Descendant d’une vieille famille vénitienne, Gian Francesco Malipiero (1882-1973) fut un compositeur fécond, auteur de nombreux opéras, symphonies, musique de chambre, ainsi qu’un pédagogue reconnu. Il a cherché à unir dans son œuvre la modernité de son temps (la musique atonale par exemple) à la grande tradition des modes ecclésiastiques anciens et de la musique vocale italienne des XVIème au XVIIIème siècles.
La « Passione », composée en 1935, est écrite sur un texte de Pierrozzo Castellano Castellani, poète de la Renaissance italienne. Nous écoutons les deux premiers numéros de cette œuvre de Malipiero. Nous ne sommes pas en présence d’une représentation mais bien d’une méditation du mystère de la mort du Christ. Pour ce faire, Malipiero plonge sa plume dans l’encrier de la grande tradition de la musique liturgique romaine : celle du plain-chant. D’autre part, pour bien préciser qu’on n’est pas sur le mode de la représentation, la voix du Christ est systématiquement exprimée par un chœur d’hommes souvent à l’unisson mais aussi à quatre voix.
La Passione s’ouvre sur un prélude d’orchestre qui se développe progressivement à partir de quintes à vide dans un sentiment de dépouillement ; sur ces accords qui ne cherchent aucun effet de séduction, se déroule une longue mélodie à la fois douloureuse et sereine. La méditation du mystère de la Croix est inséparable de la Résurrection.
Puis c’est le chœur d’hommes à l’unisson que chantent les paroles du Christ : « Padre, se gli è possibil che sie… Père s’il est possible que cette coupe s’éloigne… »
Si vous écoutez cette Passione jusqu’à la fin, goûtez l’accord final, une septième majeure sur l’accord de ré qui illumine la conclusion et ouvre l’œuvre sur l’Espérance.
Emmanuel Bellanger