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Louer la Trinité

Dimanche prochain, la liturgie nous propose de contempler le Mystère de la Trinité. Les traités de théologie, aussi nombreux soient-ils, n’arriveront jamais à épuiser ce Mystère d’un Dieu unique en trois personnes. La musique pas davantage, mais parce qu’elle se déploie au-delà des mots, elle nous permet une autre ouverture vers la contemplation émerveillée et reconnaissante de notre Dieu présent au milieu de nous, à la fois proche et inconnaissable.
Publié le 16 mai 2024
Écrit par Emmanuel Bellanger

La chute des anges déchus, manuscrit de Jean de Vignay faisant partie de la Collection Louis de Bruges, parchemin, début du XVe siècle

La cantate BWV 129 de Jean-Sébastien Bach, écrite pour le dimanche de la Trinité, se présente comme une liturgie en elle-même : pour Luther, c’est par Sa Parole seule que Dieu se fait connaître. L’essence de toute liturgie est développée à partir de cette Parole, soit dans ses mots propres, soit dans des paraphrases comme dans cette cantate 129 écrite sur un texte du pasteur et théologien Johann Olearius (1611-1684). Le primat de la Parole est bien manifesté dans l’architecture des temples luthériens dominée par la chaire (la prédication) et l’orgue (le chant de cette Parole).

La cantate 129 s’organise en 5 mouvements : une ouverture chantée par toute l’assemblée, trois développements par des solistes qui poursuivent la méditation sur la Trinité et une louange conclusive par l’assemblée.

Le premier mouvement est un portail solennel, brillant, dynamique accompagné par l’orchestre au complet : cordes, bois et trompettes. Cette page est écrite en Ré majeur, comme toutes celles que Bach destine aux trompettes qui à son époque sonnaient dans cette tonalité.

Gelobet sei der Herr, mein Gott, mein Licht, mein Leben, mein Schöpfer…
Loué soit le Seigneur mon Dieu, ma lumière, ma vie, mon créateur…

Les sonneries de trompettes ponctuent le déroulement musical, redonnent de la dynamique à ces assez longs développements. Par ce chant, l’assemblée des auditeurs est constituée et peut entrer plus avant dans la méditation.

Le deuxième mouvement est écrit pour une voix de basse au rythme pas très éloigné de la danse : la musique ici semble s’incarner à l’image du Fils, envoyé par le Père.

Gelobet sei der Herr, mein Gott, mein Heil, mein Leben,
Loué soit le Seigneur, mon Dieu, mon Sauveur, ma vie, qui s’est donné pour moi.

La musique « s’humanise » en un geste musical qui appelle des gestes corporels. Il s’agit ici d’une musique véritablement incarnée dans une page en La Majeur.

Le troisième mouvement, écrit pour voix d’alto, violon et flûte en mi mineur, est fait de vocalises légères, ornées des volutes alternées des deux instruments.

Gelobet sei der Herr, mein Gott, mein Trost, mein Leben, des Vaters werter Geist ,
Loué soit le Seigneur, mon Dieu, ma consolation, esprit vivant du Père.

Cette page respecte la tradition musicale qui traduit la présence de l’Esprit par ces formules musicales qui s’envolent comme des guirlandes autour des musiciens.

On remarque que ces trois premiers mouvements de la cantate commencent par les mêmes mots : Gelobet sei der Herr, mein Gott… Les mots sont identiques, la musique est différente : comment dire mieux l’unicité des trois Personnes ?

Le quatrième mouvement reprend les mêmes mots pour chanter les trois Personnes de la Trinité en une musique pour voix de soprano en Sol majeur qu’accompagne un hautbois.

Gelobet sei der Herr, mein Gott, der ewig lebet, den alles lobet, was in aller Lüften schwebet.
Loué soit le Seigneur, mon Dieu qui vit éternellement, que loue tout ce qui plane dans les airs.

C’est une voix soliste qui chante cette louange à la Trinité, comme la prière personnelle du chrétien devant le Mystère, invitant ses frères et sœurs à se joindre à sa louange : ainsi est introduit le mouvement conclusif de la cantate 129.

C’est l’ensemble de l’assemblée qui s’approprie le chant de louange en chantant un choral, l’essence même du cantique luthérien.

Dem wir das Heilig itzt mit Freuden lassen klingen,
A lui qui est saint, avec le char des anges, faisons sonner dans la joie la louange.

L’orchestration traduit dans le son lui-même ce que les mots ne sauraient faire éprouver : les instruments aux sonorités bien caractérisées sont groupés en trois familles : les cordes, les bois (flûtes, hautbois), les cuivres (trompettes).

« Béni soit Dieu le Père, et le Fils unique de Dieu, ainsi que le Saint-Esprit, car il nous a montré sa miséricorde » (Antienne d’ouverture pour le dimanche de la Sainte Trinité)

 

 — Emmanuel Bellanger

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