Vierne est surtout connu comme organiste et compositeur de symphonies pour son instrument. L’importance évidente de sa production destinée à l’instrument à tuyaux a quelque peu occulté la qualité et la profondeur de ce qu’il nous a laissé dans le domaine de la musique de chambre. C’est une page majeure de son œuvre que je vous propose de découvrir aujourd’hui.
La vie de Louis Vierne est parsemée de douloureuses tragédies personnelles : le départ de sa femme, la mort de son fils et de son frère à la guerre, la cécité presque complète… Peut-être davantage que dans ses œuvres pour l’orgue, c’est dans sa musique de chambre que tout cela s’exprime.
Le quintette pour quatuor à cordes et piano fut écrit en 1917, année noire d’une guerre qui s’éternisait et qui fut marquée pour Vierne par la mort au combat de son fils de 17 ans, le 11 novembre… : Vierne avait donné son accord pour qu’il s’engage alors qu’il était mineur. On imagine le remords dévorant d’un père qui avait donné sa signature… En hommage à son fils, Vierne écrivit son quintette opus 42. Voici quelques extraits d’une lettre à son ami Maurice Blazy :
Voici une clé pour entrer dans cette musique : l’âme troublée du compositeur cherche l’apaisement.
« Dire mon état d’âme à présent est superflu, n’est-ce pas ? […] J’édifie, en ex-voto, un quintette de vastes proportions dans lequel circulera largement le souffle de ma tendresse et la tragique destinée de mon enfant […] Que la souffrance soit adoucie, consolée, apaisée par qui aura souffert sans trêve toutes les douleurs, toutes les amertumes, toutes les angoisses, voilà le rôle de l’artiste. »
Ce quintette comporte trois parties : deux mouvements rapides encadrant un mouvement lent. Si vous en avez le temps, écoutez l’ensemble de cette page admirable. Voici une clé pour entrer dans cette musique : l’âme troublée du compositeur cherche l’apaisement. Chacun des mouvements de cette œuvre semée de ruptures violentes, comme des cris, se conclut dans la douceur. Mais cette paix à laquelle il aspire, l’a-t-il trouvée ? Rien n’est moins sûr si l’on entend le tragique do mineur par lequel le quintette s’achève.
Voici une autre page de Louis Vierne plus directement liée à la cathédrale Notre-Dame de Paris : la Messe Solennelle pour chœur et deux orgues, écrite en 1900, l’année où il fut désigné à l’unanimité du jury comme organiste de la cathédrale Notre-Dame. Cette messe y a été régulièrement chantée au cours des offices : elle fait partie du fonds de répertoire de la cathédrale. Nous écoutons le Kyrie. Cette musique, qui peut paraître bien solennelle, voire pompeuse, nous rappelle ce qu’est le Kyrie dans la liturgie : pas seulement un chant de pénitence et de repentance, mais d’abord un regard de confiance envers le Christ sauveur.
C’est au cours d’une célébration à Notre-Dame de Paris qu’a été fait cet enregistrement.
Emmanuel Bellanger