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Temps de Noël : Honegger [2]

Nous avons découvert, lors de notre dernière rencontre, la première partie de « Une cantate de Noël » d’Arthur Honegger. Voici aujourd’hui, à quelques jours des fêtes de la Nativité du Seigneur, la deuxième partie de cette cantate. Nous y percevons ce qui constitue l’essence même de la musique, ce qui fait sa richesse propre, une expérience qu’elle est la seule à pouvoir nous offrir.
Publié le 17 décembre 2018
Écrit par Emmanuel Bellanger

Maurice Denis, Nativité, 1894 – musée des Augustins, Toulouse 

Nous avons quitté la première partie de la cantate de Noël d’Honegger sur une couleur soudain éclairée par le chœur d’enfants « Joie et paix sur toi… »

Les deux grandes parties de la cantate sont reliées par un bref interlude confié au baryton solo, la seule voix soliste à une très courte exception près sur laquelle nous reviendrons. C’est par cette voix que nous est transmise l’annonce de l’ange aux bergers : « Un Sauveur vous est né… vous le trouverez dans une crèche… » sur un arioso à l’admirable courbe mélodique discrètement accompagnée par l’orgue et les violons que ponctuent quelques commentaires des trompettes.

Puis commence la seconde partie de la cantate qui forme un contraste impressionnant avec la première : nous passons physiquement des ténèbres à la lumière, des harmonies âpres et dissonantes à une lumineuse limpidité. Cette partie se divise en deux « quodlibet ». Ce mot latin qui signifie « ce qui plaît » désigne un mélange de toutes sortes de choses – ici des mélodies – pour constituer une sorte de puzzle musical du plus réjouissant effet et surtout de grande richesse de sens.

On peut diviser cette seconde partie en quatre moments successifs : = Honegger superpose différents chants traditionnels de Noël, chacun dans sa langue originale sans que cela donne une impression de confusion : on y reconnaît le noël allemand « es ist ein Reis entsprungen » connu en France sous le titre « Dans une étable obscure », et aussi « Il est né le divin enfant » ou encore « Douce nuit, sainte nuit » dans sa version originale en allemand « Stille Nacht, heilige Nacht ». = Ce premier « quodlibet » est ponctué par un nouvel intermède du baryton solo qui entonne le chant du « Gloria in excelsis Deo » auquel répond brièvement une frêle voix d’enfant comme une image de la modestie et de la fragilité de cet évènement de Noël avant que l’ensemble du chœur et de l’orchestre ne prennent la suite. = La suite du « quodlibet » nous ouvre une autre porte, celle de la liturgie par laquelle nous célébrons et contemplons l’évènement de la Nativité. Le « quodlibet » reprend son cours en combinant les chants traditionnels, mais s’y ajoutent de nouveaux thèmes : le « Laudate Dominum – Louez le Seigneur » (Psaume 116) qui s’achève naturellement sur une doxologie « Gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit » que conclue un Amen très orné. = Cette seconde partie de la cantate de Noël s’achève sur une reprise du « quodlibet » par l’orchestre seul et sur les mêmes accords d’orgue par lesquels la cantate avait mystérieusement commencé : ces accords ne sont plus nourris de désespérante angoisse, mais bien d’apaisement, de confiance, de joie intérieure.

Je vous propose une version complète de « Une cantate de Noël » d’Arthur Honegger. Je crois nécessaire de l’écouter dans son intégralité pour en percevoir le parcours et suivre la route qu’elle nous propose. Prenez le temps de la savourer, plusieurs fois, pour entendre tous ces thèmes qui se rencontrent et s’enrichissent les uns par les autres. C’est le miracle de la musique : dans sa nature polyphonique, elle nous livre toute sa saveur. Il nous est donné d’entendre beaucoup de choses à la fois sans que rien ne se mélange : par cette architecture complexe, la vérité artistique nous est révélée et nous pouvons poursuivre le chemin…

Dernière remarque : la personne des musiciens de cette version n’est-elle pas une belle image de l’universalité du message de Noël ?

 

Emmanuel Bellanger

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