C’est à Luther lui-même que nous devons les paroles et la musique du cantique « Ein feste Burg ist unser Gott – C’est un solide rempart que notre Dieu » écrit et composé en 1527/29. On comprend aisément combien ce texte a été et est encore une nourriture revigorante pour la communauté réformée. Il s’agit d’une paraphrase du psaume 45 dont voici quelques versets :
Dieu est pour nous refuge et force,
secours dans la détresse, toujours offert.
Nous serons sans crainte si la terre est secouée,
si les montagnes s’effondrent au creux de la mer. […]
Il est avec nous,
Le Seigneur de l’univers ;
citadelle pour nous,
le Dieu de Jacob.
Voici la version poétique de Martin Luther : on comprend le soutien qu’a pu apporter un tel texte en un temps de troubles et de violences :
C’est un rempart que notre Dieu
Si l’on nous fait toujours injure,
Son bras puissant nous tiendra lieu
De cuirasse et d’armure.
L’ennemi contre nous
Redouble de courroux :
vaine colère !
Que pourrait l’adversaire ?
L’Eternel détourne ses coups.
Voici ce choral chanté au cours d’un culte pris dans un lieu qui lui-même a connu la violence et la guerre : l’église du souvenir à Berlin (Gedächtniskirche) construite juste à côté des ruines conservées en l’état d’une église détruite par les bombardements. Le symbole que représente cette architecture moderne est encore plus fort quand on sait que les 20.000 blocs de verre qui l’éclairent ont été fabriqués à Chartres.
C’est en 1830 que Mendelssohn compose sa symphonie n° 5 dite « Réformation » à l’occasion du tricentenaire de la « Confession d’Augsbourg », c’est-à-dire de la Réforme luthérienne. Le Final de cette symphonie est construit sur le choral « Ein feste Burg ist unser Gott » présenté dès les premières mesures par la flûte solo, puis les bois (hautbois, clarinettes, bassons) enfin les cordes et l’ensemble de l’orchestre. Le thème facilement mémorisable de ce choral nourrit l’ensemble du morceau en une alternance de passages polyphoniques à la manière de Bach (dont Mendelssohn était un grand connaisseur et admirateur) avec des épisodes romantiques dans la puissance de l’orchestre : on passe ainsi d’une musique rituelle à une musique symphonique en un dialogue savoureux. C’est le choral qui triomphe en une péroraison éclatante qui affirme la conviction religieuse de Mendelssohn.
Emmanuel Bellanger