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Le chant de l’amour, « Miroir d’étoile »

Ce titre quelque peu énigmatique, emprunté à Olivier Messiaen, introduit l’écho musical que je vous propose, à l’exposition du musée du Louvre-Lens qui vient de s’achever, justement intitulée « Amour ». On peut dire que le chant de l’amour nourrit l’ensemble de l’œuvre de Messiaen : amour de la nature et de ses oiseaux, amour humain, amour spirituel, amour divin.
Publié le 18 février 2019
Écrit par Emmanuel Bellanger

La symphonie « Turangalîlâ » appartient à un cycle important de trois œuvres majeures d’Olivier Messiaen : Harawi (1945) pour soprano et piano, la Turangalîlâ-symphonie (1946-1948) et Cinq Rechants (1948) pour un ensemble vocal. Cette monumentale trilogie est nourrie du mythe de Tristan et Iseult qui unit l’expérience de l’amour et celle de la mort, Eros et Thanatos.

Dante Gabriel Rossetti, Tristan et Iseult buvant la potion d’amour, vitrail, 1862-63, Bradford Art Gallery

Comme toujours avec Olivier Messiaen, les choses sont précises : ainsi on sait que la « Turangalîlâ-symphonie » a été composée du 17 juillet 1946 au 29 septembre 1948. C’est assez dire que ce mythe de Tristan tenait une grande place chez notre compositeur. Le titre étrange de cette symphonie est le résultat de la combinaison de deux mots sanscrits dont le sens est multiple. Le compositeur le précise ainsi : « Turangalîlâ veut dire tout à la fois : chant d’amour, hymne à la joie, temps, mouvement, rythme, vie et mort… Non pas la joie bourgeoise et tranquillement euphorique de quelque honnête homme du XVIIème siècle, mais la joie telle que peut la concevoir celui qui ne l’a qu’entrevue au milieu du malheur, c’est-à-dire une joie surhumaine, débordante, aveuglante et démesurée. L’amour y est présenté sous le même aspect : c’est l’amour fatal, irrésistible, qui transcende tout, qui supprime tout hors lui, tel qu’il est symbolisé par le philtre de Tristan et Iseult. »     

C’est exactement ce que nous entendons dans le finale, dixième mouvement de la « Turangalîlâ-symphonie ». Le thème principal de ce mouvement s’impose dès les premières notes, tout de joie et de lumière. Un rythme iambique (brève longue) traduit ici par double-croche/croche, lancé quatre fois nous entraîne dans une danse qui nous emportera jusqu’à la péroraison.

Cette danse encadre l’axe central du mouvement qui se présente sous la forme d’une immense arcade mélodique, le thème d’amour, comme l’appelle Messiaen : « Les trois groupes, bois, cuivres et cordes, se soutiennent mutuellement et la puissance des cuivres gagne en émotion par la voix supra-terrestre de l’onde dans le suraigu, qui communique à tout l’orchestre sa lumière et ses larmes de joie. La mélodie reste en suspens, dans l’attente lumineuse – et ce grand geste vers une fin qui n’existe pas (la Gloire et la Joie sont sans fin) attire et provoque la Coda. »

 

Emmanuel Bellanger

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