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Le silence et la lumière

Traditionnellement dans l’Eglise, le temps du Carême est synonyme de recueillement, intériorité, préparation, dépouillement… La liturgie se revêt de sobriété : moins de lumières, moins de décors, moins de musique… Dans le monde contemporain si agité, si bruyant, le silence des oreilles autant que celui des yeux s’offre non comme absence mais bien comme ouverture.
Publié le 22 février 2024
Écrit par Emmanuel Bellanger

Abbatiale saint-jean de montierneuf à Poitiers
© Kristobalite, CC BY-NC-ND 2.0 DEED

Silence ne signifie pas seulement absence de son. Il ne serait alors vécu que comme un manque, un vide, quelque chose d’insupportable dans nos vies toujours plus agitées. Nous savons que la musique est essentiellement faite de silence : celui qui la prépare immédiatement avant qu’elle surgisse, celui qui la suit après le dernier accord, et aussi tous les silences qui ponctuent le déroulement musical et lui donnent son vrai sens. Imagine-t-on une musique sans respirations ?

Le silence du Carême est une manifestation de la respiration du temps faite d’alternances entre inspiration et expiration, lumière et obscurité. C’est comme dans cette nef romane de saint Jean de Montierneuf à Poitiers : la nef est dans l’obscurité pour conduire notre regard vers la lumière qui inonde le chœur. Nous sommes souvent dans les ténèbres, les soubresauts du monde nous emplissent d’inquiétudes et de doutes. Mais la lumière n’est-elle pas au bout du chemin, à peine visible souvent mais réellement ?

C’est le chemin que nous propose Arvo Pärt dans son psaume 129 composé en 1980 : une musique venue du silence et conduisant au silence, mais habité par une progression musicale profonde.

Le psaume 129 Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur s’articule autour de deux pôles : celui du désespoir :

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel !

Mais ce cri n’est pas sans réponse, le psalmiste nous conduit au fil des versets vers l’autre pôle, celui de la foi en ce Dieu qu’il invoque, en qui il met toute sa confiance, une confiance assurée :

Oui, près du Seigneur est l’amour,
Près de lui abonde le rachat !

Le psaume 129 d’Arvo Pärt se présente en un seul mouvement, une impressionnante progression du silence du vide au silence de la plénitude. Pour nous aider à parcourir cette route, la musique se présente comme une marche soutenue par un mouvement perpétuel de l’orgue. Puis, venues du registre le plus grave, les voix s’élèvent peu à peu en un lent et inexorable crescendo jusqu’au mot Misericordia en pleine lumière, pour nous conduire au silence à nouveau, mais un silence qu’il appartient à chacun de qualifier. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas le même silence : la lumière sur Misericordia ne continue-t-elle pas de résonner mystérieusement à nos oreilles intérieures ?

— Emmanuel Bellanger

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