Dans l’abbatiale de Saint-Gildas-des-Bois, Pascal Convert a fait intervenir l’image photographique dans le processus de conception des vitraux dont il avait reçu la commande. L’artiste avait choisi de mettre en œuvre la transformation de photographies médicales d’enfants aliénés prises à la fin du XIXème siècle à des fins scientifiques en un matériau, en l’occurrence le cristal, pour, à la suite d’interventions complexes, les convertir en vitrail. Dans le cadre de l’église Saint-Denis de Bron, c’est à nouveau de photographie dont il est question, mais avec un tout autre processus. Cependant, le rapport à la figure qui est ici décrit, n’est pas sans faire écho à celui mis en œuvre dans l’abbatiale de Saint-Gildas-des-Bois.
La réalisation de ces vitraux a été confiée à Jean-Jacques Fanjat, Maryline Monel, Mélanie Faucher, tous trois peintres-verriers et Cendrine Genin, photographe, à la suite d’un marché public national passé par la municipalité de Bron et ouvert à tous les artistes et ateliers de vitraux. La commission d’art sacré de Lyon a également apporté sont expertise à la municipalité de Bron.
« Le vitrail, un espace ou s’affrontent transparence de la couleur et transparence incolore, la figure et « l’infigurable », passage du matériel à l’immatériel dont on ne peut saisir que sa trace dissoute. Tisser une trame de liens invisibles. La création nous plonge dans l’inconnu, ou les mots ont des difficultés à se poser. » JJ Fanjat
Le projet
Le projet comporte treize baies réparties dans la nef et dans le chœur.
Les peintres verriers ont remporté le marché en fonction de deux critères : celui de la mise en place d’un travail d’équipe et celui du thème choisi : la notion de fraternité et d’humanité.
« Le projet s’est construit sur une progression de registres colorés variant suivant l’orientation de l’édifice, l’intensité chromatique des vitraux invitant le visiteur à s’avancer et découvrir le chœur de l’église. Pour son développement, nous avons utilisé un vocabulaire dont le public peut se saisir, dans une lecture ouverte, non codée où chacun peut se reconnaître.
Le verre devient support d’une expérience qui croise l’art de la photographie et celui du vitrail
La composition s’appuie sur une base photographique, non pas des « images », mais un corpus de signes, de fragments de corps, de portraits : c’est une proposition abstraite. Le verre devient support d’une expérience qui croise l’art de la photographie et celui du vitrail. Ces figures tramées, par la technique de la sérigraphie, permettent à chacun de se reconnaître sans s’identifier : évoquer les multiplicités du visage, c’est convoquer l’image de l’Homme. » Texte de l’équipe
Le processus
Sur la base du volontariat, des habitants de Bron sont venus poser dans un studio de campagne installé à la médiathèque par la photographe Cendrine Genin. Les prises de vues ont été réalisées en argentique noir et blanc et en couleur. Au fil des prises de vues s’est constitué un maillage fait de rencontres et de confiance, dans l’abandon d’un geste, un regard, une posture.
Un travail de modification des photographies en vue de la sérigraphie a été réalisé : tramage, changement d’échelle. Puis ces photographies ont été transposées par sérigraphie sur verre soufflé et coloré en utilisant la grisaille.
L’installation
Dix baies ont déjà été posées dans la nef en 2020. En janvier 2021, c’était au tour des trois baies du chœur amenant ainsi l’ensemble à 13 baies installées. Chaque baie fait partie de l’ensemble mais reste singulière, à l’image des personnes qui habitent ces vitraux.
Certains sont visibles d’emblée et d’autres se laissent à peine deviner. En s’éloignant, l’image tramée se reconstitue alors qu’en avançant vers elle, elle se dissout.
La vision des vitraux évolue en fonction des déplacements, perspectives et profondeur de champs font alors leur apparition.
Le visage d’autrui
« C’est sur l’attachement à montrer la singularité de chaque baie que s’est construite notre proposition. Exprimer l’individualité et l’humanité par l’image inachevée, le vide, les fragments. Nous voulions ainsi montrer que la réalité existe, qu’elle est vivante. Le corps est un visage, personnage énigmatique, mal cadré, flou, qui nous échappe. Comme l’écrit E. Levinas, le visage de l’autre c’est cette façon qu’a autrui de se révéler à ma vue ‘ le visage d’autrui est dénué ; c’est le pauvre pour lequel je peux tout et à qui je dois tout. Et moi, qui que je sois, mais en tant que « première personne », je suis celui qui se trouve des ressources pour répondre à l’appel ‘. Cette expérience fondamentale du face à face engage ma responsabilité, sa fragilité m’appelle. Du divin on ne peut saisir que sa trace discrète, elle désigne la manière dont l’infini se manifeste dans le monde, tout en demeurant invisible. Dans l’accès au visage il y a certainement aussi un accès à l’idée de l’Infini. » Texte de l’équipe
Et faire entrer la photographie dans un édifice du patrimoine, témoigne plus encore d’un affranchissement artistique. Quand l’image participe du temps et de la lumière, alors tout est dit.
Françoise Paviot
La Société Saint-Gobain et la Verrerie de Saint-Just accompagnent ce projet. Un article sortira prochainement, au printemps, sur le site Saint-Gobain-Patrimoine.
Pour aller plus loin :
Site web de Pascal Convert
Site web des vitraux Fanjat
Site web des vitraux Maryline Monel
Site web de l’Atelier Faucher
Site web de Cendrine Genin