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Messe pour le jour de la Paix

Le titre de cette œuvre du compositeur André Jolivet, écrite en 1940, résonne aujourd’hui comme hier, à la fois d’une aspiration toujours exprimée et jamais satisfaite à vivre dans la paix, mais aussi d’une espérance toujours présente dans les cœurs : Jolivet n’a pas écrit « messe pour un jour de paix » mais « pour le jour de la paix », nous faisant partager son assurance que la paix viendra.
Publié le 05 février 2024
Écrit par Emmanuel Bellanger
Grilles de la paix ceignant le monument aux morts du jardin de l’abbaye, à Vierzon, ferronnerie et grès
Crédit photo : architecture-art-deco.fr, voir l’article consacré au jardin ici (clic)

André Jolivet, né en 1905, est mort en 1974 ; nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire de son décès. Il a connu lui-même dans ce qu’elle a de concret la guerre, il a connu le doute et même le désarroi en 1940, il a participé aux combats, ce qui lui a valu la croix de guerre. La force de ses sentiments, le cri de ses révoltes devant les évènements du monde, mais aussi la réalité d’une espérance profonde, tout cela s’exprime dans sa musique et principalement dans cette Messe pour le jour de la paix écrite en 1940 et créée dans la chapelle des Franciscains de la rue Marie-Rose à Paris en 1942.

Messe pour le jour de la paix, André Jolivet, 1940

Ce n’est pas neutre de constater que, pour nous partager ce qui l’habitait au plus profond de son être, l’incroyant André Jolivet ait choisi une messe : la musique était pour lui comme une action rituelle qui ouvrait le monde sensible, corporel, au monde spirituel.

André Jolivet appartient à cette race d’artistes qui ont laissé de nombreux écrits et qui se sont très souvent exprimés sur ce qui nourrissait leur art. Nous savons qu’il fut un dessinateur et un peintre très estimable. Ces quelques extraits de ses écrits sont de belles portes pour entrer dans sa musique.

« Les artistes ont senti que le problème n’était pas d’ordre esthétique mais d’ordre éthique, lorsqu’ils ont saisi qu’il ne s’agissait pas de voir ou de comprendre mais de sentir. »

« L’intuition, ce principe générateur des données immédiates du travail créateur. »

« Je cherchais à rendre à la musique son caractère antique, lorsqu’elle était l’expression incantatoire de la religiosité des groupements humains. »

C’est bien dans cette disposition que nous pouvons écouter cette messe écrite pour une formation inhabituelle : une voix soliste de soprano, un orgue et une discrète percussion.

On peut entendre dans cette musique originale et très personnelle une belle force incantatoire avec ses longues vocalises qui amplifient merveilleusement et parfois violemment le sens des mots (sommes-nous si loin que cela du chant grégorien ?), ses sauts vertigineux entre grave et aigu parfois proches du cri, sa manière personnelle de balayer l’ensemble de l’ambitus vocal, ses moments d’apaisement, par exemple dans l’Agnus Dei, ses ponctuations sur certains mots psalmodiés sur une ou deux notes, par exemple dans le Gloria ou le Domine non sum dignus.

L’alléluia final, qui répond sur une autre musique à celui d’ouverture, se revêt d’une assurance presque dansante de l’avènement du jour de la paix, avec la présence inattendue de la percussion.

Quand on sait que c’est Olivier Messiaen lui-même qui a créé cette œuvre avec la chanteuse Marcelle Bunlet (créatrice de nombreuses œuvres contemporaines de cette époque), on mesure la qualité étonnante de cette musique exigeante pour l’interprète et généreuse pour qui s’en laisse habiter.

— Emmanuel Bellanger

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