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Transparence du chant pascal

Voici une œuvre musicale peu connue, pratiquement jamais chantée et pourtant bien intéressante à plus d’un titre. Nous la devons à Arthur Honegger, un jeune compositeur qui achevait avec cette page de se forger une plume personnelle et bien taillée. Avec ce Cantique de Pâques, Honegger inaugurait sa création dans le domaine de la musique religieuse.
Publié le 12 avril 2024
Écrit par Emmanuel Bellanger

Maurice Denis, Mystère de Pâques, détail, 1891, huile sur toile, Art Institute of Chicago

C’est en juillet 1918 qu’Arthur Honegger (1892-1955) mettait le point d’orgue final à son Cantique de Pâques. Cette page brève, qui dure moins de dix minutes, est écrite sur ce seul texte : « Alléluia ! Christ est ressuscité ! Le Christ, le Seigneur, le Fils de Dieu ! » L’évènement de Pâques dépasse tout ce que l’on est capable de concevoir : la résurrection du Christ, cœur de la foi chrétienne, n’a pas eu de témoins, nul mot n’est susceptible de suggérer quoi que ce soit. C’est ce que nous dit en premier ce cantique. Ces quelques pages se déploient sur ces simples mots toujours repris, transfigurés par la musique. Nous redécouvrons là une des racines du chant chrétien : la gratuité. Honegger ne cherche pas à nous convaincre de quoi que ce soit, il ne cherche pas à nous persuader d’une vérité, il chante parce que c’est tout ce qu’on peut faire devant le mystère de la résurrection : chanter, contempler, rendre grâce en un acte de gratuité lyrique.

Cette œuvre du jeune Honegger est intéressante aussi par ce qu’elle laisse entrevoir de la manière propre qu’il a d’écrire la musique : c’est une écriture d’essence polyphonique – par exemple dans l’entrée des trois voix solistes en forme de fugue au début de l’œuvre – ou dans les savantes superpositions de thèmes entre le chœur et l’orchestre au centre du cantique, ou encore dans le plan symétrique autour d’un axe central – un crescendo parti d’un pianissimo à peine perceptible, un axe central dans la toute puissance des forces sonores disponibles et un retour au pianissimo du début, procédé typique d’Honegger – la savante et souple superposition des thèmes, le chant bien dessiné sur les élégantes arabesques ternaires des instruments.

Nous ne sommes pas loin avec ce Cantique de Pâques des vocalises très développées sur le mot Alléluia dans le chant grégorien : que peuvent les mots dans cette contemplation du Christ ressuscité ? La musique seule poursuit ce qu’on ose appeler le regard…

Voici une belle version parmi les rares disponibles du chef de chœur suisse Michel Corboz :

 

 Emmanuel Bellanger

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