribuera à la diffusion de cet épisode. En outre, souvent, à la station VI, Véronique n’est pas représentée essuyant le visage du Christ mais l’ayant déjà essuyé et montrant l’empreinte de la Sainte Face. Tournée vers le public qui suit la voie douloureuse, elle semble plus étonnée du miracle qui s’est opéré à travers cette empreinte que de la bonne action envers Jésus à laquelle l’a poussée sa piété. Deux temporalités se chevauchent sur le même tableau.
Les Évangiles se taisent également sur la douloureuse scène de la station XI qui représente le crucifiement de Jésus, étendu sur la croix posée au sol et se faisant clouer les pieds et les mains. Entre les images et le récit, le rapport est constant dans une tension entre la prise en compte des circonstances relatées par les Évangiles et l’efficacité du message diffusé à travers les représentations des stations du chemin de la croix pour un pèlerinage « en esprit » ou une « prière avec les pieds » qui sollicite le fidèle par la vue, la marche et la méditation.


Josette Saint-Martin

Notes

1- Elle serait la plus ancienne représentation connue de Christ en croix et est conservée au British Museum.
2- Appelé plus tard Evangile de Nicodème.

Contenus associés
Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *