Le BWV 618 fait partie d’un recueil de 45 chorals que Bach écrivit autour des années 1715 : on l’appelle « Orgelbüchlein », c’est-à-dire « Petit Livre d’Orgue », petit par les dimensions mais grand par la qualité et la densité de la musique. Il s’agit de pièces destinées à introduire le chant des fidèles, en suivant l’ordre des chorals contenu dans les livres de chant mis à leur disposition.
Le choral « Ô Lamm Gottes unschuldig » ouvre le cycle de Pâques qui comprend 7 préludes pour le temps de la Passion et 7 pour le temps de la Résurrection. Le prélude 618 nous invite à une double lecture en utilisant des procédés musicaux relativement faciles à percevoir.
Le premier est une cellule mélodique et rythmique très caractéristique qui accompagne avec grande insistance le thème du cantique : une image de deux notes conjointes descendantes bien appuyées (on les appelle des appoggiatures) qui donnent un sentiment de lourdeur difficile à porter : c’est évidemment le verset « tous les péchés tu les as portés » qui a suggéré au compositeur cette figure sonore pesante.
Le deuxième élément musical est plus subtil : il demande une écoute plus attentive. Le thème du cantique est chanté au pédalier en valeurs longues ; il est repris en canon au cœur de la polyphonie, juste au-dessous de la voix supérieure. C’est pourquoi il ne s’impose pas d’emblée à l’oreille. Chez Bach, l’écriture en canon est toujours signifiante : un modèle nous est donné, il nous faut le suivre.
Dans ce commentaire, Bach oriente notre méditation sur deux points :
= C’est l’Agneau de Dieu, le Christ, qui a porté douloureusement le péché du monde.
= De même que le Christ a suivi la volonté de son Père (premier sens du canon)
il nous faut suivre son exemple pour « avoir part à sa résurrection » (deuxième
sens du canon).
Emmanuel Bellanger