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La figure de saint Jean dans la Crucifixion

Saint Jean a été souvent représenté à travers l’histoire de l’art, la plupart du temps au côté du Christ. Certaines scènes des évangiles sont marquées par la présence de saint Jean, que les artistes ont cherché à reproduire à travers les époques, en laissant plus ou moins de place à l’interprétation.
Publié le 29 mars 2018

Duccio di Buoninsegna, La Maestà, avers (reconstitution hypothétique), vers 1308-1311 / Creative Commons

Jean est ainsi présent aux côtés du Christ lors de la Transfiguration, relatée dans les trois évangiles (Mt 17,1-9, Mc 9,2-9, Lc 9,28-36) : c’est à lui, Jacques et Pierre que Jésus révéla sa nature divine. Jean figure parmi les favoris du Christ, il est même le « disciple bien aimé » (évangile de Jean). On le voit également dans les nombreuses représentations de la Cène, où il est représenté systématiquement tout proche du Christ.

Mais il y a un autre temps fort où l’apôtre Jean fait partie des dernières personnes présentes aux côtés du Christ : il s’agit de la Crucifixion. Nous avons choisi pour illustrer ce propos, deux scènes issues d’une peinture monumentale du début du XIVe siècle : La Maestà de Duccio.

DUCCIO DI BUONINSEGNA, LA MAESTÀ, reVERS (RECONSTITUTION HYPOTHÉTIQUE), VERS 1308-1311 / CREATIVE COMMONS

Un maître-autel pour la cathédrale de Sienne

Duccio di Buoninsegna (né vers 1255-1260 – mort vers 1318-1319) est un grand peintre qui est né et qui a travaillé tout au long de sa vie dans la ville de Sienne. Il est l’un des peintres qui se situe à la charnière entre la fin de l’art gothique et le début de l’art de la Renaissance, et qui apporte un grand nombre d’innovations dans toutes les formes d’art. A l’époque, au XIVe siècle, l’essentiel des thèmes abordés dans la peinture, la sculpture, la mosaïque, l’orfèvrerie sont des thèmes religieux. Les églises et les villes, très riches à l’époque, passaient des commandes prestigieuses aux plus grands artistes.

C’est ainsi que la ville de Sienne fait appel à Duccio pour réaliser le maître-autel de la cathédrale en 1308. Cette œuvre monumentale s’appelle La Maestà ; aujourd’hui démantelée et répartie au sein de plusieurs musées, elle mesurait originellement 214 × 412 cm et se présentait comme une superposition de nombreuses scènes bibliques, aussi bien à l’avers qu’au revers. Toutes les scènes ont un fond doré, ce qui contribue à leur donner un aspect à la fois précieux et majestueux. La scène centrale à l’avers figure la Vierge Marie portant l’Enfant Jésus, entourés de nombreux saints, tandis que sur le revers sont peintes 26 scènes de la Passion du Christ. Deux parmi elles ont retenu notre attention, pour le traitement réservé tout particulièrement à la figure de saint Jean.

DUCCIO DI BUONINSEGNA, LA crucifixion, REVERS de la Maestà, VERS 1308-1311 / CREATIVE COMMONS

La Crucifixion

Cette peinture représente le moment où le Christ meurt sur la croix. Il est ainsi au centre de la composition, portant la couronne d’épine. Le sang coule de ses plaies, ce qui rajoute à la douleur que dégage cette scène. Un cortège d’anges pleurant et se lamentant surplombe la croix du Christ. Les deux larrons, crucifiés en même temps que lui, sont bien présents. Il n’y a pas de paysage, seulement des rochers qui servent à contextualiser la scène, en rappelant la pierre du mont Golgotha. Il faut s’attarder sur la foule qui entoure les trois crucifiés. Personne ne semble remarquer les deux larrons, car toutes les têtes sont tournées vers le Christ. On ressent, à travers la multitude d’expressions sur leurs visages, la douleur qui a été ressentie à la mort du Sauveur : certains pleurent, d’autres lèvent la main vers le crucifié, d’autres encore expriment de l’étonnement, de la colère…

Deux personnages sont reconnaissables car ils sont nimbés. Marie, mère du Christ, vêtue d’un bleu très foncé, est présente ; elle semble s’effondrer à la vue de son Fils mourant, une femme derrière elle la soutient. Néanmoins, une seule chose semble la retenir : elle se cramponne avec force aux mains de Jean. Car Jean, lui, se tient droit, les deux pieds fermement plantés dans le sol. Il est le seul personnage immobile dans ce tourbillon de gestes qui l’entoure. Le fait qu’il soit le seul personnage pied nu renforce son lien à la terre, à la stabilité. Son visage exprime la douleur, mais il ne regarde pas Jésus, il regarde sa mère. L’évangile de Jean raconte en effet ce que Jésus leur dit juste avant de mourir : « Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple « Voici ta mère. » (Jn 19, 26-27). Le peintre a voulu représenter non seulement ce lien très fort qui unit la Vierge à saint Jean, mais également, en faisant en sorte que Jean tourne le dos à la Croix, le fait que Jean accepte la douleur, tout en étant déjà tourné vers l’avenir.

DUCCIO DI BUONINSEGNA, LA descente de croix, REVERS DE LA MAESTÀ, VERS 1308-1311 / CREATIVE COMMONS

La descente de Croix

Cette scène vient juste après la Crucifixion dans les évangiles. Le Christ est mort sur la croix. Il y est descendu par Joseph d’Arimathie et Nicodème : le premier est celui qui soutient le corps du Christ, le deuxième est celui qui décroche les pieds du Christ, à l’aide d’une pince pour déloger les clous. Cinq femmes sont présentes ; par leur émotion, elles donnent une intensité dramatique à la scène. On retrouve à nouveau la figure de saint Jean et de la Vierge. Tous deux semblent aider Joseph d’Arimathie à soutenir le corps : Marie est tout près du visage de son Fils, et Jean soutient le corps au niveau du buste. Dans cette scène comme dans la précédente, on comprend l’importance de la figure de Jean : il est le seul apôtre présent aux côtés de Marie dans ces moments de douleur extrême. Il a choisi de rester, quand tant d’autres se sont éloignés. A la façon dont il soutient fermement le corps de Jésus, on pressent combien le poids de ce qu’Il représente est difficile à porter.

 

Laura Hamant

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