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Un chant de louange (2/2)

Dans une précédente publication de ce blog, nous avons découvert deux mises en musique du psaume 150 dans la tradition de la musique vocale issue de la Renaissance : Schütz et Sweelinck. Voici deux nouvelles propositions venues d’un autre monde musical, une autre lecture de ce psaume de louange, une invitation à nous laisser habiter par une manière de chanter la gloire de Dieu qui n’est peut-être pas spontanément la nôtre, mais qui nous propose de la renouveler.
Publié le 11 juin 2024
Écrit par Emmanuel Bellanger

Cathédrale de Buenos Aires, Argentine ©Lars Curfs CC BY-SA 3.0 NL

Les deux propositions que nous allons découvrir se rapprochent l’une de l’autre par des circonstances symétriques : celle d’Anton Bruckner est la dernière composition « sacrée » qu’il nous a donnée, celle de Ginastera est sa première grande œuvre : c’est avec son psaume 150 qu’il obtint le premier prix de composition musicale du Conservatoire de Buenos-Aires.

Anton Bruckner est en 1824, nous le retrouverons tout au long de cette année 2024. Son Psaume 150 est une des rares commandes qu’il ait reçue au cours de sa carrière : elle lui fut demandée par la Société des Artistes de Vienne mais hélas, seulement jouée après sa mort.

Cette page est destinée à un grand orchestre symphonique, un chœur à quatre voix et une soprano soliste. Elle suit, verset par verset, la totalité de ce psaume. La foi de Bruckner était solide, toute simple, inébranlable, dénuée de toute remise en cause. C’est ce que nous fait entendre cette musique éclatante, triomphale, jubilatoire : le chant de gloire au Seigneur éclate dans toute la force de l’orchestre dès le premier accord.

Ce psaume est encadré par un alléluia puissant, rayonnant, repris en conclusion. Quelques détails : au centre de l’œuvre, la voix soliste est préparée par un solo de violon qui prépare notre oreille à une autre forme d’écoute : c’est le grand métier de l’artisan Bruckner de savoir nous guider doucement sur la route musicale. La conclusion du dernier verset se fait sur une fugue magistrale, sommet de l’art brucknérien.

Dernière remarque : la version ici proposée est illustrée par le manuscrit du compositeur : même quand on ne lit pas la musique, il est émouvant de se dire que c’est la main de Bruckner qui a consigné sur une feuille de papier les signes qui nous permettent d’avoir accès aujourd’hui à cette musique que lui-même n’a jamais eu l’occasion d’entendre.

Alberto Ginastera (1916-1983) est un des grands noms de la musique en Argentine. D’origine catalane par son père et italienne par sa mère, il est un des représentants éminents du mouvement musical national argentin : Danzas argentinas, Cantos del Tucuman, Danzas criollas sont quelques titres de ses nombreuses œuvres issues de ce mouvement. Mais Ginastera fut aussi créateur d’une musique de belle qualité d’inspiration plus personnelle.

Son Psaume 150 est, contrairement à celui de Bruckner, sa première grande œuvre pour orchestre et chœur. Comme souvent quand on débute dans la carrière, on fait de cette première composition une démonstration de ce que l’on maîtrise techniquement, dans l’esprit du chef-d’œuvre des artisans : c’est ce que nous propose ici Ginastera avec une musique imprégnée de post-debussysme ou de polytonalité : cette musique baigne dans l’atmosphère et les goûts de l’année 1938, date de sa composition.

Les versets du psaume 150 sont traités successivement, chaque partie ponctuée par une sorte de choral chanté par les cuivres. Les versets sont chantés soit dans une écriture homophone (tout le monde chante en même temps) soit en écriture canonique ou en imitations : les différentes voix reprennent alternativement ce que les autres ont chanté avant elles et reprendront après elles.

Une délicieuse surprise nous attend en conclusion : un chœur d’enfants, accompagné par les douces résonances du glockenspiel, du célesta, des harpes et du piano, entonne l’alléluia final que reprend l’ensemble des musiciens dans un final en apothéose.

 

— Emmanuel Bellanger

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